la Gazette des Astrologues

n°167 - Septembre 2018

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“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Quelle est la portée des mythes anciens dans le cadre de l’astrologie ?

Je n’aborderai pas ici la déclinaison des dieux planétaires dans notre langage symbolique ; je pense que cela nous est suffisamment familier.

J’aimerais plutôt réfléchir (avec vous) à ce qui fonde les mythes anciens en tant qu’expression de notre « verbe intérieur » qui, à y songer, se manifeste encore en chacun de nous durant nos premières années de vie.

Il est évident que notre équipement psychique et mental, avec sa faculté d’introspection, a nécessité des millénaires pour se mettre en place.  À présent, au moment de naître, nos aptitudes cérébrales, tant physiologiques que psychiques (et reçues en héritage), nous permettent, en quelques années seulement, d’accéder à « l’âge de raison ».  

C’est ce processus que nous décrivons lorsque nous analysons un thème astrologique. Ce que nous oublions parfois c’est que nous sommes là, en quelque sorte, la reproduction et le déploiement de mythes « fossiles » et néanmoins vivants.

En cela, nous refaisons un parcours ancestral, comme si d’autres voix bourdonnaient au fond de nous et nous accompagnaient dans l’acquisition très rapide d’un vocabulaire assez étendu ; vocabulaire qui nous permet, en un temps record, de nommer les choses ; puis, plus subtilement, de les interpréter avec nos propres couleurs, ce qui compose véritablement notre carte individuelle du monde.

Il y a longtemps de cela, les hommes (et les femmes) étaient avant tout les parties d’un tout ethnique. Avant que chaque personne ne vienne à dire « je », les sociétés ont d’abord dit « nous ».  

Aujourd’hui encore, nous sommes imprégnés par les données de notre culture et de notre éducation.  Mais nous sommes aussi caractérisés individuellement par l’éclosion de notre subjectivité personnelle et autonome.  

D’où l’idée d’une émancipation qui nous délivrerait de l’imprégnation des vieux mythes, alors même que, dans le cadre de l’astrologie, nous observons en nous-mêmes des personnages issus de la mythologie.  

Nous savons, bien évidemment, que la faculté de recul propre à l’acte de conscience (nous devenons les observateurs de ce que nous observons) allège la « dictature » de l’imaginaire collectif et de ses influences occultes, alors même (nous le savons aujourd’hui) que les premiers hommes ne faisaient, après tout, que projeter sur le monde les traits et les humeurs qu’ils ressentaient.

Si le mythe, à cet égard, est une première mise en forme spontanée de « l’être subjectif au monde », on y reconnaît tout de suite la dualité d’un en deçà et d’un au-delà qui s’inscrivent, à la manière d’une frontière, mais aussi d’un lien, dans l’espace que dans le temps.  

Ainsi, l’en deçà et l’au-delà temporels indiquent que la conscience « d’être au monde » n’est pas venue comme çà, subitement, d’un seul tenant.  Elle a eu un passé, elle a un présent et elle est tout entière en devenir.   

Quant à la même dualité considérée au niveau de l’espace, l’astrologie l’illustre lorsqu’elle établit, fonde et décrit le logos qui relie ce que nous avons de plus subjectif en nous (notre psyché) et ce qu’il y a de plus objectivable dans le ciel (le cosmos).

La particularité du mythe (et nous en retrouvons le principe en astrologie) est d’expliquer progressivement les causes et les effets de ce qui se passe « ici-bas » par des niveaux de causalité supérieurs. D’où la croyance en un au-delà du monde. Une telle « méta – physique » n’est pas nécessairement une régression de la pensée, c’est plutôt une nouvelle option : l’invisible explique le visible.

Précisons ici qu’il n’existe pas de mythe en soi, désincarné ; il n’y a que des mythes vécus par les hommes. Ainsi, bien que ce soient les dieux qui, à l’origine, fournissaient une explication quant à l’origine des choses et à leur évolution, ils ne prenaient chair et densité que par la narration des hommes (à moins que de les hypostasier dans l’infini, ce que n’ont pas manqué de faire les religions ; mais c’est un autre débat…).

De tels récits pouvaient être perçus comme venus d’en haut. Mais ils étaient inévitablement transposés par l’expérience subjective des hommes qui en délivraient le message.  On ne peut donc y voir un monde sacré désincarné.  Nous ne disons pas autre chose lorsque nous parlons de notre ciel intérieur. En cela, le récit mythique exprime les mouvements subjectifs de l’âme ou (la formule est plus adaptée à notre compréhension actuelle de notre monde intérieur) les processus en œuvre au sein même de notre psyché.

Or, l’agencement des mythes anciens ne révèle pas seulement ce qui régit à la fois les forces immuables d’en haut et les productions imagées de notre imaginaire, ici-bas (les dieux étant inévitablement à notre image et à notre ressemblance). Cet agencement confère aussi à l’univers (intuitivement, pour commencer, avant que la science mathématique ne s’en mêle) ses premières structures, à la fois mystiques et rationnelles.

Chemin faisant, si les mystères de la nature ont été progressivement expliqués et compris à partir d’un au-delà des choses, le double mystère de la vie intérieure et de la conscience en appelle aujourd’hui à un au-delà de soi.  Cette dimension est bien entendu celle de la  psyché ou de la mémoire collective.

Encore convient-il de relier ces deux mesures ou ordres de grandeur.

C’est la fonction rationnelle qui résout cette quadrature du cercle… et qui, du même coup, renouvelle notre vision du monde.

À mesure que les explications surnaturelles proposées par les mythes deviennent insuffisantes pour comprendre ce qui, jusque-là, est hors de portée des hommes, d’autres théories à hauteur d’homme vont prendre le relais à partir des observations plus concrètes, quant au cours des choses.  On songe bien entendu à une progressive capacité d’observation et de raisonnement, par exemple à propos du ciel et de ses cycles réguliers.  

Il en résulte une mutation dans la façon de considérer la nature.  Grâce à la pensée humaine, cette fois, l’univers visible devient aussi lisible. Le cours des choses reste, dans une bonne mesure, le fait des puissances divines, mais celles-ci se manifestent désormais dans et par des processus mesurables.

Relevons que c’est autour du bassin méditerranéen, là où naquirent les fondements de l’astrologie occidentale, qu’eut lieu la conjonction de ces deux regards sur le monde : la vision mythique et la description rationnelle.

Ajoutons que ces deux conceptions ne sont pas concurrentes, dès lors que l’intuition des récits mythiques est en quelque sorte corroborée par l’explication des lois physiques et, pour l’astrologie, des cycles astronomiques.

Il en résulte, bien évidemment, qu’il ne s’agit pas de prendre les récits mythiques « au pied de la lettre »…  Ce n’est pas le mythe qui est dévalué en son essence par l’exercice de la raison, c’est sa lecture « au premier » degré qui devient obsolète.  Il n’en reste pas moins vrai qu’une adhésion reste possible à ce que le mythe évoque par-delà ses images et ses récits.  Une vérité subtile est et reste là bonne à prendre, à méditer, à transposer dans notre propre vie.

En tout cela, nous ne sommes plus aujourd’hui dupes et nous reconnaissons l’anthropomorphisme qui caractérise les mythes et leurs allégories.

Ainsi, les mythes se déploient désormais dans un entre-deux, là où se précisent, sur un mode métaphorique, l’action des dieux dans le cosmos et, sur un mode psychique, les opérations de l’âme…  

Gardons cela à l’esprit au moment d’utiliser le langage symbolique de l’astrologie. Procéder comme nous le faisons, c’est encore et encore user de la parole originaire conservée dans les anciens mythes. C’est disposer d’un éclairage précieux sur l’articulation entre les hommes et l’univers.  C’est observer ce que nous avons autrefois projeté sur le ciel et nous en servir à la manière d’un « intro-projecteur » en vue d’explorer nos tréfonds personnels.

Pour Gaston Bachelard, les grands mythes attestent la production littéraire et imagée de notre « inconscient créateur ». « Psychiquement, écrivait-il, nous sommes créés par notre rêverie, car c’est la rêverie qui dessine les derniers confins de notre esprit. »

Or, tout ceci prend un sens particulier dans le monde que nous vivons.

Écouter la parole inconsciente enfouie dans la mémoire des hommes, c’est nous défier du bruit des machines dont l’unique tâche est désormais de produire sans fin et de nous happer dans le premier degré des choses.

Au cours des siècles, notre besoin d’expliquer l’ordre des choses à travers les mythes, puis notre aptitude à élucider l’univers par les sciences, nous ont conduits à accueillir et à vivre la réalité de façon progressive et surtout différente.  

Mille lectures, selon l’époque et le lieu, nous ont successivement inspiré des adhésions à diverses formes de croyances, puis nous ont conduits à valider des théories sans cesse interrogées et corrigées.  

Certes, les thèses trop unilatérales entretenues dans le cadre des religions devaient être remises en cause.  Mais nous pouvons aujourd’hui encore les estimer, ces mêmes thèses étant devenues plus subtiles en raison même de l’évolution de la pensée et des connaissances.  

Cette évolution s’observe bien entendu aussi bien chez le sujet qui croit, qui pense et qui se met en recherche, que du côté de l’objet qui se modifie et qui se complexifie, puisque l’homme ne cesse d’agir sur le monde et donc de le modifier.

En définitive, ce qui est et reste constant et universel, ce ne sont pas les réponses et les théories que nous construisons, si tant est que nous puissions en proposer quelques-unes, ce sont les questions qui ne cessent de rebondir et de se morceler en d’innombrables autres interrogations et en de nouvelles énigmes.  

En un sens, tant mieux, puisqu’il y a ainsi et puisqu’il restera toujours « du pain sur la planche ».  


Jacques VANAISE

Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be

Sur le vif

La chronique de Jacques Vanaise  (1er septembre 2018)

Il y a longtemps de cela, les hommes (et les femmes) étaient avant tout les parties d’un tout ethnique. Avant que chaque personne ne vienne à dire « je », les sociétés ont d’abord dit « nous ».

Il en résulte une mutation dans la façon de considérer la nature.  Grâce à la pensée humaine, l’univers visible devient aussi lisible.

Écouter la parole inconsciente enfouie dans la mémoire des hommes, c’est nous défier du bruit des machines dont l’unique tâche est désormais de produire sans fin et de nous happer dans le premier degré des choses.