l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

200e

JUIN 2021

Billet d’Humeur

L’approche holistique  

Annick
PINEAU

L’astrologie est encore quelquefois perçue comme un outil de prédiction avec le déterminisme et la prise de pouvoir sur autrui que cela suppose. Il y a alors aliénation du libre-arbitre du consultant qui ne peut se faire acteur de sa vie.

L’astrologie humaniste ne néglige pas l’événementiel mais elle propose de considérer en quoi ce qui nous est donné à vivre est le miroir de notre intériorité. Cette approche suppose de considérer le thème comme un processus dynamique toujours en mouvement, en considérant ce qui nous arrive comme des étapes signifiantes sur le chemin de l’individuation.

Il arrive encore - de moins en moins - que l’on approche le thème (en consultation ou dans l’enseignement astrologique) de manière séquentielle à partir d’une approche s’appuyant sur des a-prioris.

Par exemple « la Lune dans tel signe veut dire cela, Vénus dans telle maison veut dire cela … » : plaquer une définition qui risque d’être dénuée de sens, ou en tout cas réductrice voire fataliste, n’aidera pas le consultant à puiser dans ses ressources intérieures, puisque l’astrologue, dans ce cas, ne fait pas confiance à celles-ci en posant d’entrée une signification.

Cette manière de procéder n’aidera pas non plus l’étudiant à s’ouvrir à la richesse des possibles ni à considérer le thème comme une graine qui demande à se déployer. Marie-Louise Von Franz l’exprimait ainsi :

« La graine du sapin contient en germe tout l'arbre à venir sous une forme latente ».

James Hillman, avec la théorie de l’akène suggérait la même chose : « akène » signifie « s’ouvrir ». On nomme ainsi un fruit sec contenant une seule graine, symbole d’ouverture, de semence, de germination. Cette graine évoque le cœur mystérieux au plus profond de nous, expression de la globalité présente dans notre thème : nous y retrouvons le Soleil, centre intérieur qui appelle vers soi et vers le Soi.

Aujourd’hui la grande majorité des astrologues est consciente que le langage astrologique est un langage symbolique, donc imagé, qui ne peut se satisfaire d’une approche purement technique et intellectuelle.

En effet, les composantes du thème ne sont pas des signes mais des symboles : chaque référent astrologique ne peut avoir de signification définitive et prédéterminée car si le signe renvoie à une seule signification (comme un panneau indicateur), le symbole, lui, ne peut jamais être enfermé dans une forme précise, il n’est jamais totalement lisible sous peine de perdre ce qu’il a de vivant.

Ce serait à nous, astrologues, d’être attentifs à la source cachée derrière tout symbole astrologique car de là vont émerger de multiples possibles. Cette source d’énergie invisible c’est ce qui émerge de l’archétype qui génère des images primordiales.

A partir du moment où nous posons une « interprétation » formelle d’une planète, d’un signe, etc., nous tarissons cette source et enfermons le consultant (ou l’étudiant) dans une vision étroite des potentialités.

« Symbole » vient du grec symbolon signifiant « unifier ce qui est séparé ». Ce mot désignait une pièce de terre cuite, partagée en deux morceaux. Chacune des parties était conservée par deux familles : quand l’un de ses membres se rendait dans l’autre famille, il amenait son morceau avec donc la possibilité de le recoller à l'autre, ce qui soulignait l’alliance des deux familles.

Lors de l’entretien astrologique le consultant amène son morceau, c’est-à-dire son vécu, ses questionnements, ce qu’il est ici et maintenant. L’astrologue est porteur de l’autre morceau avec les potentialités du thème. Nous avons là, entre consultant et astrologue, les deux faces d’un tout qui doivent se relier. Et c’est en ce sens que le symbole est guérisseur car il a toujours deux faces : un pôle concret et un pôle plus abstrait, porteur de sens.

Autrement dit, il n’y a pas un astrologue qui sait d’avance et un consultant qui ne sait pas. Chacun a besoin de l’autre.

Je me souviens du psychanalyste François Roustang qui rappelait à quel point, pour toute relation d’aide, il était essentiel de se présenter comme vierge de tout savoir pour accueillir le consultant dans sa réalité du moment. Cela suggère que la technique astrologique soit fondue, en arrière-plan, pour qu’une relation s’instaure.

Nous devons cette approche au génie de Dane Rudhyar : elle est en résonnance avec la psychologie humaniste qui se développait aux états Unis dans les années 1960.

Carl Rogers instaurait la Thérapie centrée sur la personne faisant confiance aux ressources intérieures que chacun porte en soi.

Pendant ce temps Abraham Maslow s’intéressait aux états de plénitude et à l’accomplissement de l’individu, avec notamment la pyramide des besoins.

Grégory Bateson, l’un des représentants de l’école de Paolo Alto, travaillait sur l’approche systémique à partir de l’interaction de l’individu avec son environnement et l’impact de celui-ci dans le développement des capacités.

Et puis - et ceci est précieux - c’est à Dane Rudhyar que nous devons d’avoir établi un pont entre l’astrologie et la psychologie des profondeurs de Carl Gustav Jung.


Le thème astrologique est un mandala


Ce cercle entoure, rassemble et préserve le cœur du mandala qui représente l'unité, l'essence. Jung découvrit qu'il est un puissant support de croissance et de transformation, un symbole de notre entièreté.

Un mandala présente une structure organisée à partir d’un réseau de liens mettant en relation les différents pôles. Ces liaisons relient esprit et matière dans un tissage qui n’élimine rien mais combine les opposés en produisant une interaction dynamique source de vitalité.

Ainsi, le mandala illustre un monde structuré et cohérent à l'intérieur duquel tout est relié. Par la complexité de son agencement il suggère un chemin vers le centre qui englobe tout et représente l'unité.

Sur le plan symbolique il se rapproche du labyrinthe qui est un couloir initiatique fait de nombreux détours et présentant le risque de se perdre en chemin, ce qui est la nature même du processus d’individuation.

Le système solaire dont nous faisons partie peut être approché comme un grand mandala dont le Soleil serait le point central et unificateur.

Tout comme le mandala permet de décrire l'unité du monde, le thème astrologique est le support symbolique de notre microcosme. Il est représenté par un cercle entourant et protégeant nos Déités intérieures, c'est-à-dire nos planètes.

Le thème n'est pas une représentation extérieure, il illustre le territoire complexe et mouvant de notre psyché.

Il se présente dans un arrangement particulier (répartition des planètes, aspects, etc.) qui recèle un ordre cohérent qu’il nous appartient de dévoiler. Les aspects entre les planètes créent un tissage qui relie l'ensemble. Ce sont des moyens d’unification car, en assemblant ce qui doit être mis en contact, ils nous indiquent ce qui doit être harmonisé.

La mise en place de ce nouvel ordre intérieur est le but du processus d’individuation et ne peut résulter que de l'union des différents pôles qui nous constituent.

Cet état d'esprit est précieux lorsqu'on aborde l'étude astrologique : une interprétation compartimentée du thème reviendrait à dissocier alors qu’il s’agit au contraire d’établir une vision unifiée du chemin pour donner la priorité à l’être en devenir.

Il ne s’agit pas de « lâcher » ou de « dépasser » telle ou telle facette de soi-même (qui alors prendra d’autant plus de force et nous agira à notre insu) mais de considérer l'ensemble sans rien rejeter. L’astrologue peut ainsi aider le consultant à s’accueillir dans sa totalité.

En effet, « individuation » ne veut pas dire transformer par la volonté tel ou tel aspect de soi. Ce serait au contraire l’intégration progressive - reconnaissance et accueil - de nos multiples facettes qui peut mener vers l’élargissement de la conscience.

Nos souffrances résultent du fractionnement intérieur (division entre ce qui est conscient et ce qui ne l'est pas mais nous travaille dans l’ombre pour accéder à la conscience). Nous sommes au bout du compte dépendants de ce que nous rejetons de nous-mêmes.

Or, c’est en entrant en relation avec nos difficultés que nous pouvons retrouver la cohérence cachée derrière le désordre apparent. Selon C.G. Jung, nos tendances contraires sont - dans le tréfonds de nous-mêmes - en connexion les unes avec les autres.

Ainsi, il est important de reconnaître les contradictions entre les différents points du thème (ce sont nos dilemmes intérieurs) en les considérant dans une optique de négociation. Ce qui nous apparait discordant recèle une possibilité d’association cohérente. Cette ouverture intérieure peut amener un apaisement.

Cette posture suppose d’orienter l’étude astrologique - et surtout l’entretien - de manière à envisager d’autres combinaisons, c’est-à-dire d’autres manières de vivre les tendances qui y sont représentées. Mais sans n’en rejeter aucune. Elle relève du travail alchimique selon l’expression « solve et coagula » : non pas abolir mais différencier et réharmoniser les rapports existants entre les différents pôles de la personnalité. Dane Rudhyar nous a révélé pour cela un outil essentiel : les 4 niveaux de conscience qui orientent vers d‘autres possibilités de vécu des configurations de notre thème.

Il serait donc essentiel de se positionner d’entrée dans une vision holistique du thème, ce qui suppose de considérer d’abord l’être dans son entier, avec ce qu’il a d’unique.

Nous sommes ici bien loin des généralités applicables à tous.

J’évoque dans ces lignes une posture dans la consultation mais elle me semble cruciale également dans l’enseignement de l’astrologie.  

Dans son ouvrage, « L’astrologie de la personnalité » Dane Rudhyar écrit :

« Tout étudiant, même occasionnel, devrait en toute franchise se poser la question : que signifie l’astrologie pour moi ? Quel but vais-je poursuivre en l’abordant » ?

Être astrologue en 2021 ce serait prendre soin de soi - et des consultants - en s’astreignant régulièrement à la supervision.

Ce serait respecter le libre-arbitre de chacun et ne pas se situer dans une place de savoir et donc de pouvoir sur autrui.

Et pour les astrologues enseignants ce serait, quelle que soit la forme de transmission, ne pas omettre la dimension sacrée du symbole. Avec le souci de rendre cette approche concrète et intelligible pour tous.


Être astrologue en 2021 serait aussi être conscient que l’ère du « chacun pour soi » est bien terminée et que nous avons plus que jamais besoin de cultiver l’esprit collectif.

Je remercie la FDAF et son président, Marc Brun, de nous permettre cela.


Annick PINEAU

www.entreombreetlumiere.com