la Gazette des Astrologues

n°116 - Juin 2014

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Le Billet d’Humeur

Jacques VANAISE

D’accord, pas d’accord…

Vivre pour des idées

Libres propos d’un citoyen iconoclaste

par Jacques Vanaise, philosophe, poète et citoyen

Le frisson électoral approche.  Gauche – droite ! Droite – gauche ! Le pas cadencé martèle les pavés et les discours.

Précisément, parlons-en, des pavés.  En mai 68, à Paris, ils pleuvaient.  Des barricades s’élevaient. Des passions et des rêves créaient des avenirs nouveaux…  À l’époque, l’insurrection surprit tout le monde, y compris ceux qui faisaient profession de prévoir.  Et une angoisse de fond monta des profondeurs, précipitant dans la révolte ceux que le futur angoissait.  Et la lame déferla, comme pour nous guérir définitivement d’une maladie de civilisation.

Aujourd’hui, les bannières sont flétries et les rêves se sont éteints.  

Dès lors, allons-nous désespérer de tout ?  

La campagne bat son plein.  Chaque parti nous le promet : demain, tout ira mieux, à condition de faire le bon choix…  Mais quel est le bon choix ?  Notre priorité est-elle de l’ordre de la croissance et de la compétitivité ; ou de la solidarité, de la qualité de la vie, d’une certaine idée du «bien vivre ensemble» ?

Or, qu’est-ce que « bien vivre » ?  Et fondamentalement, de quoi avons-nous besoin ?

La pierre cachée de nos ancêtres dort en chacun de nous, jusqu’à ce que le soleil vienne la réchauffer.  Nous effectuons nos premiers pas dans le bain intime de notre famille de même que dans le cercle étroit d’une culture.  Ce faisant, nous cernons les enjeux inscrits dans notre matière brute.  Puis, nous découvrons ce que les autres, d’ici et d’ailleurs, sollicitent en nous.

Ensuite, vient un temps où, au centre de notre maison, si nous avons la chance d’être logés, blanchis, nourris…, nous nous étonnons d’aspirer à un autre frémissement.  Et de poser un autre regard sur le monde.  Et d’y dénoncer l’opacité de tout ce qui nous enferme dans le premier degré des choses.  Et, comme en mai 68, sous les pavés, de mettre au jour la plage et de nous y déployer pour aller de l’avant !

Aller de l’avant !? D’accord !  Mais pour aller où ?  Dans quel but ?  Avec quelle idée en tête ?

La campagne bat son plein et chaque parti l’affirme : il est le seul garant du progrès !  Mais progrès de quoi ?  Et progrès pour qui ?  Et s’agit-il vraiment de progrès ou de croissance ?  

Notre civilisation est désormais plombée par le contingent.  Une seule règle : la loi souveraine du marché…  Dorénavant, la double logique financière et économique conditionne notre vie individuelle et collective.   D’où son ingérence jusque dans l’éducation, dans le comportement des familles et dans le développement des personnes.

Notre épanouissement passe par le travail. Mais celui-ci contribue-t-il à nous faire vivre ou à nous faire «survivre» ?  Tout se passe aujourd’hui comme si la production était devenue un but en soi ; au point de soumettre le travail à cette seule finalité.   Or, l’unique dessein de l’homme est-il de produire pour consommer, ce qui suppose de consommer pour écouler la production ?  Au risque de perdre tout un pan de notre vie, notre seule ressource étant de la gagner

N’y a-t-il pas là un cercle vicieux dont l’effet, sinon le dessein, est de colmater la brèche métaphysique, avant même qu’elle ne vienne nous interroger quant au sens de la vie ; la tactique consistant à nous investir rapidement dans l’apparence et dans l’immédiat ?

Certes, nous avons besoin de manger, de nous loger, de nous vêtir, de nous soigner…  Et donc aussi de fabriquer, de produire, de construire… Fort bien.  Mais nous limiter à ce premier niveau, c’est oublier qu’il ne désigne que des moyens, non des fins en soi.

L’histoire est faite de cycles.  Comme la vague qui monte et qui descend, il y a un temps qui favorise l’objet ; puis vient un temps où se pointe à nouveau la dimension subtile de l’être.  Lorsque nous considérons la pyramide de nos besoins légitimes, nous observons que l’appel du grand large métaphysique ne se manifeste pas dès nos premiers pas dans la vie ; voire jamais si nous n’avons pas la chance d’assurer notre horizon matériel.

Mais que faire et comment faire quand cet horizon nous revient en pleine figure ?  

À n’en pas douter et à voir comment le monde tourne, on se dit qu’on s’est trompé quelque part… Mais ce n’est la faute à personne, ou plutôt : c’est la faute à la crise ; à la crise qui a bon dos, qui explique tout, qui valide tout, qui justifie tout !

Et si la crise que nous vivons aujourd’hui n’était pas seulement économique et financière ?  Si elle était aussi morale, philosophique, « civilisationnelle » ?

Nous faudrait-il donc changer de regard, de perspective, voire de paradigme ?  

D’où venons-nous ?  Où avons-nous fait fausse route ?  

Le cours de l’histoire est tissé de bonnes intentions.  Au néolithique, l’homme transforma la matière en énergie, grâce notamment à la maîtrise du feu.  Plus près de nous, et grâce à l’ère industrielle, la machine permit de transformer l’énergie en travail.

Depuis, bien entendu, l’industrialisation a fait des prodiges.  Mais elle a aussi engendré les fumées délétères, elle a contribué à la parcellisation du travail, elle a réduit l’ouvrier au rang de machine, elle a favorisé un modèle de société basé bien plus sur la concurrence que sur l’émulation…

Vient donc l’heure d’un examen critique, la question étant de savoir ce qui « nous » est essentiel, non pas pour «survivre», mais pour vivre… ; avec pour corollaire le retour de ces choses qu'on dit inutiles, en dessous de la tyrannie des jours qui se ressemblent tous…

Nous faut-il donc revenir en arrière ?  Est-il question de quitter une situation acquise et de faire des sacrifices... ?  Ou est-il plutôt question d’aller vers autre chose ?  

Au pied du mur, il ne s’agit pas de tout quitter, comme dans le jeu de l’oie, lorsque nous sommes reconduits à la case de départ.  Il ne s’agit pas non plus de perdre tous nos acquis, mais de les réévaluer à la mesure de ce qu’il nous faut reconquérir.

Mais, pour entreprendre un tel retournement, à qui confier le gouvernail ?  

Nous pourrions, par exemple, nous inspirer de la curiosité pétillante de l’enfant : celle qui lui fait goûter la joie de la découverte et de l’apprentissage.  Hélas, trop souvent, comme les roses, cette curiosité ne dure qu’un temps.  Viennent en effet l’adolescence et l’heure des mimétismes.  C’est le règne de l’apparence au seuil critique de l’âge d’homme, à l’heure où vient l’inconnu qui est en nous, et qu’il nous faut apprivoiser, et qui n’est autre que nous-mêmes, mais que nous confions à l’utérus du «paraître» dont use et abuse la société du spectacle…

À contre-courant, comment redécouvrir l’âme pierreuse qui correspond à ce que nous avons de meilleur à être et de plus achevé à accomplir ?  Une telle perspective ne peut qu’arracher tous les masques et nous replacer dans la verticalité.    

Seule la contagion subtile de l’imaginaire peut faire émerger de nouvelles aspirations, que ce soit dans notre intériorité ou au cœur des sociétés humaines.  Quel en est l’enjeu ?  Révolutionner les questions économiques, politiques et écologiques du moment…  

Certes, il n’est pas question de condamner les innombrables avancées de la science et de la technique.  Mais si le progrès nous a libérés, il nous a aussi « déliés » par rapport à nous-mêmes.  En réponse, voici venir le temps de la reliance.  L'homme n'est pas achevé.  L'humanité représente un projet ouvert et nous sommes appelés à en être les artisans.

Or, pour aller dans ce sens-là, il n’existe pas encore de boîte à outils qu’il suffirait d’ouvrir et de mettre en œuvre.  Vivre pour des idées, c’est d’abord voyager dans l’abstraction d’une utopie, alors même que les problèmes, impasses, difficultés liés à la crise ne sont évidemment pas des concepts désincarnés.

Ces quelques réflexions iconoclastes sont-elles hors de propos ?  En décèlerons-nous quelques-unes dans l’effervescence électoraliste ?  

En dernier ressort, ne comptons pas sur la promesse de lendemains enchanteurs.  Rêvons plutôt à la prise en compte de ce qui, tout au fond de nous, nous interpelle, telle une source oubliée…

 

 

En vue de dépasser la simple dénonciation et de proposer des solutions opérationnelles, des acteurs concernés et de simples citoyens se sont mis en réseaux :  http://www.ma-voix.be     www.cecin’estpasunecrise.org

 

La pierre cachée de nos ancêtres dort en chacun de nous, jusqu’à ce que le soleil vienne la réchauffer.

C’est le règne de l’apparence au seuil critique de l’âge d’homme, à l’heure où vient l’inconnu qui est en nous, et qu’il nous faut apprivoiser, et qui n’est autre que nous-mêmes, mais que nous confions à l’utérus du «paraître» dont use et abuse la société du spectacle…

L'humanité représente un projet ouvert et nous sommes appelés à en être les artisans.