l’Astro Gazette de la FDAF

n°196 - Février 2021

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

Billet d’Humeur

Marie-Paule
BAICRY

Configurations planétaires.


En ce début de mois de février 2021, la conjonction Saturne Jupiter qui s’est formée en décembre 2020 à 0°30 du Verseau, est accompagnée dans ce signe par Mercure (depuis le 8/1/2021), le  Soleil bien sûr (depuis le 19/1/2021), et enfin Vénus (à partir du 1/2/2021). L’occasion de nous pencher sur ce signe, d’autant que cet amas de cinq planètes va se désolidariser, au cours du mois, de Pluton en Capricorne qui jusque-là en faisait partie et le colorait. Notons néanmoins qu’après cette séparation d’avec Pluton, c’est Saturne qui va colorer l’amas.

Or, si Saturne est maître du Verseau, il l’est aussi du Capricorne. De plus, en 2021, il sera en conflit (en aspect de carré, exact le 16/2, le 25/9 et le 27/10/2021) avec Uranus, deuxième maître du Verseau qui poursuit sa route en Taureau. Autrement dit, les deux maîtres du Verseau sont en conflit, ce qui accentue la tension inhérente à ce signe, par essence contradictoire avec ses deux vagues  et ses deux maîtres aux caractéristiques si différentes.  Saturne, dernière planète du visible, principe de réalité, de conservation, de structuration ; Uranus, première planète de l’Invisible, principe de créativité, d’innovation, et par voie de conséquence de rupture et de déstructuration.

Le mythe de la castration d’Ouranos par Cronos-Saturne est donc plus que jamais d’actualité. Mais comme j’ai déjà abordé ce sujet, je renvoie le lecteur intéressé aux articles publiés sur mon site1. Nous allons nous concentrer aujourd’hui sur un autre mythe relatif au Verseau, celui de Ganymède. Et en ces temps particulièrement bousculés, je vous propose d’essayer d’approcher plus particulièrement son aspect lumineux, celui qui pourrait nous aider à prendre un peu de hauteur et à travailler à l’élévation de notre propre conscience, au service de l’élargissement de la conscience collective. 


Le mythe de Ganymède.


Fils du roi Tros et de Callirhoé, le jeune Phrygien était le plus beau des mortels. Un jour, alors qu’il gardait les troupeaux de son père2, ou qu’il chassait les cerfs dans les forêts de l’Ida3, Zeus le vit et immédiatement s’éprit de sa beauté. Aussi décida-t-il d’enlever le jeune garçon et de l’emmener chez lui. Pour ce faire, il se transforma en aigle et, fondant sur le bel adolescent blond, le saisit dans ses serres crochues et l’enleva. En vain ses compagnons levèrent-ils leurs mains vers le ciel et sa meute se mit-elle à aboyer.

Aussitôt arrivé dans l’Olympe des dieux, Zeus fit de Ganymède son échanson : honoré par toute l’assemblée céleste, il puisait le nectar dans un cratère d’or, et versait aux dieux et dans le Ciel le breuvage d’immortalité.

Cependant, Tros, ignorant en quel lieu la tempête avait emporté son fils, éprouvait un chagrin profond et ne cessait gémir. Le dieu de l’Olympe eut pitié de lui et lui offrit en échange des coursiers rapides immortels destinés à porter les dieux. L’on évoque également le don, via Hermès, d’un cep de vigne en or, œuvre d’Héphaïstos4. De plus, le messager des dieux lui annonça que son fils était maintenant immortel lui aussi, éternellement jeune, et donc définitivement à l’abri des infirmités de la vieillesse.

Aussitôt, Tros ressentit en son âme une immense joie et, dans son bonheur, poussa dans la plaine ses coursiers aussi rapides que le vent5. L’image de Ganymède fut placée dans le ciel sous la forme de la constellation du Verseau.


Pistes d’interprétation.


Si le mythe de Ganymède est parfois associé à la pédérastie, certaines versions relatant des relations sexuelles entre Zeus et l’adolescent, il s’agit de replacer ces pratiques dans leur contexte. Etymologiquement le mot de pédérastie vient du grec pais, enfant, et erastès, amant6. Mais dans l’Antiquité, la pédérastie constituait une sorte d’initiation, un rite de passage entre l’enfance et l’âge adulte, un enseignement qui se plaçait autant sur le plan philosophique, poétique, scientifique, littéraire que sexuel. En quelque sorte, l’adolescent était préparé à devenir un homme viril et un bon citoyen7.


Beauté de l’âme.

Mais au chapitre VIII de son Banquet, Xénophon fait dire à Socrate que Zeus n'a pas enlevé Ganymède pour son corps, par amour physique, mais pour son âme et sa sagesse, donc par amour spirituel. Ainsi écrit-il8 :

« Ganymède a été transporté dans l'Olympe par Jupiter moins à cause de son corps que de son âme. Son nom même en porte témoignage : il y a quelque part dans Homère :

Il est ravi d'entendre.

Autrement dit : il se plaît à entendre ; et ailleurs :

..... Et dans son cœur sont de prudents desseins,

Ce qui veut dire qu'il a l'âme pleine de sages résolutions. C'est de la réunion de deux mots grecs signifiant ravi et desseins que se compose le nom de Ganymède ; et ce n'est pas parce qu'il a un corps charmant, mais un charmant esprit, qu'il est honoré par les dieux. »


Ainsi, le mythe de Ganymède constitue pour nous un enseignement quant à ce que le Verseau peut nous apporter au niveau le plus élevé. C’est par la beauté de l’âme du jeune homme que Zeus est attiré, par son écoute (il se plaît à entendre) et sa pureté, par sa sagesse et son élévation intérieure. Sa jeunesse elle-même, que le dieu rendra éternelle, peut être vue comme un pouvoir de régénération.


Berger ou chasseur de cerfs.

En tant que berger, Ganymède guide son troupeau, c’est-à-dire qu’il a une fonction protectrice en même temps que fédératrice, voire d’éclaireur et de chef spirituel, acteur d’une mission sacrée9. Continuellement en état de vigilance, il veille. Symboliquement, il est donc éveillé ; il « voit » et, de ce fait, est comparé au soleil qui voit tout et au roi (remarquons qu’en face du Verseau se trouve son complémentaire, le Lion, dont le maître est le Soleil). Par ailleurs, c’est grâce à sa connaissance qu’il est capable de protéger son troupeau : il sait ce dont ses animaux ont besoin, observe le ciel, prévoit le temps, discerne les bruits, entend venir le loup et reconnaît le bêlement de la brebis en danger ou égarée. Il apparaît donc comme un sage dont l’action relève de la contemplation et de la vision intérieure10.

Chasser aussi est une activité symbolisant la quête spirituelle et relevant d’un véritable travail initiatique. La chasse requiert de nombreuses qualités telles la persévérance et la patience, la régularité, la discipline, le courage, la maîtrise des forces sauvages. Chasser le cerf, c’est accepter d’entrer dans la forêt de l’inconscient et de s’ouvrir, là encore, au monde de l’âme qu’il représente ; et suivre, comme cet animal, son chemin personnel et singulier en ne comptant que sur soi-même.


Rapt par l’aigle.

La beauté de Ganymède réside donc avant tout dans ce chemin initiatique parcouru, grâce au développement de ses qualités les plus élevées qui lui permettent d’entrer dans sa royauté intérieure. Zeus reconnaît l’aboutissement de ce travail et élève l’adolescent dans son monde de transcendance et d’immortalité auquel, de fait, il appartient déjà. En se transformant en aigle pour opérer le rapt de l’enfant, il lui tend en quelque sorte un miroir de sa puissance, de son aptitude à unir les plans terrestre et céleste, de son élévation spirituelle. Libre, capable d’atteindre les hauteurs les plus élevées, l’oiseau de Zeus dispose d’un champ de vision exceptionnel et, qui plus est, est le seul oiseau à pouvoir regarder le soleil en face. Aussi est-il associé à la perception directe de la lumière, à la clairvoyance et à la transcendance.


Verseur d’eau vive.

Arrivé dans l’Olympe, Ganymède devient l’échanson des dieux, qui représentent symboliquement nos qualités les plus élevées. C’est lui qui aura mission de les nourrir en versant une eau vive immatérielle s’écoulant à jamais de son vase, comme un trésor d’énergie spirituelle qui nous est offerte en abondance, comme un élixir de vie issu du Ciel.

Car les cadeaux de Zeus au père éploré de l’adolescent nous montrent que cette coulée de Ciel versée par Ganymède ne se répand pas seulement dans les hauteurs de l’Olympe, mais a des conséquences jusque sur la Terre, jusque dans le monde émotionnel évoqué par le chagrin de Tros. Le cep de vigne en or fabriqué par Héphaïstos traduit le chemin de métamorphose que représente le forgeron des dieux qui purifie et transforme le minerai grossier en merveilles. Tandis que la vigne renvoie à la fécondité jubilatoire de Dionysos, le dieu du vin, qui instantanément éveille la joie dans l’âme du père. Les coursiers quant à eux, sont des montures divines qui suggèrent que l’Homme se laisse guider par sa part la plus lumineuse.


Devenons des Verseurs d’eau vive !


Cette période très marquée par l’énergie du Verseau est propice à un travail sur l’élévation de notre conscience à la hauteur de l’aigle de Zeus. Comme Ganymède l’initié11, il s’agit de se « plaire à entendre », de rechercher la « beauté de l’âme » en y développant « de sages résolutions » et en les mettant en œuvre. C’est-à-dire de mener à bien une quête de Connaissance, spirituelle, propre à développer l’acuité de notre regard et de nos perceptions sur les situations problématiques que nous traversons individuellement et collectivement, à accroître notre clairvoyance, nos vertus de régénération, notre puissance de sublimation. En quelque sorte, il est question d’avoir soif de l’eau vive immatérielle versée par l’échanson des dieux, et de nous abreuver à cette source lumineuse si féconde ; puis de devenir nous-mêmes de petits Ganymède verseurs d’une coulée de lumière propre à éclairer d’une façon nouvelle une voie semblant parfois être sans issue.

L’accroissement du champ de conscience de quelques-uns n’est-il pas susceptible de s’étendre à d’autres ? Et à travers la constitution d’un réseau de Verseurs d’eau vive, d’élever petit à petit la conscience collective ? Sans doute de quoi finir par trouver et appliquer des solutions respectueuses de l’Humain et de la Vie à tous les problèmes cruciaux que nous traversons.

Marie-Paule BAICRY

1er février 2021

03.88.64.10.88

Consultations et accompagnement.         

Cours d’astrologie et Ateliers de méditation.

marie.paule.baicry@gmail.com

https://www.mariepaulebaicry.fr/

Tous droits réservés.

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Images :

1 et 2 : Cathédrale de Chartres (photos Baicry).

3 : Jupiter métamorphosé en aigle, enlève Ganymède, gravure de Charles-Dominique-Joseph Eisen, XVIIIe siècle.

4 : Thorvaldsen, Ganymède et l'aigle (marbre), 1817.

5 : Plafond cathédrale Albi (photo Baicry)

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1 Je renvoie le lecteur aux articles :

https://www.mariepaulebaicry.fr/wp-content/uploads/2020/06/AR-Uranus-Saturne-partie2.pdf

https://www.mariepaulebaicry.fr/wp-content/uploads/2020/06/AR-Uranus-Saturne-partie3.pdf

et à la vidéo : https://www.mariepaulebaicry.fr/produit/conference-quand-le-ciel-etoile-rencontre-le-minotaure/

2 Ovide, Métamorphoses.

3 Virgile, Enéide V 252…

4 Athénée : Les Déipnosophistes, De l’amour, Livre XIII, Ganymède. http://remacle.org/bloodwolf/textes/courtisane18.htm

5 Hymne homérique à Aphrodite¸ 202-217.

6 Wikipédia.

7 Selon : https://lesamoursdezeusenimages.wordpress.com/2015/04/23/ganymede-et-zeus-ou-la-pederastie-grecque-illustre/

8 Xénophon, Banquet, VIII : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/xenophon/banquet.htm#60a

9 DSMC

10 Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Bouquins.

11 Le bonnet phrygien avec lequel il est souvent représenté symbolise cette initiation.

Devenons des Verseurs d’eau vive !