la Gazette des Astrologues

n°131 - Septembre 2015

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Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

Le Billet d’Humeur

Didier FLEURY

L’ombre du traité transatlantique de libre-échange que préparent les États-Unis et Bruxelles avance sur l’Europe. Ce traité, souvent nommé TAFTA, qui prétend créer un marché de 800 millions de consommateurs, prévoit, au grand avantage des multinationales, la possibilité d’attaquer un État devant un tribunal arbitral privé.  Si une multinationale s’estime lésée par la politique publique ou environnementale d’un État, elle peut réclamer des dédommagements dont le montant peut se chiffrer en millions ou milliards de dollars !

Des traités commerciaux de cette envergure ont été signés ailleurs dans le monde et l’on en voit déjà les effets. Ils entérinent partout sur la planète le pouvoir émergent des multinationales qui abaisseront la puissance déjà entamée des États, voire les rendront complices d’intérêts privés.

On a vu Phillips Morris attaquer la politique de santé publique anti-tabac de l’Uruguay dans un tribunal arbitral privé, et réclamer à cet État un montant de 2 milliards de dollars en dédommagement de ses pertes financières estimées. Selon un article du journal Le Monde : « les décisions arbitrales peuvent remettre en question la suprématie des décisions judiciaires classiques : c’est ce qui s’est passé dans l’affaire opposant l’Équateur au pétrolier américain Chevron. Ce dernier a fait annuler devant un I.S.D.S. (sigle anglo-saxon des tribunaux arbitraux privés) un jugement équatorien qui le condamnait à payer 18 milliards de dollars de réparation à des milliers de villageois dont il avait pollué les forêts dans les années 1970 et 1980 ».

  Nous étions habitués à vivre dans un autre monde ! Oui, le pouvoir glisse du monde politique au monde économique arrangé et dérégulé par la volonté des multinationales ! Cette transition, cause de beaucoup de nos troubles économiques et sociaux, est la signature d’une mutation de la société.

   Comment comprendre ce changement ? Je dois la réflexion que je vous propose ici aux outils conceptuels de l’Astrologie Structurale même si je n’en ferai aucune mention sur le plan théorique.

Saturne et Pluton vont nous intéresser ici. Nos sociétés se sont construites selon un modèle saturnien, depuis la Révolution française dont la portée a dépassé nos frontières. L’État, la justice, la notion de citoyen, le code civil, la recherche de clarté et de responsabilité (nul n’est censé ignorer la loi), la laïcité relevaient d’une construction saturnienne qui n’était pas de tout repos. Bon an mal an, nos sociétés se sont construites pourtant selon cet axe. La société démocratique est aujourd’hui clairement menacée et plus exactement surmontée, dépassée. Par quoi ? Par la construction d’un nouveau modèle mondial, économique et omniprésent qui relève de Pluton en tant que nouveau paradigme pour la société, et cela passe par des multinationales prédatrices.

  En quoi les multinationales seraient-elles mues par Pluton ? Allons vite : Pluton est primordial et matriciel. Il n’est pas ponctuel, mais omniprésent sans dépendre d’une localisation particulière (comme le monde virtuel d’internet). Pluton a d’ailleurs été déclassé à juste titre du rang de planète, car il n’est finalement que le premier des objets éparpillés et primitifs qui forment la ceinture de Kuiper. Il règne dans les coulisses, dans l’aspect caché du monde, là où oeuvre le vrai pouvoir, le code source de ce que nous appelons la réalité (voir le film Matrix qui propose une fiction autour de ce sujet), et se rend par là insaisissable (Hadès avait un casque qui le rendait invisible). Il s'accommode de tout ce qui existe puisqu’il est de toute façon premier. Il contrôle tout ce qui se passe sans avoir l’air d’y toucher. S’il vous donne de la liberté, il l’englobe et la contrôle (voyez le film Le Truman Show avec Jim Carrey, une merveille pour comprendre les ressorts de Pluton). S'il vous donne des outils, c'est avec un cadenas dont il détient la clef. Ainsi les graines stériles d’une année à l’autre brevetées et vendues par Monsanto. Le régime qu'il impose est celui de l'opacité de l’information et de la dépendance à ce qu’il vous octroie, et peut vous retirer. Il remet en cause les formes existantes parce qu’il est le chaos dont nous avons des traces aux confins du système solaire, là où Pluton orbite. Ce type de fonctionnement est largement intégré par les multinationales, qui se veulent inaccessibles et omnipotentes, contournant les lois des Etats, elles qui, au XIXe et au début du XXe siècle, étaient encore saturniennes dans le sens où elles étaient familiales.

  Je préfère préciser que Pluton en son principe et ce que nous en faisons sont deux choses différentes. Loin de moi l’idée de vouloir absolument noircir Pluton comme le fait parfois la tradition astrologique, ce qui reste une partie de la vérité. Dans le système solaire, sur son mode lumineux, il représente un type de conscience qui ne prend plus la réalité, et avec elle la mort, pour la fin dernière. La physique quantique en est un des fleurons. Pluton nous met en contact avec l’impulsion première de l’univers qui n’est pas matérielle. Pluton est la grande mère de l’humanité. Très rares sont les Grands Initiés qui l’ont visité en conscience !

  Ce n’est pas de ce Pluton-là que je parle. Avant de parvenir à incarner ce niveau de Pluton qui promet un changement très profond de la notion de réalité (dans un avenir de science-fiction pourquoi pas ?), c’est aux représentants sociaux de Pluton, aux reflets produits par notre société, intéressés par le pouvoir omnipotent et matriciel, que nous aurons affaire. Les multinationales vous font travailler, vous logent, vous assurent, éduquent vos enfants, gèrent votre argent, organisent votre sexualité, et connaissent tout de vos désirs. Certaines multinationales proposent une vie « clef en main » à leurs employés avec logement et garde des enfants sur le campus ! Facebook sait qui vous êtes, où vous êtes, à quoi vous vous intéressez et vous trouvent des amis ! On est omnipotent ou on ne l’est pas !

Que faire ? L’Europe ne s’est pas construite de manière suffisamment démocratique, tant s’en faut, et elle est ainsi toute prête à s'arrimer, sans l’avis des peuples, à des traités commerciaux qui font ployer les États. Certains députés européens voudraient que le traité soit ratifié par les parlements nationaux… Un rêve ! Le traité est négocié à huis clos, hors des voies démocratiques, alors qu’il engage l’avenir de l’Europe qui commence à s’émouvoir de ce manque de transparence.

Nous ne pourrons probablement plus compter sur les États qui s’affaiblissent. Un jour où l’autre, chacun d’entre nous sera lésé par les agissements d’une multinationale (car les tribunaux privés peuvent viser une simple autorité locale comme une Mairie !). Nous allons être sommés d’intégrer individuellement notre appartenance à l’humanité dans une société solidaire, par nécessité si cela n’avait pas été fait jusqu’à présent par goût.

  Le défi est pour nous de devenir des consommateurs actifs et conscients jusque dans nos cuisines. Le talon d’Achille des grands groupes, c’est qu’ils prospèrent de notre consommation. C’est donc là que nous devons porter notre conscience et nos choix. Devenons forts par une éthique inoxydable ! C’est un travail de chaque jour auquel chaque personne sera convoquée, et pas seulement quelques-uns. Un travail de fourmi, une traque à propos peut-être de chaque geste de notre vie. Remplaçons sans relâche les automatismes par les gestes conscients, la peur de l’autre par la conscience de soi et la présence à soi. C’est par cette intégrité saturnienne intérieure que nous pourrons faire face au monde qui change puisque Saturne se délite au-dehors.

   Nous qui sommes astrologues, beaucoup de gens déboussolés viendront nous voir. Sans doute pouvons-nous proposer de quoi se reconstruire à travers des symboles astrologiques lus à partir de ce Saturne intègre et intégré.

  Voilà sans doute le travail que l’humanité est obligée de faire. C’est un accouchement d’un nouveau type de conscience, déjà présent ça et là, oui, mais qui devra se généraliser. Pour faire face.

  N’en déplaise à notre part d’idéalisme, la conscience de l’humanité n’évolue sans doute pas comme une fleur sereine au soleil, mais à coups de botte au cul !

Didier Fleury.

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