la Gazette des Astrologues

n°131 - Septembre 2015

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Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

Le Billet d’Humeur

Jacques VANAISE

À quoi peut servir l’astrologie ? Sûrement pas à prédire l’avenir comme le prétendent ceux qui en font un usage mercantile ou comme le croient ceux qui aspirent à connaître leur avenir.

Son argument est celui d’un ciel intérieur dont la ronde des planètes n’est que l’illustration astronomique.

En anthropologie, lorsqu’on interroge l’apparition de l’homo sapiens sur terre, on rencontre inévitablement le mythe et l’imaginaire.  Ceux-ci, bien loin de n’être qu’un moment dépassé dans notre évolution, instaurent véritablement nos comportements humains.  On en retrouve l’expression à travers les fameux stades que décrit la psychanalyse et qui correspondent bien aux traits accordés, en astrologie, aux planètes symboliques et aux signes zodiacaux, pour autant qu’on ne se limite pas à la bêtise des horoscopes quotidiens.

À propos de nos racines psychiques, il est impératif de discerner la mystification et le mythe ; et de ne pas se fier à leur étymologie.  Vouloir démythifier la conscience est quasiment une entreprise de mystification, dès lors que cela revient à nous réduire à une chose simple, incapable d’imagination et soumise au fonctionnement et à la chimie de nos neurones.

Certes, les neurosciences contribuent aujourd’hui à décrypter notre cerveau. Permettront-elles un jour d’élucider le phénomène de la conscience, l’une des grandes énigmes qui nous déconcerte et qui, pourtant, nous est si proche ?  Ce défi est à la mesure du fossé épistémologique qui sépare la matière de l'esprit…

Nombre d’insectes disposent d’un système nerveux ne comptant que quelques dizaines de milliers de neurones.  Et pourtant, ils sont capables de comportements étonnamment complexes : détecter à distance une source de nourriture, échapper aux prédateurs ou, à l’inverse, patienter dans un coin obscur pour se saisir de leur proie. Comment un nombre si réduit de neurones rend-il cela possible? Malgré des décennies de recherche, le mystère reste entier.  Ainsi, nous ne savons toujours pas, ou si peu, comment nos quelque 86 milliards de neurones engendrent nos perceptions, nos comportements, nos émotions, nos souvenirs, nos pensées…

Comprendre comment nos cellules cérébrales forgent des idées et des concepts est encore très complexe.  Cela suppose d’expliquer comment une assemblée de neurones parvient à créer une entité globale – ce que les scientifiques nomment une propriété émergente. 


À ce propos, la prise en compte d’un imaginaire en appelle à une mutation au cœur même des sciences, en vue d’éclairer autrement les possibilités (mais aussi les limites) du physicalisme selon lequel le paradigme classique de la physique est le seul langage qui convient à toutes les sciences (y compris les sciences humaines).

Or, les productions de l’imaginaire, telles que la poésie et le mythe, sont inaliénables.  Le plus humble des mots, le plus élémentaire des rêves, la plus simple évocation d’un symbole sont messagers de ce qui dépasse la seule réalité objective d’une chose ou d’une expérience.

Dès lors, considérons que le « luxe poétique » (Roland Barthes) de l’astrologie est en fait « la » chance de l’esprit.  C’est peut-être une gageure, mais c’est aussi un « beau risque à courir » (Socrate, dans Phédon) en cet instant décisif où, face au néant objectif de la mort, il n’est pas anodin d’affirmer les droits du mythe de même que notre vocation intrinsèque à la subjectivité.  

Car nous ne sommes pas uniquement des machines extrêmement habiles ; nous sommes avant tout des sujets, à la frontière d’une interaction constante entre un point de vue personnel et la réalité du monde.

Attribuer nos pensées et nos émotions à l’activité de nos neurones revient à vouloir absolument objectiver notre part individuelle de subjectivité.  Ce qui reviendrait à vouloir conférer une réalité objective à un phénomène terriblement subtil. Relevons que c’est l’une des tentations à laquelle succombe l’astrologie lorsque, pour se prétendre « scientifique », elle hypostasie ses symboles en les reliant à la réalité objective des planètes.  Alors que le phénomène de la conscience réclame plutôt la prise en compte de l’expression créatrice qui découle du champ de l’imaginaire.  

Ainsi, face à la défiance moderne (et principalement occidentale) manifestée à l’encontre de l'imagination, l’astrologie réhabilite la réalité à la fois vivante et symbolique des archétypes.

Ceci suppose de réintroduire (sans doute de façon iconoclaste) un troisième terme dans le dualisme étroit supposé nous décrire à la charnière de notre réalité physique (et neurologique) et de la réalité tangible du monde.  Car si nous sommes là, véritablement, dans un « entre-deux », nous y sommes aussi le lieu où s’exprime un champ plus subtil.  Celui-ci, à l’instar du champ quantique, articule le potentiel et l’actuel.  Ce qui revient à dire que si – objectivement – chacune de nos expériences atteste une réaction physiologique (et neuronale) à un état du monde, elle est aussi le lieu et l’occasion (Jankélévitch : la façon de faire est infiniment plus que la chose faite) d’un petit supplément d’âme ou encore, comme annoncé plus haut, d’une émergence.

Oui, je sais, le mot  « âme »  peut faire frémir…  Retour à l’irrationnel !?

Oh que non !

Je me contenterai d’une petite anecdote pour situer la portée plus humaine que transcendante que j’accorde au mot « âme »…

Quand j’étais petit (oui, il y a longtemps) et qu’il m’arrivait (trop rarement) de déjeuner (en Belgique nous disions « dîner ») chez ma grand-mère et que je trouvais le plat qu’elle nous servait particulièrement bon, je la complimentais.  Et elle me répondait : « c’est normal, j’y ai mis un morceau d’âme »…  Il est clair que je percevais maladroitement une telle métaphore, difficile pour le bambin que j’étais ; mais je comprenais tout de même que ma Grand-mère voulait dire qu’elle avait cuisiné avec cœur…

Puissions-nous mettre du cœur dans ce que nous faisons et aussi dans l’entre-deux qui, à la fois, nous sépare et nous joint…  !


Jacques Vanaise

J’y ai mis un morceau d’âme...