la Gazette des Astrologues

n°191 - Septembre 2020

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

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“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Comprise au premier degré, cette formule n’est plus d’actualité.

Cette entrée en matière peut surprendre, voire choquer les astrologues que nous sommes. Car cette « maxime » nous a longtemps servi d’argument pour défendre le principe d’une relation réciproque entre la terre et le ciel.

Il est vrai qu’à une époque lointaine la terre n’était pas séparée du ciel. Au cœur des récits mythiques, les hommes côtoyaient les dieux et sur base de leurs croyances animistes, ils croyaient aux forces magiques de la nature.

Puis, à mesure que des observations plus objectives permirent de comprendre les cycles astronomiques, le ciel fut distancié et devint le séjour à partir duquel les dieux régentaient, de loin, de très loin, la vie terrestre.

Tout au long de son histoire, la complémentarité entre le ciel et la terre a justifié les correspondances que l’astrologie reconnaissait entre les figures célestes et les événements terrestres.

Cependant, n’oublions pas qu’à l’origine l’astrologie s’occupait presque essentiellement des réalités collectives. L’astrologue établissait le thème de ce qui était important pour un groupe, pour un peuple, pour un pays. Il le faisait principalement à travers la figure tutélaire du roi, du chef, du seigneur.

Dans quel but ? Afin de préciser au roi le moment favorable pour entamer une bataille, pour entreprendre une campagne militaire, pour organiser une récolte.

Il s’agissait alors d’une astrologie « collective ».

L’astrologie individualisée (nous le savons) apparut notamment à l’époque romaine classique.

Deux observations méritent notre intérêt.

Relevons d’abord que le roi pour lequel un thème collectif était établi se voyait, en quelque manière, investi astrologiquement de sa mission. Son caractère et ses aspirations personnelles intervenaient probablement dans sa conduite militaire et dans sa gestion politique, mais, avant tout, c’était sa fonction qui importait.

De même, et jusqu’à la révolution industrielle, les métiers artisanaux se transmettaient de génération en génération. Présumons toutefois que chaque sabotier, boulanger ou menuisier assurait différemment son travail selon son caractère.

Nous voici à présent dans un tout autre registre.

Désormais, le « sujet » individuel que nous sommes aspire à affirmer et à réussir « son » émancipation personnelle face au « nous » collectif et tout puissant.

Chacun entend vivre de façon aussi autonome que possible 2.

Illustrons cela par un exemple. Il fut un temps où la fonction imposait aux Princes de sang de subordonner leurs aspirations au rôle qu’il leur était destiné. Aujourd’hui, Meghan et Harry ont écouté leurs propres ambitions, après avoir écouté leur cœur.

Ainsi, c’est à présent en référence à nous-mêmes que nous aspirons à nous définir et à déterminer notre conduite.

Hier encore, nous nous définissions par nos appartenances, nos filiations et nos affiliations. Nous étions parfois le pur produit de notre environnement et de notre culture. Désormais, nous prétendons suivre notre propre voie, tracer nos propres sillons, vivre en accord avec nos idéaux.

Seconde observation.

L’astrologie nous a placés tout d’abord à la verticale du ciel et de la bonne volonté des dieux.

Puis, elle nous a établis à l’horizontale, en référence à la famille, à la société et à la culture, mais aussi sous la coupe des événements.

Désormais, elle nous invite à infléchir (voire à inverser) notre attention vers notre univers intime.

Or, ce troisième moment (que nous pouvons relier aux prérogatives accordées à l’individu au temps du Verseau) réclame une véritable révolution copernicienne.

Dorénavant, l’astrologie nous parle d’un ciel intérieur 3.

Nous le savons. Mais en tenons-nous suffisamment compte ?

Le roi antique était subordonné à sa fonction.

Le citoyen romain était assujetti à son destin inscrit dans les astres qui, de leur côté, supervisaient les événements.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Notre thème de naissance ne nous place plus dans la dépendance de situations objectives, comme si nous étions des pions sur un échiquier.

Il ne nous place pas non plus dans un monde intérieur isolé, voire imperméable à toute influence extérieure et où nous pourrions librement faire ce qui nous chante.

Que désigne-t-il donc ?

Il signifie la zone limitrophe où nous interagissons avec le monde.

Que se passe-t-il là ?

Là, nous développons et nous assumons un « point de vue ». Là, nous naissons et nous grandissons sur la frontière qui nous met en contact avec l’extérieur.

Là, nous sommes le centre (extrêmement relatif) vers lequel convergent, de proche en proche, toutes les informations contenues dans le monde et auxquelles font écho les images et les archétypes engrammés dans notre psyché (reçue en héritage).

Là, notre existence s’inscrit dans un entre-deux.

Mais comment savoir qui, du contenant ou du contenu, détermine l’autre ?

À l’image de la relation qui existe entre un vase et l’eau qu’il contient, nous sommes un creux qui se remplit au gré des informations qui nous parviennent. Mais nous sommes aussi un noyau intégrateur qui reçoit, interprète et organise le flux constant de ces informations.

Sur cette frontière et à chaque instant, nous faisons l’expérience d’une certaine manière d’être.

Ceci indique que nous ne sommes pas vraiment dans l’existence, mais dans l’inter – sistence.

Dès lors, les événements que nous vivons composent une réalité qui dépend du « comment » nous les vivons et « du sens » que nous leur donnons.

Ainsi, il n’est pas écrit dans les astres qu’un député deviendra ministre, qu’un comédien se verra confier un rôle au cinéma, qu’une idylle s’achèvera ou qu’une intrigue amoureuse commencera.

Chaque fois, il s’agit de voir l’occasion pour la personne concernée d’entrer un peu plus fort, un peu plus manifestement et, surtout, un peu plus significativement dans le rôle qui fait sens pour elle.

C’est désormais dans un foyer « duel » d’incidences et de réciprocités que nous nous déployons en tant que « personne ».

Cela change-t-il quelque chose à notre conception et à notre pratique de l’astrologie ?

Oui ! Cent fois OUI ! Mille fois OUI ! Cela change tout !

Dorénavant, et en raison de cette véritable révolution copernicienne, nous ne pouvons plus parler de l’événement qui surviendrait « comme ça » sur notre chemin et que nous pourrions annoncer par avance.

Désormais, si le ciel et la terre sont encore le théâtre de nos jeux, la pièce que nous jouons, et les acteurs que nous mettons en scène, et le scénario qui nous guide, tout cela, à présent, nous appartient.

« Ce qui est en haut » ne peut plus guère que nous suggérer une métaphore pour approcher le sens de chaque situation que nous vivons.

Non sans préciser que ce sens indique en quoi telle situation, tel événement, tel incident sont à notre ressemblance.

En définitive, ce que l’astrologie nous désigne aujourd’hui, ce n’est plus le déterminisme des événements, mais notre détermination intime, dans le double sens de prise en compte de ce qui nous conditionne de l’intérieur (hérédité, processus psychologiques, histoire personnelle) et ce qui relève de notre volonté intrinsèque de réaliser notre projet en nous appuyant sur le monde.

Puissions-nous nous en souvenir.

L’astrologie ainsi réformée ne pourra qu’être mieux appréhendée et mieux mise en œuvre.


Jacques VANAISE


1 Cf. la Table d’émeraude, l’un des textes majeurs de la littérature alchimique et hermétique. Ce texte est composé d'une douzaine de formules allégoriques, dont la fameuse correspondance entre le macrocosme et le microcosme : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».

2 Et pour autant que les conditions familiales, sociales et économiques nous facilitent la tâche…

3 Observons que la « découverte » psychanalytique de notre univers inconscient contribue à révolutionner aussi bien notre relation verticale au ciel que notre seule soumission horizontale aux réalités objectives du monde.

Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be

« Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas… » 1

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