la Gazette des Astrologues

n°187 - Mai 2020

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

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“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Ah le joli mois de mai… !

Parlons-en du mois de mai…  Les arbres sont en fête et le jardin exhale de partout.  Les oiseaux peaufinent leurs nids et les chats se remettent en chasse.  Par contre, pour nous, les humains : « retro coronas ! ».  Pas question de nous voir ; pas question de nous toucher…

C’est évidemment difficile pour tout le monde.  Mais moi, sous le signe du Taureau, je vis cela bien plus mal que vous tous.  Car j’aime embrasser, enlacer, palper, pétrir…

D’ordinaire, je satisfais mes envies sans retard.  L’eau me vient naturellement à la bouche dès que j’approche l’objet qui me tente.  Je déguste deux fois ; d’abord dans ma tête, puis en me penchant vers la table, la main à l’ouvrage : couteau, cuiller et fourchette « en avant ! »

Par-dessus tout, j’aime la chamade de mes doigts lorsqu’ils approchent la chose qui me met en appétit.  Qu’il s’agisse de saisir un fruit, de caresser une épaule, de lisser un tissu soyeux, c’est chaque fois comme à la surface de l’eau…  Vous savez…, comme lorsqu’on l’effleure du bout des doigts : l’eau monte légèrement, elle s’offre, elle se livre, comme pour hâter le contact, en une vraie complicité.

En comparaison, les théories abstraites des philosophes ne me disent rien qui vaille.  Ils vous livrent des pages de vérités ou d’hypothèses, mais ils n’entendent rien à la suavité des fleurs, au velouté d’une caresse, au crémeux d’un potage, à la majesté des arbres.  Moi, en revanche, ma gourmandise est comme la sève qui parcourt leurs branches.

Vous l’avez compris : je carbure à l’envie.  Envie de quoi ?  De tout ce qui me fait saliver par avance.  Tant mieux, saliver, c’est bon pour la digestion…  Dès lors, mon bol alimentaire glisse sans effort dans mon œsophage, pour aller rejoindre toutes les petites gourmandises que je me suis offertes durant la matinée.  

Se mettre à table, c’est une fête.  Il devrait toujours en être ainsi.  

Mais ce satané virus me joue des tours.  Mon resto favori est fermé.  Alors, que me mettre sous la dent ?  Cuisiner ?  Me faire de bons petits plats à la maison ?  Sans doute, mais ce n’est jamais la même chose que de mettre, tout simplement, « les pieds sous la table », en compagnie de quelque ami…

D’accord, il me reste les odeurs.  Le jardin en est plein.  Mais mon estomac ne veut rien savoir.  Il crie famine, surtout lorsque le parfum du lilas est surclassé par les fumerolles du barbecue chez le voisin.  Or, confinement oblige : pas question de me faire inviter !

Alors, contre mauvaise fortune, je fais comme si tous mes sens se focalisaient sur une autre gamme de sensations : celle des couleurs.

Ah ! les couleurs !  Elles font partie, comme les odeurs, de mes madeleines proustiennes…

Non, pas obligatoirement le vert… ! J’ai beau être du signe du Taureau, je ne suis pas limité à mon pré… Et pas le rouge non plus…  Il ferait bien trop plaisir à mon vis-à-vis plutonien, tout prêt à descendre dans l’arène pour une folle corrida.

Non, la couleur la plus sensuelle pour moi, c’est…

l’orange…

Ma passion de l’orange a commencé par un lustre en mica dans ma chambre d’enfant.  Je me souviens surtout de sa couleur dominante : l’orange.  

À trois ou quatre ans, je m’étonnais qu’on utilise le nom d’un fruit pour désigner une couleur.

Dans cette même chambre, lorsque le sommeil ne venait pas, je faisais défiler devant mes yeux la sensation vive des bouts de papier glacé que nous découpions à l’école pour nous familiariser avec les formes géométriques.  Je m’inventais ainsi un dictionnaire : le triangle était bleu comme le ciel, l’étoile était jaune comme le soleil, le carré était rouge comme la toile cirée de la cuisine, le triangle était violet comme le coin de velours dont on recouvrait les crucifix le Vendredi Saint.  Mais le cercle, lui, il était orange…  Comme l’orange…  

Avec gourmandise, avant même de pouvoir lire, je m’égarais à l’envi dans un étonnement quasi métaphysique.  Je m’alanguissais dans une sorte de méditation où se mélangeaient l’orange du mica et la pulpe de l’orange.  

Au marché du village, le samedi, je m’attardais devant l’échoppe du maraîcher.  Lorsque c’était la saison des oranges, il en vendait.  Il les coupait en deux et il les déposait sur une pyramide de fruits.  J’y contemplais l’étoile des quartiers tranchés à vif, dans le cœur de la pulpe ; et tout de suite je salivais.  

Dans mon lit, c’étaient plutôt les jeux de lumière qui me captivaient.  Ainsi, lorsque le soleil bas entrait dans ma chambre et projetait l’orange du mica translucide sur le mur blanc, je m’offrais un vrai jaillissement en technicolor.

Insensiblement, mais significativement, juste avant de glisser dans le premier rêve, je pressentais le signe métaphysique de cette rencontre : l’orange du mica orangé et l’orange… de l’orange…

Quelques années plus tard, ayant élargi ma connaissance des couleurs, j’attribuai à mon lustre d’enfant la couleur tango (1).  Du même coup, je voyageais un peu plus loin.  J’enrichissais ma palette d’expériences et je me faisais le cadeau d’un certain exotisme ; alors même que je mélangeais à nouveau les genres, le tango devenant à son tour pour moi une couleur prégnante et la sensualité d’une danse.  

J’aime les mots virtuoses. Leur compétence est de désigner, mais aussi d’évoquer voluptueusement.  Est-il nécessaire de le dire : le seul mot « orange » me met l’eau à la bouche et le mot « tango » est tout près de me faire chavirer…

Or, vers mes douze ans, une chanson de Bécaud me mit en alerte : « tu as volé, tu as volé, tu as volé…  l’orange du marchand… ! »  Oui ! c’était moi le voleur, pensais-je.  Je me suis approprié l’étoile pulpeuse de l’orange et j’ai fait mien le glacis tango que j’étirais désormais dans la marge de mes convoitises.

Tels sont mes premiers rudiments métaphysiques.  C’est tout le contraire de l’abstraction ; tout y est sensation, perception, envie, désir…  

Aujourd’hui encore, l’ancrage de « ma » couleur orange me projette sur le bord panaché de la vie ; bien au-delà des mots, des objets et des occurrences qui, paraît-il, suscitent des sensations.  

Ainsi, définitivement, une couleur suffit à ma gourmandise.  Et un petit virus ne peut rien y changer…


Jacques VANAISE


(1) Tangerine Tango est le nom de la couleur Pantone 17-1463, donné par la firme Pantone LLC.

Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be

Le Taureau : l’eau à la bouche

Sur le vif

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