la Gazette des Astrologues

n°181 - Novembre 2019

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

20
ans

1996-2016

la FDAF a


“la Gazette des Astrologues”, la newsletter des membres de la FDAF - www.fdaf.org - mail : FDAF@fdaf.org

Conformément à l’article 34 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification des données nominatives vous concernant.
Si vous souhaitez vous désinscrire, cliquez ici

Accueil. "Sur le Vif". Billets d'Humeur. Calendrier ASTRO. Astro & Livres. les Actus DN. Ateliers, conférences.... Divers.

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Lorsque l’herbe, la fleur, la feuille commencent à décliner, je m’étonne de les voir si peu surprises.  Elles semblent s’en aller, consentantes.  Leur travail serait-il terminé ? « Plus rien à faire… ?  Eh bien on s’en va… »  Et elles s’en vont…

Dans mon carnet – journal, je note cette réflexion : douceur de la mort végétale…

Pourquoi faut-il attendre l’automne pour voir les feuilles flamber ?  Pourquoi attendent-elles paisiblement leur mort pour se faire belles ?

Leurs couleurs rejoignent celle du couchant. Le soleil songerait-il à jouer du même pinceau qu’elles ?

Les petits arbres savent flamber mieux encore que les grands. Les arbrisseaux surtout.  Ils jaillissent comme des gerbes de feu.  J’ai alors envie de les saisir et de les agiter au bout de mes bras, comme des torches.

Bientôt, il suffira d’un peu de vent pour que les feuilles se détachent. Même alors, nous n’entendrons pas le moindre cri.  Les feuilles partent, sans résister.  Pas le moindre refus, pas le moindre combat.  Et lorsque le vent se fâche, les arbres lâchent tout.  Et devant nous clignote un rideau rougeoyant. Moment de fête ou moment d’adieu ?

Les fruits tombent à la verticale, les feuilles batifolent.  Entre les branches et la terre, les feuilles le savent bien, c’est trois fois rien. Le voyage sera bien court. Alors, elles tardent, elles dessinent des arabesques. Car comment dire le maximum de choses en si peu de temps ?

Nées au printemps, mortes avant l’hiver, les feuilles n’auront vécu qu’un été.  En revanche, leur père, leur mère, l’arbre, peut devenir centenaire.

Devons-nous envier ce courage de l’éphémère et ce flegme de l’abandon ?  

Alors que la mort nous fait peur et elle nous vrille au bas du ventre…

* * * *

Si solaire que soit l’or des blés mûrs, je n’oublie pas la merveille de la semence qui germe.

La nature dispose de son monde invisible. Ses prodiges ne se déroulent pas seulement à l’endroit, dans ce qui se montre et accroche notre regard. Un monde souterrain agit au cœur des racines et de l’humus nourricier.

C’est un travail en profondeur, là où le grain d’hiver est enfoui. Sa tâche est de chercher son chemin dans les couches épaisses de la terre sombre. Là, mort et vie se donnent la main, envers et endroit d’un même mystère.

La vie, à ses débuts, quand elle commence à palpiter, est une chose bien discrète. Mais, très vite, l’angoisse de la mort nous saisit et nous étrangle, à mesure que l’horizon de notre chemin nous confronte à l’évidence.  

Nous sommes faits pour vivre, nous sommes faits pour mourir…

* * * *

Je voudrais m’enfoncer en moi-même, si loin que plus personne ne me verrait.

Chacun est pour soi-même la clef de tout, l’ultime énigme.

Parfois, je me sens proche d’une découverte. Elle rôde autour de moi. Mais elle refuse d’ouvrir la porte sur mon propre mystère. Alors, je m’enfonce encore un peu plus, à la recherche de la clef, du mot « sésame », du mot « miracle » qui pourrait tout transfigurer. Je me hâte, car chaque jour peut être mon dernier jour.

Un nuage sombre passe dans le ciel. Adossé au mur de ma prison existentielle, j’aspire à l’instant qui me libérera de tout…

* * * *

Au fond du désespoir, un cri dans la gorge, un couteau dans le cœur.

Pourquoi me torturer ainsi ?  J’y trouve un mélange de plaisir et d’angoisse. Je pressens qu’il y a forcément quelque chose à casser, à bousculer, à terrasser, pour tout remettre en jeu.  

Demain se lèvera-t-il pour moi ? Demain sera-t-il différent ?

Je n’aime que ce qui me déchire. M’attendrir me rend taciturne.

Un air gluant pèse sur mon cœur. Les rides qui n’étaient hier que les plis du sommeil et qui s’effaçaient rapidement au lever deviennent cicatrices, balafres, stigmates.  

Paradoxe : je suis fier de cette chair tailladée. Je me réjouis de voir qu’en moi quelque chose se met à saigner. Je n’ai pas besoin d’entendre l’histoire d’Adam. Je sais très bien m’expulser tout seul du jardin d’Eden pour m’enfoncer dans ce que l’on appelle « l’enfer » et qui fait mes délices.

* * * *

Le matin, lorsque je m’éveille, la tête lourde et la bouche empoissée, lorsque je me tire du lit dans la blanche et humide lumière d’un nouveau jour, je sens ma peau ridée, vieillie, lâche. Elle glisse sur moi, comme la peau du serpent au moment de sa mue.  

Transformation, transfiguration, métamorphose, alchimie d’une renaissance nécessaire, creuset d’un réajustement rouge vif, rouge sang.

Saison en enfer ? Nuit de l’âme ? Exaltation à l’idée de se détruire pour s’accoucher de soi-même ?  

Fièvre dévastatrice, dernière flambée de l’âme qui se saborde et qui observe sa propre chute ; comme peut, comme doit le faire un homme à qui on a promis la mort depuis longtemps.  

Autant devenir le maître de sa propre mort et tirer soi-même sur la corde de la faucheuse, comme on tente de dominer la laisse d’un chien fou.

Triste corps, prison sanglante, petit animal prêt à sucer tous les bonbons empoisonnés qu’on lui propose.

La vrille de l’absurde m’oblige à creuser, fouiller, descendre, pour aller au plus vrai, jusqu’à l’hallucination. Puis, tout culbuter, pour dénouer la gorge, pour faire craquer les armures, les armatures, les amarres. Et laisser surgir un cri, jusque-là étranglé. Et puis, déjouer les attitudes composées, les pudeurs sociales. Pour jaillir, comme une bête blessée, comme un animal transfiguré.

Et tant pis si je me trompe. Je me moque de mon personnage comme d’un drapeau qu’on m’aurait donné à porter, triste chiffon flottant au vent.  

À moins que ce drapeau ne soit percé de trous, chacun d’eux témoignant de mes déchirures.  Oui ! Alors, que ce lambeau crie au grand jour mes sursauts ; que mon blason affronte le soleil, sans peur des coups, des agressions, des rejets. Car, impitoyable avec moi-même, je dédaigne tout bonheur trop complaisant.  

Je refuse de n’être fait que de chair et de sang. Je refuse à l’idée de me ménager et de mourir confortablement.  

Le goût de choses plaisantes est sacrilège. Je veux emplir mon âme de tout ce que je refuse.   

Aussi, je gratte la couche protectrice, je soulève le drap pour découvrir le fond, la véritable source derrière les apparences.  

Être aventureux, ce n’est pas aller loin, c’est aller au plus profond.  

Non s’étendre, mais s’enfoncer.  

À mes risques et dommages…


Jacques VANAISE

Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be

Le Scorpion : l’animal blessé

Sur le vif