la Gazette des Astrologues

n°164 - Juin 2018

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“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

L’une des subtilités de l’astrologie est de relier ce qu’il y a en bas et ce qu’il y a en haut ; plus précisément, la part la plus subjective et la plus intangible de notre réalité vécue, et ce qu’il y a de plus mesurable et de plus prévisible dans le ciel.  

Ce qui justifie ce lien, c’est la prise en compte d’une formule assez brève, mais qui résume tout : « en fait, le ciel est au-dedans de nous… »

Certes, on peut tenter de démontrer que nous sommes étroitement dépendants du cours des astres, comme si une grande horloge tirait les ficelles, que nous le voulions ou non ; et cela, dans un rapport physique de cause à effet.

L’incidence du cycle des saisons est (évidemment) prise à témoin pour attester que nous sommes étroitement liés à notre environnement immédiat et à ses variations.  Mais nous savons aussi que si le jeu des alternances entre le printemps et l’automne, entre l’été et l’hiver, illustre à merveille nos balancements intérieurs entre le chaud et le froid, entre le sec et l’humide…, ces correspondances n’ont plus cours à mesure que l’on s’éloigne de la zone relativement tempérée du bassin méditerranéen ; là où, notamment avec Sumer, l’astrologie osa ses premiers balbutie-ments.

Quelques siècles plus tard, Pythagore présente sa fameuse théorie de l’harmonie des sphères fondée sur un univers régi par des rapports numériques harmonieux.  À la base de cette harmo-nie, une représentation géocentrique de l'univers ; mais aussi, sans doute, l’expérience de la lyre grecque qui comportait sept cordes…  En réglant en proportion rationnelle la longueur totale et vibrante de la corde, Pythagore  remarqua que les notes ainsi obtenues constituaient un ensemble harmonieux.   Inspiré par sa spiritualité (non dénuée des superstitions courantes à son époque), il en a déduit que les sept principaux corps célestes connus (le soleil, la lune et les cinq planètes) devaient également être distants de la terre dans les mêmes proportions.  Erreur qui a duré près de 2 000 ans avant que Copernic et consorts y mettent bon ordre.  Grossière erreur donc, mais réflexion métaphysique assez intéressante, tout de même, pour celui qui, regardant le ciel étoilé par une chaude nuit d’été (idéalement, dans un pays exotique) ne peut manquer de ressentir l’harmonie apparente qui préside à la course des astres …  Et de songer à l’esthétique des lois de la Nature que la science et la rationalité prétendent enfermer dans des équations froides et sans plus aucune poésie…

L’astrologie se fie-t-elle pour autant et exclusivement à cette idée d’une harmonie présidant au cours des choses ?  Elle se démarque de la seule observation du ciel et de sa mise en équation, pour se déployer avant tout dans un jeu de miroir, là où nous vivons, à chaque instant, la situa-tion de l’entre-deux.  

Cet entre-deux est celui où se précise une liaison constante entre notre vie psychique et la réalité du monde.  Ainsi, le monde nous interpelle et nous sollicite continûment.  Ce faisant, il nous incite à extérioriser peu à peu ‘celui’, ‘celle’ que nous sommes.  

Or, si ce rapport entre notre vie psychique et le monde est de nature physique, biologique et pour une bonne part psychologique, il est aussi et surtout, dans le cadre de l’astrologie, symbo-lique.  

Symbolique, principalement au moment d’agrandir notre rapport au monde, jusqu’à le recon-naître dans la dimension du ciel ; tout en se défiant de l’argument d’une causalité astrale…

Mais, tout cela, vous le savez aussi bien que moi.  

Explorons plutôt (et précisément) le monde des symboles à propos duquel nous nous plaisons, à l’envi, de discuter et de théoriser.

Premier clivage dans nos débats : tantôt le symbole astrologique est utilisé comme un code plus ou moins certifié ; code que nous manions à l’intérieur d’un système, d’une grammaire ou en-core d’un langage.  Un tel usage conduit à une description et à une interprétation de notre échi-quier astral, à la manière d’une formule, d’un codex, d’une configuration, tandis que nous sommes censés nous y reconnaître et y trouver des points de repère personnels.  Tantôt (et au contraire, ai-je envie de dire), le symbole n’est plus considéré comme étant un élément claire-ment défini à l’intérieur d’une équation, mais il rejoint la subtilité des archétypes ; ce qui sou-ligne en quoi le symbole est vivant et, comme tel, actif et agissant au sein de notre ciel intérieur.

À ce titre-là, notre vie intérieure n’étant bien entendu pas celle d’un autre, il devient ou il de-viendrait bien malaisé de nous fier à la langue subjective des symboles, dès lors que notre propre subjectivité nous autorise à en dire ce qui nous convient, faisant varier à l’infini le sens de chaque symbole pour l’adapter à notre expérience intime et à ce que nous comprenons et en disons…

Or, l’imaginaire au sein duquel se déploie le monde des symboles astrologiques nous apparaît organisé à partir des mêmes lois que celles qui organisent le ciel, sans doute parce qu’ils se sont, en quelque sorte, modélisés à partir de la géométrie du ciel.  

En pratique, la langue astrologique devient ainsi une grammaire visant  à assembler, à composer, à articuler des symboles – idées – images qui, sans la cohérence de cette grammaire, ne seraient que des parties disparates.

J’y vois personnellement l’occasion et l’outil d’une exploration de notre monde intérieur, dans le rassemblement des fragments de nos expériences éparses.  En cela, chaque fois que nous obser-vons les symboles astrologiques sollicités par notre prise de parole, lors d’une consultation par exemple, nous ne pouvons qu’être soufflés par la cohérence et l’intelligence qui s’y déploient.  

Encore convient-il de savoir comment cela fonctionne…

Bien évidemment, il ne s’agit pas de réaliser une lecture des symboles en tant que clichés ou, comme dit plus haut, en tant que codes définis une fois pour toutes.  Il est préférable de tenir compte de leur sens figuré.  La clef des symboles astrologiques est moins à rechercher dans leur fondement propre que dans la lecture de celui qui les vit.  

Autrement dit, et par exemple, le symbole nous parle moins d'un événement que de la relation que nous vivons par rapport à cet événement.  Le symbole illustre moins une situation que notre état et notre affectivité au moment de vivre cette situation.  

Ceci se comprend parfaitement lorsqu’on sait que nous ne cessons d’interagir avec le monde.  Ce faisant, chaque chose que nous percevons trouve en nous un écho.  Cet écho des choses forme notre connaissance analogique du monde.  C'est avec cette connaissance analogique que nous construisons le langage symbolique propre à l’astrologie.  Nous confondons alors le sub-jectif et l'objectif.  Nous nous reconnaissons la force du Lion ou la vivacité du Bélier.  Dès lors, nous ne tenons plus seulement, à leur sujet, un discours descriptif qui relève de la zoologie ou de la botanique,  nous parlons plutôt de l'état subjectif (de l’évocation) engendré(e) par ce sym-bole / image.

En cela, l’astrologie nous invite à tenir un discours métaphorique qui parle de notre circonstance intérieure et qui la traduit en images / symboles.  Ce qui est remarquable ici, c'est que notre rela-tion au monde n'est plus figurée par une figure arbitraire, mais par l’« objet symbole » de cette relation.

L'imaginaire apparaît ainsi comme le trajet par lequel notre représentation des choses se laisse modeler par nos états intérieurs et par lequel, réciproquement, nos représentations subjectives se fondent sur nos expériences courantes de la réalité.

L'image / symbole astrologique n'est en cela qu'un reflet de la réalité.  Elle anime un rapport entre la réalité qu'elle illustre et la parole qu'elle suscite, à propos de ce qu'elle représente.  L'image devient la métaphore du lecteur lui-même, à savoir de celui qui, à partir de l'image / symbole, prend la parole pour se dire des choses à lui-même, à propos de la réalité et à propos de son rapport à la réalité.  

Ce qui suppose que le lecteur ne se limite pas au premier sens de l'image, mais qu'au contraire il ne cesse, à partir d'elle, d'extrapoler et d'imaginer (de mettre en image).

Finalement, on le voit bien, l'image / symbole ne se contente pas de désigner : elle exprime.  Elle signifie.  Elle vit.  Elle interroge notre conscience.  

Constater, en  astrologie, la portée d'un symbole revient à reconnaître qu'il « opère » en nous, à travers le jeu continuel d'un aller-retour entre ce qu’il montre et ce que cela évoque au fond de nous.

L'image / symbole n'est donc pas tenue de « coller » à la réalité.  Elle n'est pas une photographie.  Son rapport au texte, à la parole, au récit, explique, avant tout, la transposition d'une ambiance, d'un sentiment, d'un état d'âme.

En fin de compte, les symboles astrologiques ne sont pas destinés à décrire, à classer ou à fixer, mais ils sont appelés à suggérer, à rêver, à imaginer.  Les contenus apparents existent, certes, mais pas comme thèses, savoirs, doctrines, argent comptant ; plutôt en tant que noyaux sensibles sur lesquels peut s'exercer notre prise de parole.

Fort bien ; tout cela vous le savez évidemment (et aussi tout aussi bien) que moi…  

Il subsiste cependant la grande inconnue : comment établir et démontrer objectivement que les configurations du ciel sont « à l’image » de notre ciel intérieur… ?

Par-delà notre pratique (et donc notre propre expérience) qui nous fait (font) dire « cela marche »… il subsiste le grand mystère de la relation entre ce qu’il y a de plus assuré dans le cours des planètes et ce qu’il y a de plus subjectif tout au fond de nous…

Et vous…  qu’en pensez-vous… !?



Jacques VANAISE

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Sur le vif

La chronique de Jacques Vanaise  (1er juin 2018)