l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

n°203 - Septembre 2021

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Consultons le dictionnaire aux mots « Astrologie » et « Astronomie ».

« Astrologie » : Art divinatoire fondé sur l’influence supposée des astres du Système solaire, de leur position et de leurs déplacements dans le ciel, sur les événements terrestres et sur le caractère et la destinée des êtres humains.

« Astronomie » : Science étudiant la position, les mouvements, la structure et l’évolution des corps célestes.

Pour ces deux définitions, j’ai choisi mon programme correcteur « Antidote » plutôt que mes anciens dictionnaires rangés depuis longtemps en haut de ma bibliothèque (« Larousse » et « Robert »). L’Astrologie y est explicitement annoncée comme un art divinatoire.

Que nous dit Wikipédia ? « L'astrologie est un ensemble de croyances et de pratiques fondées sur l'interprétation symbolique des correspondances supposées entre les configurations célestes et les affaires humaines, collectives ou individuelles. L'astrologie est désormais considérée comme une pseudoscience relevant du charlatanisme.

Le dictionnaire Larousse (édité sur Internet) réactualise sa définition de l’astrologie : « Discipline ayant pour objet l'étude des corrélations entre la qualité propice ou néfaste du ciel géocentrique lors d'un événement terrestre, d'une part, et la nature, les développements de cet événement, d'autre part ».

Voyons la version actuelle du dictionnaire Robert : « Art de déterminer le caractère et de prévoir la destinée humaine par l'étude de l'influence supposée des astres ». C’est indéniablement plus satisfaisant que la version de Wikipédia…

Mais pourquoi revenir, une fois encore, à ce qui est écrit à propos de l’astrologie et de sa corrélation avec l’astronomie ?

Dans l’imaginaire collectif, les hommes du paléolithique sont souvent considérés comme de simples primates ne comprenant rien à l’univers. Or, nombre de peintures rupestres (grottes de l’Altamira, de Lascaux, de Chauvet, notamment) semblent (selon certains scientifiques) représenter des constellations.

De fait, l'étude du ciel est une pratique savante très ancienne. Elle n'a cessé de se développer et de se transformer.

Nul doute que l’élaboration des mythes s’explique à la fois par les productions de l’imaginaire et par l’agencement de conceptions cosmologiques. Jusqu’à ce que l’observation de plus en plus précise des mouvements célestes permette à « la science des astres » de s'institutionnaliser en tant que discipline scientifique.

Dès lors, les chemins empruntés par l'astronomie et l'astrologie se sont séparés.

L’étude du ciel, puis du cosmos, permet aux scientifiques de comprendre le passé de la terre et l’origine de l’univers, jusqu’à l’ultime seuil du commencement. Elle leur permet aussi d’annoncer et de décrire nombre de situations célestes, dans le présent comme dans l’avenir. Par contre, il n’est pas question pour l’astronomie de prédire le destin individuel des hommes…

Nous connaissons les arguments continuels pour disqualifier l’astrologie : elle ne répond pas aux fondements des sciences expérimentales, à savoir l'objectivité, la rationalité, la rigueur et l’authentification.

La plupart du temps, lorsqu’ils s’expriment à propos de l’astrologie, les astronomes adoptent clairement une attitude défensive, voire offensive. Il est pour eux insupportable que leur science et leur travail soient « associés » (de près ou de loin) à la fantaisie des horoscopes. Le verdict est abrupt : pour l’astronome, l’astrologie est définitivement une superstition et ses prédictions sont totalement infondées.

Soit ! J’ai pourtant envie de reconsidérer le rapport entre « astronomie » et « astrologie », en examinant l’étymologie des deux termes.

« Astro – logos » : στρολογία, de στρον, astre, et de λόγος, discours des astres.

« Astro – nomos » dérivé du grec στρονόμος, de στρον, astre, et νόμος, loi, règle.

D’un côté, donc, le discours ou le langage ; de l’autre, la règle et la norme.

Un commun dénominateur se précise : dans les deux cas, il y a une prise de parole. Mais c’est comme si, pour l’astrologie, le nom qui désigne l’astre venait de l’intérieur (logos), tandis que pour l’astronomie l’astre était nominativement désigné à l’extérieur (nomos).

Cette subtile distinction fait toute la différence ; alors même que le nom des planètes découle, dans les deux cas, des dieux mythologiques.

Si l’astronomie et l’astrologie sont définitivement des disciplines distinctes (et irréconciliables, jugeront certains), considérons toutefois le trait d’union qui subsiste entre elles.

Dans le cadre de l’astrologie, nous relevons la cohérence et l’alternance des rythmes saisonniers, ceci en vue de décrypter les cycles évolutifs, tels qu’illustrés par le cours des planètes et par la structure du zodiaque 1.

Mais comment justifier ou, tout au moins, expliquer la dénomination des signes et des planètes ?

Considérons que ces noms ont une connotation ou une résonnance à la fois intérieure et extérieure. C’est cette distinction même qui caractérise le clivage entre l’astrologie et l’astronomie.

À moins que nous ne persistions à vouloir attribuer aux planètes un rôle physique et mesurable sur notre réalité psychique, le ciel astrologique est indéfectiblement à l’intérieur de nous. Reste alors à saisir la possibilité d’un rapport (non pas physique, mais symbolique) avec l’astre dans le ciel.

Et si ce rapport était précisément de l’ordre du langage, tantôt pour dire (logos), tantôt pour mesurer (nomos) ?

Je ne saurais développer tout ce que cela suppose et implique dans le cadre de cette (brève) chronique. Je me contenterai d’architecturer ma réflexion autour de la subjectivité et de l’objectivité.

Cette polarisation peut être comprise de deux façons complémentaires. On comprend facilement le rapport duel entre l’intériorité et l’extériorité, entre le moi sensible et le monde objectif. On établit tout aussi aisément, dans le cadre de l’astrologie, le rôle particulier du symbole qui relie, en l’occurrence : la fonction astrale au-dedans de l’être et la planète dans le ciel.

Ce qui est toutefois particulier, c’est que ce lien se réclame d’un consensus.

Comment l’expliquer ? Si ce n’est en considérant que, d’une part, l’attribution d’une figure mythique à la planète se fait à partir d’un tronc universel : la psyché humaine 2; et que, d’autre part, l’astre lui-même, dans le ciel, peut être évidemment observé d’une façon identique par chacun 3.

Si l’on considère de plus près l’idée d’un tel consensus, on comprend que le nom mythique donné à la planète (ou la figure zodiacale attribuée à un regroupement d’étoiles) est garant de ce à quoi ce nom se réfère. Ce nom dérive à la fois de structures de pensée, de catégorisations intimes (qui résultent sans doute des rythmes naturels qui, en cela, prolongent l’expression des instincts 4), ou encore d’une symbolique et d’une mythologie se dégageant de l’imaginaire collectif.

Ensuite, la mise en forme ou, plus exactement, en mots, en figures, en images et en récits de ce rapport entre l’être et le ciel s’inscrit dans un langage commun, puis dans des rituels, des évocations et des coutumes. Une telle interaction entre les hommes et les phénomènes qu’ils observent déterminent une convention sur base d’un sens commun. Dès lors, en nommant la planète ou le signe zodiacal, les êtres humains définissent le lien qu’ils ont avec eux. Cet acte de dénomination est ce qui opère au cœur même de toute métaphore.

Le nom conféré au dieu planétaire désigne évidemment la planète elle-même. Mais, surtout, il sollicite et fixe une image symbolique qui devient le véritable lien entre l’être et le ciel. La valeur astrologique de la planète n’est donc pas totalement objective, puisqu’elle se fonde sur le rapport symbolique que nous avons avec elle. On y reconnaît une véritable médiation entre le ciel et l’écho qu’il produit en l’être, pour la simple raison qu’à l’origine c’est l’être qui a projeté sur l’astre une image subjective qui faisait sens en et pour lui, dans un rapport métaphorique de ressemblance ou d’analogie 5.

On comprend ainsi que les planètes (ou les signes) ont (dans le cadre de l’astrologie) un sens symbolique, non parce qu’elles (parce qu’ils) existent objectivement, isolément de nous, mais parce que nous les « existons » 6 dans une dimension que nous imprégnons de sens.

Plus généralement, notre présence au monde est ontologiquement imprégnée du sens qui émerge en nous et que nous reconnaissons dans les choses et les phénomènes que nous rencontrons. Voyons-y une véritable introjection symbolique des figures du ciel, au cœur même de notre vie intérieure,

En définitive, le monde céleste, tel que nous le percevons, est issu de notre chair 7 et de notre imaginaire ; puis il revient vers nous sous forme de symboles.

Tout compte fait, à partir de ces quelques réflexions (ou spéculations ?), nous comprenons combien l’écart est grand entre ce que décrit l’astronomie (à savoir la structure objective des choses) et ce qui alimente l’astrologie : la dimension symbolique que nous projetons sur le monde et sur le ciel, et puis que nous introjetons au-dedans de nous.

Ce sens accordé aux planètes et aux signes, nous nous les réapproprions. Nous faisons donc « comme si » ce sens appartenait en propre au ciel, alors qu’en réalité il est tributaire de la relation qui se noue entre notre imaginaire et le ciel 8.

Autrement dit, ce sens (que nous jugeons extérieur à nous) réside fondamentalement dans le lien que nous tissons avec la réalité dont nous faisons intégralement partie, en un seul tissu continu.

En un seul tissu continu ? Ce qui caractérise et particularise notre perception du monde, c’est que nous ne cessons d’objectiver hors de nous ce qui, fondamentalement, est et reste subjectif, en nous. En cela (et nous ne pouvons l’ignorer), nous vivons chacun sur une subtile délimitation 9, là où nous sommes séparés de ce qui nous entoure. Là, sur cette frontière, se joue le mystère qui, depuis des millénaires, a généré le lieu subtil de nos perceptions, d’abord sensitives, puis conscientes du monde.

C’est en effet depuis le commencement du monde, bien avant que les hommes puissent se faire une idée de la mécanique céleste, qu’un souffle de vie préconsciente traverse sans interruption les méandres du temps. Il a pénétré les recoins sombres de nos instincts pour remonter jusqu’au sommet de notre épine dorsale et pour rejoindre, par projection, les figures réellement vues (astronomie) ou fantasmées (astrologie) dans le ciel.

Il y a dans ce parcours plus de poésie que de science. Et donc, si pour l’astronome une planète est avant tout un énorme caillou, pour l’astrologie elle est le point d’appui de notre imaginaire.

En nommant les planètes, nous replongeons jusqu’aux racines entassées de la vie.

C’est ainsi que chaque parcours humain, nourri pas l’antériorité des mythes, est l’occasion de retrouvailles. Nous sommes faits de la poussière des étoiles et notre imaginaire est tricoté des innombrables fils qui, en se croisant, ont préparé et habillé notre regard sur le ciel.

Voilà pourquoi la planète / symbole est composite 10, au diapason de notre propre monde intime et singulier ; alors que, pour l’astronomie, chaque planète est univalente dans ses propriétés chimiques, rocheuses ou gazeuses.

À l’ajustement mathématique du système solaire, correspond par analogie l’échiquier spéculaire 11 des figures symboliques.

On le voit bien, on ne parle pas de la même chose, définitivement.


Jacques VANAISE

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jacques.vanaise@skynet.be

Sur le vif

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1 Ainsi, les douze signes du zodiaque illustrent parfaitement les différentes séquences, phases ou stades intervenant dans le développement psychologique de notre personnalité.

2 À cet égard, c’est comme si le récit mythique se déployait à la manière d’un rêve éveillé, conjuguant à la fois des expériences terrestres et des figures « spontanées » issues de l’imaginaire.

3 La distance annihile l’importance du lieu d’observation. En effet, qu’on regarde l’astre du fond d’une plaine ou du haut d’une montagne, la différence d’altitude ne compte pas, dès lors que le ciel est bien loin, au-dessus de tout observateur.

4 Pour Jung, les archétypes sont les transpositions à un niveau psychique de ce que sont les instincts au niveau physiologique.

5 Le signe du Taureau (par exemple) fait sens au moment et au lieu où les vaches mettent bas.

6 Nous leur donnons une réelle existence symbolique qui convient à l’organisation ou à la structure de notre imaginaire.

7 Ce qui, pour la physique quantique, veut dire que nous sommes au diapason de la « réalité » qui n’est perçue en tant que telle que parce qu’elle est de la même nature physique (et illusoire) que nos sens.

8 Ce qui me fait dire que nous ne sommes pas dans l’existence, mais dans l’intersistence.

9 Relevons que cette délimitation précise en quoi nous ne sommes plus plongés dans le bain illimité (et infini) du placenta, avant notre venue au monde.

10 Cf. la polyvalence des symboles.

11 Cf. un véritable jeu de miroir.