l’Astro Gazette de la FDAF

n°197 - Mars 2021

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Dans son éditorial du 1er février dernier, Marc Brun écrivait : « (…) la lumière est belle parce que les ténèbres existent. Alors, continuons à suivre la lumière, à viser la lumière. Nous, astrologues, avons les outils et je dirais même le devoir de le faire. L’Astrologie est un phare, nous en sommes les gardiens. Soyons des gardiens actifs qui éclairent les horizons du futur, pour que les fantômes de la mort ne nous fassent pas oublier la vie. »

Je partage entièrement ce point de vue. Je me rappelle la teneur d’une ancienne chronique (1er novembre 2018) où j’abordais notre responsabilité en tant qu’astrologue. J’en reprends un extrait : « (…) sur ce fil tendu entre les symboles et ce qu’ils suggèrent, nous avons la tâche nécessaire d’attester en chacun de nous l’illustration sans cesse différente, personnelle et unique de notre part universelle d’humanité. Rendre compte de cela (dans un monde où la technicité des machines supplante progressivement le foisonnement de l’imaginaire humain), telle est notre responsabilité trop peu dite, trop peu reconnue, trop peu partagée. »

Aujourd’hui, je souhaite poursuivre cette réflexion en l’abordant cette fois sous trois axes complémentaires.


1. Responsabilité à l’interne de notre pratique.

Il est sans cesse nécessaire de nous accorder autour d’une pratique de l’astrologie telle que nous souhaitons la défendre et la promouvoir au sein de la FDAF. Cet accord concerne beaucoup plus le fond que la forme.

Pour la forme, nous savons que notre pratique personnelle découle de la « technique » qui nous paraît la plus adéquate (se limiter aux fondements planétaires considérés en signes, en secteurs et en aspects ; ou élargir le nombre de ces facteurs : aspects secondaires, astéroïdes, lunes noires, nœuds lunaires, etc.)

C’est sur le fond que nous sommes solidairement responsables, en délimitant la portée de notre outil symbolique. Ce qu’il désigne, c’est à coup sûr la dimension psychique qui se met en œuvre à notre naissance, en interaction constante avec notre environnement.

En cela, nous sommes conditionnés par notre double héritage génétique et social ; mais aussi, bien entendu, par la trame de nos processus psychiques (tout d’abord inconscients). Ce sont ces processus qu’annonce notre thème de naissance.

Conditionnés, mais non déterminés, pour autant que nous comprenions que ces « modalités d’être » sont, pour chacun et chacune d’entre nous, des outils, non des forceps ; des outils grâce auxquels nous allons manifester l’ensemble de nos aptitudes et de nos traits de caractère, pour ensuite conquérir, pas à pas, notre part de liberté.

Cette part de liberté se précise lorsque nous réalisons que tout ce que nous percevons, nous le digérons et l’interprétons à notre manière. En effet, si notre parcours de vie réclame que nous nous adaptions à notre environnement (tant physique que social), il est aussi le moyen d’observer, à travers nos réponses aux événements, nos propres besoins, attentes et préférences.


2. Responsabilité vis-à-vis de nos consultants.

Allons-nous les encourager à limiter leurs interrogations quant au premier niveau des « choses de la vie » (préoccupations légitimes, certes, mais qui souvent cantonnent le sujet dans sa conviction qu’il dépend du bon vouloir des événements et des astres) ?

La prise en compte des processus psychiques mis en œuvre au cœur de notre personnalité incite, bien entendu, à aborder et à analyser les événements avec lesquels nous interagissons, mais en précisant sans cesse que leur réalité découle du « comment » ils sont vécus et du sens que nous leur donnons.

C’est ainsi que, s’il est profitable que notre consultant s’interroge à propos de ses expériences concrètes, ce rapport entre sa vie intime et les situations extérieures concerne moins les faits ou les objets eux-mêmes que sa manière de les utiliser et de les vivre.

Par exemple, c’est moins de l’état précis de sa fortune (ou de son infortune) dont il est question, que du rapport qu’il noue à l’argent, celui-ci étant considéré pour ce qu’il représente ou symbolise dans sa vie, en tant que moyen tangible pour se réaliser.

Autre exemple : le thème de naissance de notre consultant décrit moins les détails de sa maison familiale que les besoins qu’il exprime dans le cadre de son foyer ou de son monde intime, sans que ceux-ci ne soient définis ou définissables dans le détail et par avance.

Chaque situation abordée au cours de l’analyse astrologique n’a donc de sens que dans la mesure où elle nous permet d’éclairer une facette de la personnalité que nous analysons.


3. Responsabilité de la « connaissance de soi » dans un monde en mutation.

Il est incontestable que nous vivons une époque de changement et de transition.

En ce début d’un nouveau millénaire, nombre de stratégies s’investissent dans l’immédiat. Tout se passe dans le court terme, alors même qu’il serait temps que nous fassions le pari d’une mise en perspective.

Chaque jour, nous sommes les témoins d’avancées technologiques spectaculaires. Mais chaque jour, nous constatons aussi des dérives alarmantes qui fragilisent notre milieu de vie. Nous mettons en péril ce que la nature a mis des millions d’années à produire et ce que les civilisations anciennes ont mis des siècles à établir.

Par-delà les soubresauts d’un monde qui poursuit son chemin en aveugle, il est urgent de renverser l’image réductrice de l’homme.

En quoi cela nous concerne-t-il ?

Nous déclarons volontiers être les héritiers d’une tradition qui n’a cessé d’interroger le point singulier où, en chaque être humain, se juxtaposent l’infinité de « l’espace – temps » propre au cosmos et le foisonnement de l’imaginaire.

Là se cristallise effectivement ce dont l’homme est l’enjeu : la partition où se conjuguent l’histoire de l’univers (le cosmos) et l’émergence de la conscience humaine (l’anthropos).

Il serait judicieux qu’en tant qu’astrologues nous ayons quelque chose à dire sur l’état du monde « tel qu’il va ». Je me limiterai ici à dénoncer l’absence d’une vraie culture du lien intérieur. Nous ne pouvons véritablement nous nourrir et nous inspirer les uns et les autres qu’en reconnaissant les ressources de nos profondeurs.

Aux multiples impasses qui caractérisent le monde actuel et son entrée dans l’anthropocène(1), nous pourrions répondre « astrologiquement » de diverses manières, sur base de notre expérience du rapport entre l’homme et son environnement.

L’un des leviers les plus essentiels de notre pratique astrologique est de favoriser la mise à l’écoute de chacun de son univers intime.

Plus nous nous encouragerons les uns et les autres à exprimer et à partager les richesses de notre univers intérieur, plus nous reconnaîtrons ce qui fait notre singularité à travers laquelle un grain de l’univers est susceptible de s’incarner et de rayonner.

Ceci revient à permettre à chacun d’extérioriser son moi profond. Un rapide survol des tendances actuelles propres à notre culture occidentale (à présent mondialisée) suffit à désigner (voire à dénoncer) l’individualisme croissant, actuellement accentué, voire imposé par les règles du confinement.

Cet individualisme est bien entendu à contrecarrer lorsqu’il est synonyme de repli sur soi et d’enfermement. Tout autre chose est de valider et d’encourager en chacun l’idée d’un trésor personnel à découvrir et à mettre en chantier.

Nous naissons chacun avec un potentiel qui reste dépendant des incitants de notre milieu et de notre capacité à en décoder les arcanes. Or, nous sommes bien démunis quant à la lecture claire de ce qui peut nous faire véritablement « venir au monde » ; ce qui consiste à cultiver la part d’humanité qui nous est individuellement confiée.

Et si nous concevions notre rôle d’astrologue comme le devoir de transmettre à ceux qui peuvent nous entendre un premier jalon de découverte et de compréhension, au moment d’entreprendre leur voyage initiatique et personnel vers leur dessein de vie ?

Cela peut se résumer comme suit : « offrir à chacun le fil d’Ariane qui peut le conduire dans le labyrinthe de la vie, jusqu’à son humanité, parmi les autres, au cœur de la réalité ».

Ce faisant, nous sommes évidemment loin de la fantaisie des horoscopes au quotidien…


Jacques VANAISE

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jacques.vanaise@skynet.be

La responsabilité de l’astrologue

Sur le vif

«Conditionnés, mais non déterminés…»

«…il serait temps que nous fassions le pari d’une mise en perspective…»

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1 Nom donné à l’époque géologique dont le commencement correspond au début de l’impact à grande échelle de l’activité humaine sur la biosphère.

«Nous ne pouvons véritablement nous nourrir et nous inspirer les uns et les autres qu’en reconnaissant les ressources de nos profondeurs.»