l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

200e

JUIN 2021

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

C’est, plus que jamais, accompagner toute personne qui fait appel à l’astrologie pour donner du sens à son parcours de vie.

Un tel accompagnement suppose un dialogue, non le soliloque du spécialiste censément tout connaître par avance à propos de son consultant.

Nous le savons bien : « la carte n’est pas le territoire ». Ce qui n’altère nullement la richesse de notre outil symbolique et ce qui ne dévalue en rien la pertinence de nos analyses.

Ce que le thème astral nous permet de sonder, c’est notre « ciel intérieur » tel qu’il nous prédispose à ressentir, à interpréter et à utiliser ce qui nous est donné à la naissance et ce qui vient vers nous durant les grandes étapes significatives de notre vie.

La finalité d’une analyse astrologique, en 2021 et dans une plus complète connaissance des fondements de notre discipline, c’est de mieux comprendre à quoi nous nous destinons

Considérer avec lucidité « ce à quoi nous nous destinons  »1 revient à conquérir, pas à pas, notre liberté. Celle-ci se précise lorsque nous réalisons combien nous digérons et intériorisons le monde qui « nous con – vient ».

Or, nous entreprenons généralement notre grand voyage sans en connaître les enjeux ni l’emplacement de nos propres pièces sur l’échiquier. Certes, on nous apprend beaucoup de choses durant nos études, mais pas les arcanes de l’accomplissement personnel. Voilà pourquoi il est utile de préfigurer et, ensuite, d’observer à travers nos réponses aux situations et aux événements nos propres besoins, attentes et préférences.

En fait, les événements que nous vivons composent une réalité qui dépend du comment nous les vivons et du sens que nous leur donnons.

D’où le rôle de l’astrologue : éclairer et amplifier ce sens. Celui-ci se précise en tenant compte de la dimension psychique qui sous-tend notre relation directe à la réalité.

Cette dimension se présente à la manière d’une partition ou d’une structure qui, depuis l’imaginaire, en appelle à l’éclosion de ce que nous avons de singulier.

Cette dimension psychique se superpose aux déterminants propres à notre hérédité, à notre milieu familial, à nos conditions sociales et à notre éducation.

À y réfléchir, ces déterminants nous conditionnent bien plus que l’équation inscrite dans notre thème de naissance, dès lors que cette équation désigne le processus à partir duquel nous allons utiliser les matériaux du monde (les contingences et les circonstances que nous rencontrons année après année) pour les mettre au service de notre projet intime.

Le lecteur attentif saisira que ceci remet complètement en question notre subordination aux événements au nom d’un déterminisme astrologique.

Pour évaluer justement notre rapport au monde, deux foyers d’incidences sont à analyser.

D’une part, considérer le cours des choses et des événements, dans le monde, et y déceler l’enchaînement explicable et rationnel des causes et de leurs effets.

D’autre part, comprendre notre investissement personnel au moment d’interagir avec les réalités du monde. Ce qui a un double but : séparer ce qui vient de nous et ce qui vient du monde. Ensuite, examiner si nous pouvons utiliser les circonstances comme des occasions utiles pour notre propre accomplissement.

L’analyse d’un thème astrologique conduit donc à examiner notre rapport avec les événements. Ceux-ci ne « nous tombent pas dessus », à moins que ce soit à « notre insu ». Il dépend de nous (et d’une meilleure connaissance de ce qui opère tout au fond de nous) de ne pas être plongés de force dans l’existence. Or, nous le sommes au départ, puisque dès notre naissance on nous jette dans le bain de la vie.

Dès nos premiers pas, nous ne cessons de percevoir, d’enregistrer et d’interpréter les réalités du monde. Cela constitue notre histoire. Cela délimite et caractérise aussi notre rapport singulier aux autres.

Certes, avec un peu d’attention, nous parvenons à donner du sens à notre expérience du monde. Mais celle-ci exprime rarement tout notre potentiel, car notre parcours est inévitablement conditionné par les aléas de notre histoire.

Cependant, un jour ou l’autre, nous aurons l’intuition (ou l’envie) d’un accomplissement plus complet. Ce qui souligne la responsabilité de l’astrologue : il ne peut éclairer le scénario de son consultant que dans la perspective de son vrai projet qui ne saurait être limité à ce qu’il a commencé à mettre en œuvre.

Précisons que chaque situation que nous sommes amenés à vivre n’est pas nécessairement significative. Quand le sera-t-elle et quand deviendra-t-elle une occasion ?  Elle le sera lorsque nous nous trouverons, consciemment ou non, dans une sorte d’entre-deux, à savoir là où se concrétise une réelle incidence entre telle situation (qui peut nous sembler aléatoire) et ce qu’elle sollicite en nous.

Cette réalité n’était pas évidente ou pas encore pertinente en nous et pour nous. La voici devenir un nouveau moteur. Comment se fait-il qu’elle restât en retrait et en attente ? Sans doute parce que nous ne pouvions encore la reconnaître et l’assumer.

On perçoit ainsi que la notion du potentiel recouvre deux choses différentes. Il y a le potentiel de départ, à savoir ce qui est en puissance ; et il y a ce qui est potentialisé, à savoir rendu, pour un temps, virtuel. Est ici virtuel ce qui est encore inactif et sans effet.

Entre nos potentialités personnelles et chaque situation particulière, nous pouvons nous féliciter de l’irruption du hasard qui vient nous interpeller autrement. Ce hasard ne contredit pas ici l’idée de notre projet. Au contraire, il a pour effet de le relancer vers de nouveaux possibles.

Tout ceci revient à comprendre que nous sommes continûment dans l’inter – sistence, à savoir dans l’interaction ; interaction non pas entre deux pôles, mais trois : les données concrètes du monde, nos croyances intériorisées au cours de notre vie, dès notre enfance, et puis notre ciel intérieur qui désigne notre être véritable et profond tel qu’il aspire à être, à vivre, à s’accomplir.

Dans une telle perspective, on comprend toute l’importance de l’entretien entre l’astrologue et son consultant. Il y est question d’illustrer, au moyen des symboles et en recourant à des métaphores, le projet ou le dessein qui se précisent à travers les expériences vécues jour après jour.

Analyser une carte du ciel consiste donc à la relier aux données concrètes que le consultant est seul à pouvoir décrire. De son côté, par son écoute, l’astrologue reconnaît et valide ce qui fait sens dans ce que le consultant décrit de ses expériences concrètes.

Ceci suppose de ne pas coller au premier degré des choses et de ne pas annoncer à grand fracas que telle ou telle situation était forcément et par avance requise.

L’astrologue se doit d’approfondir les « tenants et aboutissants » de chaque information reçue, tout en prenant du recul afin de mieux saisir, avec le consultant, ce qui, en chaque circonstance, lui ressemble ou non.

Considérons que, le plus souvent, nous ne sommes pas complètement étrangers à ce qui se produit dans notre vie. D’où l’utilité de distinguer les événements qui nous concernent directement et ceux auxquels nous sommes mêlés de façon « secondaire ».

Ainsi, le crash d’un avion impacte évidemment tous les passagers qui y ont pris place.

Mais cette catastrophe s’inscrit dans une trajectoire du temps collectif secondairement croisée par chaque ligne de temps individuel. Aussi cette tragédie ne peut-elle avoir la même signification pour chacun et n’est-elle pas nécessairement « signée » dans le thème de chaque personne impactée.

Dans le même ordre d’idées, il est important d’observer comment nous organisons dans notre perception du monde les figures symbolisées par les planètes. Ce sont souvent des « sous – personnalités » qui discutent entre elles. Elles découlent de nos expériences positives ou négatives au cours de notre formation psychologique.

Là où les choses se compliquent, c’est lorsqu’elles se comportent toujours de la même manière depuis notre enfance, alors que nous avons évolué et que nous sommes devenus des adultes. De nouvelles opportunités viennent vers nous, mais l’une ou l’autre de ces sous-personnalités planétaires nous susurre à l’oreille de faire attention, de ne pas prendre cette voie-là, car elle est risquée ou parce qu’elle remet en question nos acquis.

Indiquons que nous projetons souvent ces figures intérieures sur les personnes qui font partie de notre entourage. Nous connaissons bien ce processus en astrologie, par exemple lorsque nous établissons une relation symbolique entre la Lune et notre mère.

C’est bien entendu de notre mère archétypale qu’il s’agit et ce n’est que de façon secondaire que notre propre mère occupe une place significative ou non dans notre propre scénario de vie.

Voici, pour illustrer cela, une situation que je livre à votre réflexion. Il y a quelques années, une consultante me confie que sa mère est décédée six mois avant notre rendez-vous. J’observe, plus par « acquit de conscience » que par conviction, les transits supposés correspondre à ce deuil dans le thème de cette personne. Rien ! Je lui parle de cela et elle me répond : « oh ! nous ne nous fréquentions plus depuis longtemps. Son décès ne m’a fait ni chaud ni froid »2


Dans le prolongement de ce qui précède, j’illustrerai l’entretien astrologique dans le cadre de l’accompagnement d’un jeune (garçon ou fille) souhaitant un conseil quant à l’orientation de ses études ou quant à une décision relative à son avenir professionnel.

En préambule, ce qui me paraît le plus important dans le cadre d’un tel entretien, c’est moins l’idée de « la » profession ou de « la » carrière en tant que telle que la priorité donnée à l’accomplissement de soi.

Certaines personnes savent depuis leur plus jeune âge ce qu’ils veulent « faire ». On peut parler de vocation. D’autres parcours sont, disons… plus incertains et, aux yeux des autres, plus « chaotiques ».

Je ne porte évidemment aucun jugement par rapport à cela et j’estime plutôt que « le désordre des sentiments » est à observer et à entendre comme tel, tant il est vrai qu’il demande du courage et que, souvent, il suppose que l’on puisse remettre en question certaines évidences. C’est notamment le cas lorsque le jeune étudiant entend subordonner son devenir à des valeurs ou à des aspirations (parfois difficiles à cerner et à formuler), plutôt qu’à la perspective de résultats assurés.

À ce titre, il est certes plus facile (mais moins pertinent) de dire à un adolescent ce qu’il doit faire pour gagner de l’argent ou pour faire carrière, que de lui proposer d’élargir sa façon de penser et de comprendre la place originale qu’il lui revient d’occuper dans le monde.

J’évoquerai à ce sujet la pyramide de Maslow. Il y est question d’une échelle de valeurs qui nous éclairent diversement sur ce qui est essentiel dans notre « dessein » ou projet de vie : – assurer nos besoins immédiats, – ou nous faire apprécier par notre travail, – ou nous faire aimer, – ou nous accomplir en toute liberté, – ou encore donner à notre parcours de vie une dimension spirituelle.

Au moment de préfigurer notre orientation personnelle dans la vie, il convient de nous préciser à nous-mêmes le « pourquoi » mais aussi le « pour – quoi » de tel itinéraire plutôt que tel autre.

Ensuite et seulement ensuite, nous pourrons préciser le « comment » et le cursus pratique qui contribuera à nous donner les outils de base, outils qu’il conviendra encore d’adapter à notre propre main et à nos propres aspirations.

Le musicien, le peintre, le poète font l’apprentissage d’une gamme : notes, couleurs, sonorité des mots. Ils en font usage durant quelques années ; puis leur « patte » personnelle transperce le « commun » académique, de sorte qu’ils épanouissent leur propre palette.

Réussir cela n’est pas donné gratuitement au départ. C’est en nous jetant à l’eau que nous apprenons à nager. C’est en nous frottant à la réalité et en y répondant que nous découvrons, de par nos propres réponses, celui ou celle que nous sommes en potentialité.

Pendant cinquante ans, j’ai bousculé les présupposés de l’astrologie pour en retirer une idée simple à propos de la singularité de notre cheminement personnel.

Rien n’y est annoncé ni imposé. Tout y est simplement propice à développer un regard personnel quant à ce qui, virtuellement, attend au fond de nous l’éclosion de notre partition unique.

Ce qui importe au moment de nous trouver à un carrefour, c’est avant tout de donner du sens au choix que nous ferons, librement, en conscience, avec calme, sereinement.

Aucun choix ne peut être définitif ; il ne peut qu’être le premier pas d’un essai. Mais d’un premier pas que l’astrologue peut replacer dans le contexte symbolique illustré par la carte du ciel, de sorte que ce premier pas soit aussi pertinent, réfléchi et orienté que possible.

Au moment d’accompagner le sujet en recherche, le but de l’astrologue ne peut être de le rassurer ou de l’alarmer quant à son avenir, ou encore de lui indiquer une voie toute tracée, mais de le côtoyer dans une mise au clair de ce qui l’anime, parfois secrètement, souvent silencieusement.

Le cours de la vie nous aide chacun et chacune, un jour, plus ou moins tard, à avoir une vue plus englobante sur ce qui fait sens pour nous, individuellement.

Porter un regard sur notre « mythe » personnel, c’est préfigurer de façon un peu plus évidente la partition à partir de laquelle il nous revient de composer notre propre musique, ou œuvre picturale, ou légende personnelle…

C’est en cela qu’un thème astrologique devient un outil performant pour dialoguer avec celui (celle) qui a besoin de débroussailler son sentier. Parfois, il en résulte un véritable lever de soleil, les jalons sont mis en place et le chemin se précise. Parfois, quelques nuages seulement sont écartés et l’éclaircie vient un peu plus tard, lorsque le consultant est (enfin) prêt à comprendre ce qui fera bientôt sens pour lui 3.

Un tel accompagnement ne réclame pas nécessairement une analyse psychologique approfondie, celle-ci pouvant être ressentie comme une ingérence ou une intrusion. Il ne s’agit souvent que de rassembler les éléments nécessaires à partir desquels le « chercheur » se dira à lui-même et en lui-même le « pourquoi » d’un tel choix d’orientation plutôt que de tel autre.

En pratique et dans le cadre d’un choix d’étude ou d’un ajustement de parcours, il est très important, bien entendu, de dédramatiser la décision qui sera prise et de laisser à chacun le droit de se tromper, au moins une fois…

Mais alors, en quoi le « conseil » de l’astrologue peut-il être utile, dès lors qu’il n’entend pas enfermer son « client » dans une trajectoire définie par avance ?

Ce qu’on pourrait juger ici comme un manque de précision est la marque d’une neutralité.

L’objet réel d’une étude astrologique, dans le cas de figure présenté dans cette chronique, est de cerner au mieux la vraie question qui se pose, parfois en retrait des interrogations et des doutes qui se bousculent en périphérie ; et cela, dans la perspective d’un but qui donne sens à l’existence.

C’est cette perspective qui, depuis l’idée, l’image et le sens projetés devant soi, désigne, argumente et justifie rétroactivement les décisions utiles et les étapes nécessaires.

Ce qui revient, tout bonnement, à ne pas « mettre la charrue avant les bœufs »


Jacques VANAISE

Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be

C'est quoi être astrologue en 2021 ?

Sur le vif

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1 Ce qui n’a rien à voir avec l’idée d’un destin imposé de l’extérieur ou d’en haut.

2 Autre chose est de conclure que sa « mère archétypale » se porte bien…

3 Ceci souligne l‘utilité d’une analyse astrologique. Certes, il peut nous arriver de comprendre le sens et la portée de notre trajet de vie à un âge avancé, grâce à notre expérience. Mais admettons que c’est parfois un peu tard…