la Gazette des Astrologues
n°192 - Octobre 2020
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
“Sur le Vif”
La chronique de
Jacques VANAISE
La particularité de l’astrologie est de conjuguer l’ordonnance du système solaire et le foisonnement des mythes, produits de l’imaginaire.
Pourquoi cet intérêt pour les mythes qui perpétuent des récits plutôt féroces à propos du commencement des choses, de la querelle ou des amours entre les dieux, du théâtre mettant en scène le soleil, la lune et les étoiles ?
Pourquoi proposer à l'humanité un tel miroir psychanalytique (bien avant que nos complexes inconscients ne soient décryptés) où se complaisent des dieux et des déesses absorbés dans leurs aventures incestueuses, adultères et cruelles ?
La mythologie se voulait à l’origine un objet de savoir et d’explication. Elle mobilisait les intelligences, non sans les verrouiller dans un carcan plus proche de la superstition que de la connaissance. D’où le nécessaire contre-pied de la raison, afin d’éclairer les consciences d’une autre lumière que celle des fables et de leurs affabulations.
Or, rejeter en bloc les récits mythiques, c’est nous priver de leur éclairage quant au continent immergé de nos origines.
Certes, nombre de légendes nous paraissent à première vue (ou à première lecture) peu crédibles. Or, leur propos n’est pas de révéler infailliblement une Vérité absolue (ce dont les dieux auraient la compétence), mais de perpétuer des métaphores.
Explorer les paysages intimes ainsi mis au jour, c’est apprendre à discerner ce qui se joue tout au fond de nous.
Aujourd’hui, la (re) lecture des mythes (anciens ou actuels) nous permet de cerner notre « irrationalité » originelle, là où la pensée et le langage prennent forme dans l’imaginaire humain (aussi bien dans les premiers jalons de l’histoire humaine que dans l’émergence progressive de la conscience chez l’enfant que nous avons été).
D’où notre intérêt pour la mythologie dans sa forme la plus vivante et la plus créative, celle qui concerne les premiers pas de la conscience à partir des productions spontanées et intuitives de l’imaginaire.
D’où aussi l’usage, en lieu et place du terme « mythologie », du vocable plus approprié mythopoïétique1 qui prend en compte la transposition des concepts et des idées, des sentiments et des expériences en personnages et en récits.
Selon ce point de vue, les « dieux » ont d'abord été des idées abstraites, des intuitions subtiles ou des expériences sensibles transposées et incarnées en personnalités imaginaires.
Ainsi, la présence du feu est conceptualisée par un nom commun qui le désigne ou par un qualificatif qui (par exemple) caractérise la peur qu’il suscite. Puis, son origine et sa puissance sont hypostasiés 2 dans une force attribuée à une entité supérieure à laquelle on décerne un nom propre.
Du même coup, ce qui était à la fois proche dans l’expérience directe (le feu en lui-même) et familier dans sa désignation (le concept et le mot « feu ») devient lointain dans le pouvoir du dieu qui en dispose : Zeus.
Ce glissement entre l’expérience, le concept et l’hypostase se reproduit à l’infini dans le parcours individuel que nous vivons entre notre naissance et notre présence consciente à la réalité.
Durant les stades de notre genèse psychologique (que les douze secteurs astrologiques décrivent parfaitement lorsqu’on s’éloigne de leurs attributions au premier degré des choses : l’argent, nos frères et sœurs, notre mariage ou notre divorce, nos héritages, et j’en passe…), nous transitons de la réaction immédiate et instinctive (Maison I) et de l’expérience sensorielle (Maison II) vers la conceptualisation (Maison III). Ainsi, le mot indique désormais l’objet.
Prenons l’exemple du mot « biberon ». À lui seul, il suffit à le désigner, mais aussi à préfigurer sa présence. Puis, l’idée « biberon » est investie par le petit enfant chez (ou dans) la personne (la mère ou son substitut – Maison IV) qui a le pouvoir de le préparer.
Ce faisant, le nourrisson extériorise dans un « autre » l’un des pôles de sa propre expérience sensorielle.
Tout cela se passe de façon assez similaire pour la verbalisation de ce qui se produit en nous et au-dehors.
Nous disposons au départ d’une mémoire intra-utérine. Or, celle-ci ne saurait produire à elle seule une parole audible pour les autres. Nous disposons d’un monde intime en quelque sorte fantasmé ; mais encore bien vague.
Pour lui donner forme, à savoir pour l’habiller de mots et de sons, nous allons voler des images, des représentations et des figures, des syllabes et des intonations sur les lèvres de nos proches. Là se précise un dialogue entre le « je » encore informel et le « tu » formaté par notre langue maternelle et par la culture propre à notre environnement.
Cette nécessaire dualité se manifeste dans un babillage qui préfigure la juxtaposition essentielle et constitutive du « moi » et du « monde ».
Ceci se reproduit pour chacun d’entre nous ; alors même que nous construisons notre « conscience d’être » sur une expérience plus ancienne que celle que nous sommes en train de vivre.
Cette expérience plus ancienne fait référence à la vie intra-utérine, mais aussi à la part de l’imaginaire collectif qui sous-tend notre aptitude à entrer en relation avec le monde.
Cette part de l’imaginaire est universelle, alors que la prise de parole dans et par le mythe, mais aussi dans et par nos apprentissages au cours de notre prime enfance, est forcément habillée par la culture propre à notre milieu de vie 3.
Il en résulte que ce qui anime à la fois les mythes et nos rêves, puis notre figuration du monde et l’élaboration de nos pensées ne peut être produit par notre seule intériorité.
Qu’il s’agisse du mythe ou de notre représentation de ce qui est là (et de ce qui se passe autour de nous), ils sont suscités et orientés par un « vis-à-vis ».
Ce vis-à-vis oriente et influence le « poète » lorsqu’il entame le récit mythique.
De même, tout au long de notre « venue au monde », nous allons à la rencontre des situations, des paroles et des personnes qui détermineront la mise en forme et l’expression de notre imaginaire intime.
Nous devrions nous souvenir de ce moment subtil qui, à l’instant précis de notre naissance, nous fait passer du songe à la réalité. Cet instant, en amont du lever solaire, peut être comparé au blanchissement du ciel, juste avant l’aurore.
L’astrologie s’attache précisément à célébrer ce passage, cet instant, ce sas, là où une nouvelle part d’humanité vient s’inscrire sur la première page de notre vie.
Jacques VANAISE
1 Relatif à la formation des mythes.
2 Hypostasier : considérer (à tort) un concept comme une réalité
3 Ce qui souligne en quoi « notre » astrologie occidentale, pour universelle que soit sa référence aux configurations du ciel, est nécessairement connotée par un lieu, un climat, une époque, une culture…
Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be
De la naissance du mythe à l’aurore du jour...
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