la Gazette des Astrologues
n°142 -
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
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1996-
la FDAF a
Le Billet d’Humeur
Jean-
« Une jeune fille, qui pleure son oiseau mort », 1765
Il en est de la démocratie comme des grenouilles. Une grenouille jetée dans une bassine
d’eau bouillante s’en extrait d’un bond ; la même, placée dans un bain d’eau froide
sous lequel le feu couve, se laisse cuire insensiblement. De multiples phénomènes
se conjuguent pour « cuire » insidieusement les démocraties, à rebours de l’effet
que produit un coup d’Etat avec ses militaires et ses arrestations d’opposants sur
fond de Sambre-
Il suffit de taper « l’émotion est grande » sur un moteur de recherche pour voir
défiler une infinité de nouvelles, du banal fait divers aux attentats qui ont récemment
ensanglanté l’actualité de Beyrouth à Ouagadougou. Ainsi, « l’émotion est grande »
dans le monde après les crimes du 13 novembre dans la capitale française ; mais elle
l’était aussi quelque temps auparavant à Petit-
On pourrait prolonger à l’infini une liste d’exemples qui ne traduit aucune hiérarchie autre que celle du ressenti réel ou supposé des populations et de ceux qui les observent. Les médias ne sont pas seuls à jouer de l’accordéon émotionnel. Les responsables politiques s’y adonnent également, notamment lorsqu’il s’agit de masquer leur impuissance ou de justifier, comme si elles relevaient de la fatalité, les mesures qu’ils s’apprêtent à prendre. Il en est ainsi en matière migratoire, où la précaution compassionnelle est de mise avant de se lancer dans l’explication alambiquée de l’impuissance européenne. De M. François Fillon, député du parti Les Républicains, au premier ministre Manuel Valls, « insoutenable » fut sans doute le mot le plus employé pour qualifier l’image du petit réfugié syrien Aylan Kurdi gisant sans vie sur une plage de Turquie, le 2 septembre 2015, avant qu’on décide de ne rien faire pour tarir les sources du désespoir migratoire. Dans un registre moins tragique, les commentateurs ont souligné l’« émotion » du ministre des affaires étrangères Laurent Fabius scellant, des larmes dans la voix, un accord pourtant bien fragile à la fin de la 21e conférence des Nations unies sur le climat (COP21) à Paris (2). Enfin, devant les maires de France, le 18 novembre 2015, le président François Hollande eut un lapsus révélateur : il évoqua « les attentats qui ont ensangloté la France ».
Foules mutiques des marches blanches
Paravent de l’impuissance ou de la lâcheté politique, le recours à l’émotion peut
avoir des conséquences dramatiques immédiates. Ainsi, l’avocat de M. Loïc Sécher,
Me Eric Dupont-
Au-
Aucun slogan, aucune revendication ne les accompagne. Des foules délibérément mutiques s’ébranlent, plaçant souvent en tête de cortège des enfants, symboles d’innocence et de foi dans l’avenir, portant parfois des bougies. Le philosophe Christophe Godin y voit l’expression d’une « crise de société » caractérisée par l’« empire des émotions » auquel « cette pratique donne un écho considérable » (4). Ces processions des temps nouveaux sont à rapprocher de la valorisation omniprésente de la figure de la victime, parée de toutes les vertus et à laquelle on rend un hommage absolu, sans s’interroger, par un processus d’empathie. « Cela aurait pu être moi », répètent significativement les personnes interrogées sur un fait divers tragique ou criminel. Toute catastrophe s’accompagne ainsi du déploiement théâtral de cellules d’aide psychologique. Les procès de la Cour pénale internationale prévoient désormais des espaces de parole pour les victimes, sans lien avec les nécessités de la manifestation de la vérité dans une affaire donnée, ni interrogation sur les chocs préjudiciables à la sérénité des délibérations que peuvent provoquer ces témoignages souvent aussi sensationnels qu’inutiles.
La stratégie de l’émotion
Frémir plutôt que réfléchir
Des émissions de divertissement à l’actualité médiatique en passant par les discours politiques, le recours à l’émotion est devenu l’une des figures imposées de la vie publique. Si les émotions, positives ou négatives, enrichissent l’existence, cette forme d’expression peut poser de redoutables défis à la démocratie lorsqu’elle se fait envahissante et tend à remplacer l’analyse.
par Anne-
“On s’est assez peu arrêté sur le rôle que joue l’invasion de l’espace social par l’émotion. Les médias y contribuent abondamment, sans qu’on mesure toujours ce que ce phénomène peut avoir de destructeur pour la démocratie et la capacité de penser.”
“Les médias ne sont pas seuls à jouer de l’accordéon émotionnel. Les responsables politiques s’y adonnent également, notamment lorsqu’il s’agit de masquer leur impuissance ou de justifier, comme si elles relevaient de la fatalité, les mesures qu’ils s’apprêtent à prendre.”
“Même les chefs d’entreprise sont incités à faire de leur « intelligence émotionnelle » un outil de management, tandis que leurs salariés peuvent y recourir pour obtenir une augmentation...”