la Gazette des Astrologues

n°148 - Février 2017

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

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1996-2016

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Le Billet d’Humeur

Janine TISSOT

Nous venons d’entrer dans le monde singulier du Verseau, symbole même de l’indépendance. Aussi amical que radical, à la fois humaniste et rebelle il est réputé avoir toujours raison et parfois jusqu’à la mauvaise foi. Il est indissociable du grec Prométhée, sorte d’assistant social de l’Antiquité, qui dérobe aux dieux le feu de la connaissance pour le porter aux humains dans un bâton creux. Cette audace lui vaut d’être enchaîné au sommet du mont Caucase où un aigle lui dévore le foie qui sans cesse repousse.

L’histoire qui suit illustre la force des mythes qui se perpétuent sans faillir au fil de l’aventure humaine. Ainsi quand le sculpteur berlinois, Reinhold Begas réalise en 1900 son Prométhée enchaîné, il ne se doute pas quel étonnant destin attend sa colossale statue (3.8 mètres de haut et 2 mètres de large) taillée dans le marbre de Carrare. Elle est installée plus tard à quelques mètres de la porte de Brandebourg dans une cour de l’Académie des Arts de Berlin qui l’a acquise lors d’une vente aux enchères.

Le bâtiment est réquisitionné par Hitler en 1937 en vue de sa future capitale Germania. Mais quand les premiers bombardements tombent sur Berlin, le Führer songe plutôt à faire bâtir son réseau de bunkers souterrains. C’est ainsi qu’en 1943 Prométhée enchaîné se retrouve emmuré dans une sorte d’appentis en brique, coiffé d’une plaque en béton, le tout accolé à la façade extérieure du bâtiment. En mai 1945, dans Berlin qui est un champ de ruines, l’Académie est l’un des rares bâtiments à rester debout. Comme par miracle !

Quand plus tard, les Soviétiques cèdent la place à la R.D.A., Prométhée reste emmuré.

Quand le Mur se construit en août 1961, Prométhée enchaîné reste encore emmuré mais se retrouve plus seul que jamais. En effet, le bâtiment qui l’abrite est au beau milieu du « couloir de la mort »  qui longe le Mur, au plus près des champs de mines, des croix anti-chars et des patrouilles de Vopos.

Au lendemain du 9 novembre 1989, quand les Allemands escaladent le Mur, ils auraient pu tel Héraclès délivrer le malheureux Prométhée doublement privé de liberté. Quelques mois plus tard, des promeneurs curieux envahissent l’ancien no man’s land et descellent quelques briques. Mais l’Académie fait vite reboucher le trou, par crainte de dégradation mais aussi pour élucider le mystère de cette statue intrigante. Malgré la lumière faite sur l’origine de cette sculpture, Prométhée reste emmuré, en dépit aussi de la croisade d’artistes pour sa libération. Tel le Prométhée de la légende qui attend pendant des siècles la clémence de Zeus, le Prométhée berlinois n’est promis à recouvrer une totale liberté que fin 1994.

Ainsi la bêtise humaine aura infligé un demi-siècle d’internement à ce symbole de la liberté et de l’indépendance.

Gageons que Prométhée – ce martyre révolutionnaire - ne tiendra pas grief de cette infortune, car il reste toujours prêt à aider le genre humain, sentant ce qui est bon pour son devenir.

Janine Tissot

Source documentaire : Le Nouvel Observateur du 3-9 février 1996- article de Philippe Boulet-Gercourt

Les malheurs de Prométhée...