la Gazette des Astrologues

n°158 - Décembre 2017

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Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

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“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Lettre ouverte à Loïc Nottet
http://www.loicnottet.com/


Cher Loïc,

Tu ne me connais pas, alors que ton visage, ta voix, ta danse me sont familiers.  

Quoi de plus normal ?  Les personnes qui te regardent et t’écoutent (à la télé-vision, par exemple) se souviennent de toi et continuent de penser à ce que tu as par-tagé avec eux ; tandis qu’elles sont et restent pour toi anonymes.  

Je précise que le mot « familiers » ne peut te faire penser à une appropriation ou à une intrusion de ma part.  

J’ai regardé avec émotion, récemment, ton « interview » dans le huis clos (cf. le cocon de la voiture électrique) de « Hep Taxi » (https://www.rtbf.be/auvio/detail_hep-taxi?id=2278759).

Huis clos…, alors que nous étions des milliers à t’écouter ; alors que les mai-sons bourgeoises défilaient dans la rue et dénotaient (sans jeu de mots avec la sonori-té de ton nom) leur incongruité par rapport à ce que tu disais ; tandis que plus loin les prairies et les arbres apaisaient l’intensité de tes propos.

Mais pourquoi des guillemets à « interview » ?  

Parce qu’il y avait une belle complicité entre toi et Jérôme Colin, ton intervie-weur.  

Le spectateur, devant sa Télé, avait raison de se sentir un peu intrusif.

La spontanéité de tes confidences a suscité en moi un mélange d’empathie et d’alarme…

Pour situer le propos de ma lettre, je me référerai à une étude de l’imaginaire qui sous-tend notre expérience de la vie et du monde.  Nous sommes, pour nous-mêmes et pour les autres, une personne avec ses traits particuliers, qu’ils soient ma-nifestes ou mystérieux.  Je songe notamment à notre statut social, à notre profession, à notre place dans un cadre familial déterminé.  

Mais nous sommes aussi le prolongement d’un « imaginaire » à partir duquel s’élabore notre réponse unique à la vie et au monde…

Mon observation de cet imaginaire ressemble au décryptage d’une partition de sons ou de couleurs.  Il y est question d’une palette universelle que nous avons tous en commun, mais que nous rejouons chacun de façon originale ; parfois discrète, par-fois pittoresque, parfois exemplaire.

Je dispose d’un code pour cette lecture un peu insolite.  Je l’ai emprunté à l’imaginaire astrologique qui n’a rien à voir ici avec la bêtise des horoscopes et avec ses dérives commerciales.

Il y est question d’une partition de symboles, d’images et de métaphores qui révèlent une partie de ce que nous sommes.

Mais que sommes-nous ?  

Nous sommes (comment dire) le fruit ? le résultat ? le produit ? d’un héritage génétique (voilà pour notre passé, pour notre devenu).  Nous sommes aussi l’expression progressive d’un potentiel, d’une attente, d’un projet (voilà pour notre futur, ou plutôt pour notre devenir).  

Ce projet, nous avons besoin tout d’abord de le découvrir et de le mettre en œuvre.

Comment faisons-nous ?

Pour élucider « celui » que nous sommes et pour mieux nous connaître, nous descendons dans l’arène du monde, sur la frontière tantôt évanescente, tantôt épaisse qui nous met en contact avec la réalité.  

Entre notre dedans et le dehors, là où émerge peu à peu « celui » que nous de-venons, se déploie un véritable dia – logue, à la fois nécessaire et envahissant.   

Nécessaire, parce que c’est à mesure que le monde nous sollicite que nos propres réponses nous révèlent à nous-mêmes.  

Et envahissant, parce que la réalité des autres, déjà construite, formatée, socia-lisée avant que nous ne venions au monde, nous indique (parfois abusivement) le chemin qu’il convient que nous suivions.

Ajoutons que, le plus souvent, nous interprétons la réalité comme elle nous convient (nous con –vient). Pas étonnant alors que l’idée que nous nous faisons des autres et de la réalité soit « aussi » comme un prolongement de nous-mêmes.  L’image que nous nous faisons du monde « nous ressemble ».  Et, parfois, il nous ar-rive même de susciter ou d’occasionner les situations dont nous avons besoin pour nous conforter (en miroir) dans l’image de celui que nous pensons être (ou que nous croyons devoir être).

Eh oui ! L’être humain est complexe !  

Heureusement, nous ne vivons pas tous ce « duel » ou cet « entre-deux », entre le monde et nous, sur un mode de soumission ou de mimétisme.  C’est notamment le cas lorsque notre goût de l’étrangeté et, parfois même, de l’absurde nous met à dis-tance...  On parle alors de lucidité, ou de scepticisme à l’endroit des choses, ou en-core de défiance et de défaitisme…

Il en résulte parfois un repli sur soi ou, au contraire, une exigence : celle de vouloir dire notre différence, par la parole, par la voix, par les gestes, … par la danse.  

Ainsi se précise le projet de remodeler, de refaçonner, de transfigurer le monde ou, tout au moins, de vouloir contester le cadre familial ou social qui nous enserre et qui entendrait dicter notre rôle.

Ce rôle est généralement périphérique, conditionnel, mesuré, imposé, jugé…  

À moins que…

J’en viens à ta configuration astrologique qui me conduit à évoquer ton imagi-naire (je ne m’étendrai pas sur les données théoriques et techniques), tel qu’il aiguise en toi, précisément, ce besoin d’être bien plus au centre qu’en périphérie…

Mais de quel centre est-il question ?  Centre de l’attention des autres ?  Centre de la scène, en pleine lumière ?

Sans doute…

Mais aussi « le » centre à partir duquel il te devient possible de retravailler le monde comme une matière ou un matériau qui se livre à toi ; comme le fait le créa-teur qui se saisit de la terre glaise pour la façonner ; et alors même qu’il sera dépos-sédé de sa créature au moment où la statue ou le vase deviendra un simple objet, posé là, sur l’étagère, en périphérie, sur le bord d’une frontière dont l’imaginaire ne peut se contenter.

En tant que « Bélier – Maison XII » tu es au centre d’un imaginaire qui aspire à « être » pour la première fois, toujours pour la première fois.  

Comme l’arbre qui tend tout entier dans sa verticalité (Lune – Jupiter en Ca-pricorne au Milieu du Ciel), tu aspires à une excroissance, voire à une érection sym-bolique de tout ton être, pour attester, affirmer, déployer ta singularité.  

L’impressionnisme de ton imaginaire intérieur se projette ainsi comme un cri de la voix et du corps dans l’expressionnisme presque sauvage d’une première fois, toujours d’une première fois (Bélier).

Ta performance au milieu de l’eau (https://www.youtube.com/watch?v=68EnJITH-5Q) est exemplaire de cette incarna-tion qui est une lutte contre l’élément fluide absolu et qui, à mesure qu’elle explose en vagues et en éclaboussures, témoigne du geyser intérieur qui t’anime (Uranus conjoint à Neptune).

Mais comment rendre explicite et vivant ce qui ne peut qu’apparaître fugace-ment, comme la mousse sur le sable là où la vague vient s’achever ?  Comment resti-tuer le moment unique, accompli, parfait qui rendrait inutile toute autre tentative, la perfection étant atteinte ?  

Comment le singulier peut-il rendre compte de l’universel (Bélier en maison XII ; mais aussi la conjonction d’Uranus à Neptune) ?  Je dirai cela plus simplement : comment une couleur ou un agencement de couleurs peuvent-ils témoigner de tout l’arc-en-ciel ?

Et comment exulter ton instantanéité sans utiliser ce qui est déjà là, ce qui te précède en quelque sorte, ce qui te sert de matière et d’outil : ton corps, ta voix, mais aussi la réalité du monde et la présence, la participation, la collaboration des autres… (Nœud Nord en Balance et en maison VI) ?  Et alors qu’il y a aussi en toi le refus (Vénus opposée à Pluton) de l’ingérence cannibale des autres…  

Or, l’artiste peut-il créer seul ?  Le peintre a besoin de sa palette de couleurs, le musicien de son piano, le danseur de l’agencement des projecteurs…

L’instant parfait est sans cesse approché, répété, corrigé, ciselé.

Ainsi s’écrit une ligne sur la page blanche de ta création et donc, de ta vie.  

Comme chacun d’entre nous, tu es de ce monde ; et pourtant tu aspires à faire éructer vers ce monde ce qui te sous-tend tout entier : ton imaginaire créateur.

Le grand poète Tagore écrit : « J’ai dit à l’arbre : parle-moi de Dieu, et il s’est mis à fleurir ».  

En ces quelques mots se révèle la dynamique entre un potentiel et son accom-plissement ; étant entendu que seul cet accomplissement personnel et singulier réa-lise, plus ou moins complètement, ce que l’univers contient en puissance et dont nous sommes chacun le germe…

Au moment de naître, une seconde suffit pour forger la trame de notre destin…  

Puis, toute une vie suffit à peine pour mériter l’adéquation avec nous-mêmes…  

C’est que, pour faire du trajet ordinaire un parcours réussi, outre le travail, la chance et le talent, il faut la volonté de devenir notre propre obligé, dans l’urgence.   

Puis, viennent les carrefours devant lesquels il faut prendre une décision.  

Comment préserver et cultiver la lucidité qui nous permettra de bien choisir ?  

Comment sauvegarder la fraîcheur de l’intuition à laquelle nous fier ?  

Comment faire la synthèse des coups du sort et des coïncidences, à la croisée des chemins ?   

La connaissance de soi est un luxe.  Elle est aussi, sans doute,  la seule marge de liberté qui ne soit point illusoire…

Il est à remarquer que l'étrangeté vis-à-vis de soi-même ou que le sentiment de ne pas être toujours, constamment, à sa juste place dans le monde peuvent aiguiser notre lucidité, voire notre désarroi.  

Or, les plus désemparés sont souvent ceux qui réussissent le mieux à faire émerger la part de lumière qu'ils portent en eux.

Cette lumière, nous ne pouvons guère que l’exprimer imparfaitement.

Comment faire ?

Nous fier à une composition réfléchie par d’autres que nous et par avance… ?  

Pour réussir une mise au jour du monde onirique, ne convient-il pas avant tout de ressentir notre propre crépitement souterrain ?

Tout près, il y a un chanteur et un danseur qui nous parlent.  Plus loin, il y a  « ce quelque chose » vers lequel nous sommes tous et chacun en chemin.

À y réfléchir, pour approcher et dire cet essentiel, les mots, les gestes, les cou-leurs sont souvent menteurs…  Il faut donc créer d’autres dimensions vers l’ineffable.  

Cet ineffable ne concerne pas ici l’une ou l’autre démarche mystique qui justi-fierait nos soupçons.  Cet ineffable, c’est simplement ce « presque rien » qui n’est absolument pas tangible ; alors même que nos sens, nos images intérieures et nos propres expériences intimes ne peuvent manquer de donner un contour net et cou-pant aux choses.  

Bien cher Loïc, merci pour ce que tu es, pour ce que tu fais, pour ce que tu crées.

Avec toute mon admiration et ma sympathie chaleureuse.

Jacques

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jacques.vanaise@skynet.be

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