la Gazette des Astrologues
n°176 - Juin 2019
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
1996-2016
la FDAF a
“Sur le Vif”
La chronique de
Jacques VANAISE
Chers amis astrologues, nous voici au lendemain du scrutin européen (en Belgique, nous en avons eu trois : l’Europe, le Fédéral et les Régions).
À l’heure d’écrire ce « Sur le vif », les résultats sont connus. Mais mon propos n’est pas de faire le bilan de ces élections, ni de m’aventurer dans l’examen des configurations astrales supposées justifier le succès de tel parti et l’échec de tel candidat.
En revanche, il me semble important de considérer en quoi l’astrologie nous conduit à interroger le monde « tel qu’il va » et à saisir ce qui fait sens dans le cours des choses.
Comme j’ai tenté de le dire (et de l’écrire) plus d’une fois, si l’astrologue n’aborde pas la trame des changements aussi bien dans la vie des personnes que dans l’évolution des sociétés, …alors, qui le fera ?
Notre « métier » ne rejoint-il pas celui des sociologues et des psychologues, mais aussi des philosophes et des poètes, chaque fois qu’ils nous invitent à prendre de la hauteur ? Constatons cependant que leurs analyses et leurs mises en alerte sont souvent des cris perdus dans le désert, recouverts par le bruit des machines qui supplantent ce qui palpite au cœur des hommes et des femmes de notre temps.
J’ai découvert tout récemment un terme que je ne connaissais pas : la collapsologie… Ce néologisme concerne l'étude de l'effondrement (pour d’ici une dizaine d’années) de nos systèmes alimentaires, énergétiques et sanitaires. Il devrait en résulter la fin du monde tel que nous le connaissons.
Au cours des siècles, l'histoire a montré l'écroulement de civilisations successives. Cela se produit généralement sur plusieurs décennies. Aujourd’hui, on n'exclut pas un effondrement brutal, tant la mondialisation de l'économie de l'information et de l’usage des ressources pourrait accélérer une telle dynamique de « rupture ».
Si cette chute est imminente et inévitable, il nous revient à chacun de faire le point, de voir où nous avons fait fausse route et aussi, et surtout, de préparer le lendemain.
Pour les collapsologues, une telle « apocalypse » (une telle « révélation ») est le moment charnière d’un cycle. La chute doit idéalement permettre de reconstruire une nouvelle (et meilleure ?) société.
Je devine que l’usage du mot « cycle » suscite votre attention et éveille votre intérêt.
En tant qu’astrologues, nous savons que rien n’est définitif. Nous sommes chacun le produit tout relatif d’un processus d’émergence psychique, d’une croissance psychologique et d’un accomplissement humain.
Un tel processus n’est pas toujours évident et il ne convient pas, au moment de le scruter, d’être pessimiste ou optimiste, mais lucide.
En quoi cela nous concerne-t-il ?
En tant qu’astrologues, notre rôle ne saurait se limiter à décoder les situations journalières de nos contemporains. Il est bon que nous dépassions (aussi) le premier usage de nos outils symboliques.
Pourquoi rappeler cela, après avoir épinglé la mise en abîme de notre histoire collective ? Laissons de côté les disputes entre partis aussi bien que les coalitions qui dessineront demain le nouveau paysage des instances européennes. Tentons plutôt de replacer les décisions politiques et économiques qui devront (qui devraient) être prises dans l’axe d’une autre dimension, celle des fondements mêmes de notre humanité.
Après quatre milliards d’années d’évolution de la vie organique, l’homme est devenu l’acteur du progrès. Il a conquis, pense-t-il, la liberté de forger ses systèmes sociaux, culturels et politiques.
Or, ces systèmes sont moins durables que les déterminants biologiques. Car si le monde animal est, pour l’essentiel, soumis à ses gènes, l’homme, au contraire, se dote d’une tâche autrement plus incertaine : se prendre en charge et définir les normes susceptibles de poursuivre l’évolution dite « naturelle ».
Le paradoxe est que l’homme plonge pourtant ses racines dans le cours infini de l’évolution. En effet, qu’il le veuille ou non, l’homme reste dépendant des lois fondamentales de l’univers. Pas sûr qu’il s’y réfère pour autant lorsqu’il s’agit de légitimer ses décisions.
En ce début de millénaire, l’humanité s’est libérée à la fois des lois naturelles et des doctrines religieuses. Elle entend donc infléchir son futur comme cela lui convient. Jusqu’à ce qu’elle redécouvre l’utilité, lorsque ce futur devient incertain, de prendre de la hauteur pour mieux évaluer le cours des choses.
Posons-nous donc la question : notre avenir est-il devenu incertain ?
Reconnaissons que le cours de l’histoire est sorti de ses rails de sécurité. Les indices ne manquent pas : des crises économiques et monétaires d’une amplitude inégalée, des États réfractaires au projet européen, des vagues migratoires sans précédent, des crépitements terroristes, des retours en force des nationalismes et des intégrismes.
Voyons-y la marque d’un bouleversement dont il convient de prendre la mesure. Comment le faire, si ce n’est en prenant suffisamment de recul ? Or, c’est le contraire qui se passe, nombre de stratégies, aussi bien sociales, politiques que commerciales s’investissant dans l’immédiat.
Comme astrologues, à moins que nous nous contentions (nous aussi) de décliner notre grammaire symbolique dans le court terme de nos consultations, nous nous devons de mettre en perspective le chemin de chaque homme et de chaque femme, mais aussi le parcours de l’humanité dans son ensemble. Ce qui suppose que nous (re)partions de ces questions qui sont essentielles : pourquoi un univers plutôt que rien ? Et aussi : quel rôle aussi bien personnel que collectif nous revient-il d’y jouer ?
Ceci doit (devrait) nous incliner à une autre question tout aussi essentielle : existe-t-il dans l’univers un projet susceptible de nous inspirer un idéal, une ligne rouge, un chemin ?
Pendant des millénaires, les dieux et les légendes ont structuré les sociétés humaines. Puis, la raison a renversé les idoles et libéré les hommes du joug des lois souveraines supposées produire de l’ordre.
Dès lors, à défaut d’une loi transcendante et à moins qu’il ne décide de jouer à l’apprenti sorcier, l’homme n’a guère le choix. Il lui faut prendre ses propres responsabilités afin de baliser sa nouvelle liberté d’action.
Or, cela n’est pas évident, l’homme étant désormais juge et partie.
En ce début d’un nouveau millénaire, le progrès des sciences pourrait nous faire entrer sereinement dans une ère de prospérité réfléchie et partagée. Or, si l’économie de marché s’est imposée un peu partout sur la planète, c’est souvent en nivelant l’apport et la diversité des cultures. C’est aussi en accentuant les inégalités sociales.
D’autres alarmes nous interpellent : les glaciers fondent, l’Union européenne s’avère être un édifice bien fragile et les systèmes démocratiques sont tournés en dérision.
Comment gérer désormais notre nouvelle liberté, plus aucune consigne supérieure ne nous prescrivant une conduite, une direction, voire même des valeurs ?
Pour combler le vide laissé par la récusation d’une métaphysique descendue du ciel, nous voici tentés par un nouveau culte rendu à l’humain lui-même, dans la valorisation de ce qui le différencie de toutes les autres formes de vie.
L’homme serait-il subitement devenu plus humain et plus raisonnable ? Ses pulsions de vie et de mort sont-elles mieux jugulées ? Une nouvelle sagesse gouverne-t-elle ses décisions ?
On peut évidemment en douter et les exemples ne manquent pas. Nous pouvons en effet nous demander si l’humanité peut se prévaloir d’un réel progrès, au vu de la barbarie dont elle fait preuve, ici ou ailleurs, et dont elle ne s’est pas encore amendée.
Relevons encore que si l’humanité constitue désormais une seule civilisation, les religions continuent, comme par le passé, à la fractionner en camps hostiles.
Finalement, c’est peut-être à tort que nous pensions nous être totalement libérés du fondamentalisme.
Aurions-nous été trop vite en besogne ? Avons-nous jeté le bébé avec l’eau du bain ? Aurions-nous confondu le poids des religions et notre besoin de reliance ?
Bien entendu, nous avons eu raison de réfuter l’idée d’une explication souveraine répondant à toutes nos angoisses. Mais, si nous avons bien fait de contester le dictat d’une équation absolue, devions-nous pour autant rejeter, dans le principe, l’équation spirituelle elle-même ?
Comment nous situer par rapport à ces quelques interrogations, en tant qu’astrologues ?
Notre pratique se fonde sur la parole originaire conservée dans les vieilles traditions et dans les anciens mythes. Notre responsabilité est là d’écouter la parole enfouie dans la mémoire des hommes, mais recouverte par l’immédiat et le court terme.
Ce faisant, il nous revient d’entendre le déclic d’une autre serrure, d’un autre engrenage, dans l’idée d’une nouvelle émergence, non dans la quête de nouveaux continents à explorer, mais dans l’ouverture d’une plus subtile dimension, à l’intérieur même de l’homme.
Comme astrologues, et notamment parce que nous observons le déploiement psychique de chaque personne, nous savons bien que le monde est un chemin, non un but en soi. Ce n’est pas une destination, c’est un premier pas. Mais c’est un premier pas incertain, voire périlleux, dès lors que le voyage n’est pas tracé par avance, surtout si le sens à donner à notre vie s’est éloigné de notre cœur, comme la mer se retire et met le sable à découvert…
Non, rien n’est écrit par avance, mais beaucoup peut se lire, s’écouter et se voir, par exemple en tendant l’oreille et en lisant entre les lignes, comme nous le faisons en décryptant la partition de notre vie.
En tant qu’astrologues, nous le savons bien : le temps des hommes a beau sembler être linéaire, l’humanité progresse à travers de grands cycles et par à-coups. À chacun de ces cycles correspond une nouvelle vision du monde.
Nous sommes humains depuis des millénaires, mais notre humanité n’a cessé de se modifier. Chemin faisant, les hypothèses et les interprétations se sont compliquées en raison même de l’évolution de la pensée et des techniques ; évolution aussi bien du sujet qui se met en recherche, que de l’objet qui se complexifie, notamment à mesure que l’homme agit sur le monde et le transforme.
Au cours de nos consultations astrologiques, mais aussi lorsque nous prenons la peine de prendre de la hauteur et de nous faire un peu plus philosophes, nous constatons qu’un désaccord existe assez régulièrement entre notre ancrage matériel dans le monde et nos interrogations à propos du sens de la vie.
L’histoire des hommes est jalonnée de ces moments singuliers. Voyons-y la concrétisation d’un processus. À travers la croissance des arbres s’exprime symboliquement l’espérance qui nourrit la pensée humaine. Lorsque le fruit est mûr, il inaugure une nouvelle page de l’histoire.
Faisons ici le pari audacieux de considérer une impulsion qui nous vient d’un ailleurs, et aspirons à l’effet salutaire d’une induction provenant de l’intérieur…
Cette induction opère depuis l’inconscient collectif qui est à la fois universel et infiniment habillé par les particularités de chaque lieu et de chaque culture.
Nous interroger sur ce qui nous relie à notre ciel intérieur, c’est à la fois observer la réalité concrète et vivante de notre propre échiquier de vie et tenter de franchir la porte de l’indicible. C’est constater qu’œuvrer ne saurait consister à produire et à fabriquer indéfiniment.
Aujourd’hui les sciences les plus pointues, comme la physique quantique ou l’astrophysique, nous conduisent à la fois à réhabiliter et à reconsidérer autrement notre discipline séculaire qu’est l’astrologie. Elles nous désignent plus que jamais notre filiation avec le déroulement extraordinaire de l’histoire cosmique.
À ce cosmos qui nous a accouchés répond l’immensité de l’imaginaire collectif dont nous sommes aussi les héritiers. Sur la subtile frontière qui met en parallèle les deux continents de la matière et de l’esprit se précise le rapport particulier qui fonde notre humanité et dont s’occupe précisément l’astrologie.
Les pages de l’histoire des hommes sont d’innombrables événements. Au moment d’en parcourir les chapitres, un trajet se devine, avec ses cris de douleur et ses spasmes de joie.
Sans relâche, les hommes écrivent leur histoire sur de nouvelles pages blanches. Au bout du compte, au centre des gris et des couleurs, un dessein finira bien par se préciser.
Puisse notre composition aussi bien individuelle que collective, en fin de compte, signifier quelque chose dans l’immense rumeur du monde.
Il y est peut-être question de réussir le huitième jour de la création.
Jacques VANAISE
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Réussir le huitième jour...
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