la Gazette des Astrologues

n°125 - Mars 2015

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Le Billet d’Humeur

Jacques VANAISE

L’astrologie n’est-elle qu’un langage symbolique créé de toutes pièces par l’imagination des hommes ?  Ou est-elle bien plus que cela : le lieu onirique où se profile l’imaginaire humain… ; ce lieu étrange où s’animent les dieux et les déesses hérités des anciens mythes ?

Dans sa pratique et en dialogue avec son consultant, l’astrologue voit s’animer un véritable théâtre.   Il peut alors se dire : « ça marche ! »   Il peut s’en réjouir et s’en contenter.  Mais il peut aussi (et il devrait même) se demander (non sans une certaine émotion) s’il n’est pas le témoin – à travers l’expérience vécue de son consultant – d’un véritable affleurement.  

Affleurement, à l’exemple du géologue qui observe, à travers les couches plus récentes de la roche, la saillie de strates plus anciennes.   À l’exemple aussi du physicien quantique lorsqu’il devine, en retrait des particules, un champ qui ressemble à une mer infinie d’énergies fluctuantes à partir desquelles tout émerge : atomes, galaxies, étoiles, planètes, êtres vivants, conscience…

Et l’astrologue de se demander s’il n’est pas le dé – couvreur, comme l’était autrefois les créateurs de mythes, d’une porte jusque-là dérobée et qu’il nous revient d’ouvrir sur un panorama encore insoupçonné.  

Cette porte, nous l’ouvrons chaque fois que nous nous laissons imprégner et émouvoir par une peinture, une musique, un poème ; ne nous contentant pas d’en décrire la matière et la composition, mais y reconnaissant l’émergence d’une autre réalité, par-delà le monde directement sensible.

C’est effectivement ce que l’astrologue observe lorsqu’il décrypte un thème astral : la venue au jour, à travers un vécu et des situations caractéristiques, des archétypes ensommeillés au plus profond de l’inconscient.

Et l’astrologue de s’interroger : sa fréquentation régulière de l’imaginaire et, derrière celui-ci, de la véritable matrice de la conscience, à mi-chemin entre le virtuel et le réel, ne contribue-t-elle pas au dévoilement d’un continent immergé ?

En cela, l’astrologue est le témoin d’un transfert incessant d’informations entre la psyché et le monde.  

Que déduire d’une telle primauté reconnue au rôle de l’imaginaire, tel qu’il sous-tend l’élaboration et le déploiement de notre personnalité, dans et par le monde ?

Nous le savons, l’apport de l’astrologie (et, d’une façon tout à fait pratique, l’interprétation de notre thème de naissance) doit être relativisé.  En effet, nous avons beau être « à l’image » de notre carte du ciel, ce qu’elle nous désigne (en tant que potentiel) doit être conjugué avec d’autres conditions (ou conditionnements) qui contextualisent notre vécu : hérédité et situation sociale.  

Or, nous le savons aussi, la pure matérialité du monde ne saurait en définir toute la réalité.  C’est le sens que nous donnons aux choses, y compris à nos aptitudes physiques (en partie héritées) et aux caractéristiques sociales et culturelles de notre milieu, qui constitue notre réalité vécue.

Ce dont il s’agit ici c’est du pouvoir constituant de notre sujet intime.  C’est toujours un sujet humain qui constitue le sens du monde.  Pour dire les choses plus simplement : nous faisons le pari, en astrologie, d’une grille de lecture (la configuration psychique de notre thème) qui s’interpose entre la conscience qui s’élabore en nous et la réalité objective.  

Certes, au départ de notre vie, nous ne savons pas encore à quel point nous constituons la réalité à notre image.  En effet, nous ne cessons, tout d’abord, de réagir à ce qui se produit en nous et à ce qui se passe autour de nous.  Mais, en filigrane, quelque chose agit et préfigure le sens que nous allons donner aux événements de notre propre histoire.

Ceci inverse le propos (certes très pertinent) qui consiste à dire que l’apport d’un imaginaire ou d’une dimension psychique (celle-là même dont parle l’astrologie) doit être relativisé ou contextualisé en fonction de nos déterminants héréditaires et nos marqueurs culturels, sociaux et éducatifs.  Car il nous faut aussi reconnaître toute l’importance du mouvement intentionnel qui s’anime en nous, dès la naissance, et qui sera décisif pour l’émergence de notre sujet conscient.

La physiologie et les neurosciences ont beau nous situer dans une réalité où tout s’explique en termes de stimuli et de réponses, il nous faut aussi valider l’opération d’une réalité psychique qui n’est pas de l’ordre de la substance ou de la matérialité.  Autrement dit, il nous faut reconnaître et valider une véritable puissance d’ordre psychique (voire quantique ?) qui indique combien nous ne sommes pas uniquement le produit d’une succession de réactions et d’états.

Le monde matérialiste se préoccupe essentiellement de nos rapports à la réalité objective, celle-ci étant susceptible de nous façonner et donc d’expliquer celui (celle) que nous sommes.  Il y a là une méconnaissance des fondements mêmes du sujet que nous sommes.  

Grâce à notre expérience de l’astrologie, nous pouvons (et devrions) aller plus loin et dénoncer la non-prise en compte de la dimension collective de l’imaginaire qui est immanente au sujet que nous sommes.  Ce qui revient à dire que notre personnalité se manifeste et s’accomplit, non seulement en réponse et en réaction à un ensemble de données objectives (hérédité et contexte social) mais aussi par le déploiement d’une réalité intérieure « en puissance ».  

En tant qu’astrologues, et parce que nous sommes les observateurs privilégiés d’un affleurement de la dimension psychique qui se déploie en l’homme et à travers ses réalisations (à la manière d’un véritable fruit authentifiant le but de l’arbre de l’évolution), nous avons une extrême responsabilité : celle de prospecter les vrais fondements de notre discipline afin de la valider, à l’extrême opposé des dérives commerciales qui dénaturent l’astrologie.

Voilà notre défi et notre responsabilité, dès lors que nous sommes les témoins du déploiement de l’imaginaire, tel qu’il montre que le cadre de notre vie est bien plus un outil qu’une fin en soi.  

Vient alors la question de savoir quel en est l’enjeu… Et l’astrologue de répondre : dès lors que l’évolution a favorisé l’émergence de la conscience, à la faveur du déploiement d’un imaginaire sous-jacent et constitué au cours des millénaires, l’enjeu est de favoriser en chacun l’éclosion d’un sujet libre ; libre parce que pleinement conscient de ce qu’il a d’original à être et d’inédit à faire.


Jacques VANAISE


Notre extrême responsabilité, en tant qu’astrologues