l’Astro Gazette de la FDAF
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
N°213 ~ Juillet 2022
“Sur le Vif”
La chronique de
Jacques VANAISE
Sur le vif
« La causalité »… Vous avez vraiment dit : « causalité » ?
Il fut un temps où dieux et planètes étaient étroitement incorporés 1.
Gageons que les conteurs, prophètes et autres devins n’étaient pas dupes. Parler des dieux ou, plutôt, les faire parler, cela a toujours consisté à raconter l’aventure des hommes et à projeter les caractères humains sur le fond du ciel.
Cela dit, au 17e siècle, le rationalisme « moderne » faisant autorité, nombre de phénomènes proches ou lointains, inertes ou vivants furent décrits comme étant le résultat d’une immense chaîne d’actions et de réactions, de causes et d’effets.
Depuis lors, des lois et des processus décrivent et expliquent le monde, celui-ci étant devenu une mécanique quantifiable, mesurable et, comme telle, le plus souvent prévisible.
Parmi les postulats à la source de ce nouveau modèle : le dualisme cartésien. Le subtil est évacué, rangé dans une dimension à la fois subtile et chimérique, tandis que la réalité formelle et tangible devient « la » norme pour analyser et pour comprendre.
Plusieurs courants astrologiques estimèrent alors important de « se mettre au goût du jour ».
Délaissant la fécondité de l’imaginaire (qui allait resurgir grâce à la psychologie des profondeurs), ils s’investirent pour démontrer l’influence physique des planètes sur le cours de notre vie.
Jusqu’à ce que (notamment) la phénoménologie 2 réintroduise l’idée de l’inter. Car nous sommes indubitablement en inter relation, en inter dépendance, en inter connexion, l’astre et l’être étant les deux versants de l’espace – temps de notre vie.
Que devient alors la « causalité » ? Accordons-nous le temps d’y réfléchir, sans prétendre épuiser le sujet, une fois pour toutes.
Plusieurs angles d’approche mettent en contraste deux logiques : celle de la rationalité et celle de « l’autre » symbolique. Choisissons le point de vue qui oppose les neurosciences et l’imaginaire.
Les neurosciences butent régulièrement sur une impossibilité : leur modèle structurel ne peut intégrer l’ordre symbolique, au risque d’être bien embarrassé pour aborder à la fois la conscience et le « sujet » de cette conscience.
De son côté, l’astrologie met en jeu l’imaginaire qui révèle ce qui sous-tend notre relation au monde. Le grand paradoxe est que l’astrologie (pour autant qu’elle ne dévie pas de son juste propos qui ne saurait être celui de la causalité 3) est bien moins déterministe que la description de nos processus neuronaux susceptibles d’expliquer comment se produisent nos comportements.
En explorant notre psyché, l’astrologie observe les éléments conscients et inconscients reliés à certains épisodes de notre propre histoire. Lorsqu’ils sont exposés au cours d’une étude astrale, ces éléments sont entendus et reconnus par le « sujet » comme étant « sa vérité » intime.
Or, aucun évènement réel n’a été et ne peut être (à lui seul) la cause de nos réalités psychiques ; ni davantage nos parents, la société ou les circonstances de notre vie.
En effet, l’imaginaire et ses fictions ne cessent d’établir un écart symbolique 4 entre un évènement vécu et son imprégnation psychique dans notre intériorité.
À l’origine ou à la source de nos perceptions, il y a des dispositions, des aptitudes, des tendances, des propensions, des compétences qui préfigurent notre façon individuelle d’appréhender le monde. Il s’agit d’abord de « schèmes » potentiels qui, progressivement et à la faveur de nos expériences concrètes, seront transposés, personnalisés et incarnés dans notre imaginaire.
Ces prédispositions orientent globalement nos réponses aux situations qui se présentent. On peut parler de structures préparatoires qui ont pour effet de faciliter nos réactions vis-à-vis de tout ce qui se présente à nous ; ce qui, subtilement, nous oriente ensuite dans le monde et dans la vie.
Le facteur décisif est ici le rôle de nos croyances, pensées et attributs qui nous conduisent à donner une signification aux réalités et aux évènements ; et cela par le biais d’une évaluation affective à partir de laquelle nous nous faisons une représentation subjective de la réalité.
Cette représentation ou ce rôle « fait sens » dans la dynamique globale de notre personnalité (et de notre thème astrologique). À cet égard, tout se passe « comme si » nous avions besoin d’une image précise du père ou de la mère, par exemple, en cohérence avec ce qui se passe en nous. D’où, ultérieurement, un contexte émotionnel qui nous conduit à être favorables ou défavorables à ce qui se produit autour de nous, certaines situations rappelant, évoquant et réanimant à la fois notre perception a priori et nos premières expériences.
Est-il possible, dès lors, de parler encore de causalité lorsqu’une situation nous fait ressentir et réagir d’une façon « qui nous ressemble » ?
Comment saisir toute la dimension subjective qui nous conduit ainsi à « habiller » la réalité sur un mode qui est comme le prolongement de notre univers intime ? Et peut-on en mesurer la portée objective au point de dire que notre parcours personnel de vie est conditionné et causé par l’attitude de notre entourage ?
Relevons que si la rationalité scientifique peut dire comment fonctionnent nos neurones, seule la langue symbolique est en mesure d’approcher les processus intervenant dans notre psychisme.
Ce hiatus nous conduit à un constat : on ne saurait valider une démonstration « scientifiquement vraie » là où il est impossible de mesurer et de chiffrer nos comportements à partir d’une cause objectivable.
À cet égard, l’astrologie ne peut livrer des preuves expérimentales. Son approche symbolique de la psyché est incompatible avec la vérification par la reproduction de l’expérience. Chaque univers humain est unique et il est le lieu flagrant d’une subjectivité à nulle autre pareille.
La psychologie des profondeurs considère que notre « moi » élabore des fictions et que nos actes et nos pensées sont le prolongement de mécanismes souvent inconscients 5.
L’astrologue s’interroge évidemment et légitimement sur les origines ou les racines de ces mécanismes. Il convient sans doute et avant tout d’y reconnaitre le rôle imagé des mythes produits par les humains de culture en culture, de civilisation en civilisation. Ce sont toujours les mêmes histoires qui se racontent de siècle en siècle, remaniées et parfois transformées par les savoirs qui évoluent dans l’espace et dans le temps.
Mais si tout se transforme dans ces histoires, observons-y certaines constantes, à savoir la manifestation et l’expression d’invariants. Ce sont les archétypes.
Il en résulte un langage qui préexiste à notre venue au monde et qui sera éveillé, sollicité et contextualisé par notre milieu de vie.
En dernière analyse, notre psychisme ne fonctionne pas comme une machine dont il serait possible de décrire chaque séquence comme le résultat d’une causalité ; alors même que nous sommes pourtant machinés par l’inconscient collectif, tel qu’il nous prédispose, en tant que sujet, à dia – loguer avec l’objet du monde.
Relevons ici une question carrément plus métaphysique : qu’est-ce qui nous fait ainsi émerger sur la toile des évènements ? Sans doute, fondamentalement, un manque, celui de l’unité originelle 6. En raison même de ce manque, nous ne cessons d’investir la frontière à la fois instable (mais terriblement tangible pour nos sens), là où tout devient dualité : nous-mêmes et l’autre, la psyché et le monde, l’être et l’astre…
Ce que nous sommes chacun, individuellement, intrinsèquement, n’est pas le fait d’une cause extérieure : Dieu, père, mère, mais le résultat de notre approche personnelle d’un monde qui est de même « nature », de même structure que l’univers de notre psyché, en ceci que la psyché et le monde, l’anthropos et le cosmos sont les deux faces d’une même réalité en devenir…
Ceci n’a rien de nouveau. Souvenons-nous de l’enseignement d'Hermès Trismégiste : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».
Nous avons besoin du versant du monde pour prendre conscience de notre intériorité. Et le monde ne serait qu’une danse infinie de particules (un chaos) si aucune expérience consciente ne lui accordait une densité et une forme, certes toutes relatives.
En dernière analyse, cette inter – relation n’a rien à voir avec une quelconque causalité ; c’est une question de résonance, de mise en miroir, de juxtaposition, de co - incidence, d’opportunité, d’occasion…
Jacques VANAISE
La causalité en astrologique
Pour tout contact et réaction:
jacques.vanaise@skynet.be
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1 Comme si, vraiment, les dieux habitaient les planètes.
2 Méthode philosophique qui conjugue l’objectivité des phénomènes et les expériences intimes de la conscience, dans un accord entre l’essence des êtres et la substance des choses.
3 Est-il concevable de mesurer l’influence physique et organique d’une planète lointaine sur nos traits de caractère ?
4 Rappelons que le symbole est le fait d’une séparation suivie d’une réunion. Un objet est coupé en deux et ces deux parties sont ensuite réunies pour une validation ou une reconnaissance.
5 Le symbolisme astrologique est celui d’un ciel essentiellement (par essence) intérieur. L’autre ciel, au-dessus de nous, en est le miroir, par projection et par la prise de parole métaphorique.
6 Notamment l’unité fusionnelle durant la vie intra-utérine.