l’Astro Gazette de la FDAF

n°196 - Février 2021

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

« Au commencement », nos ancêtres ont pensé que les forces qui régissaient le monde étaient le fait de puissances extérieures et surnaturelles.

Ce n’est que bien plus tard que l’homme comprit que sa première pensée archaïque, fondatrice de ses croyances, était le produit de sa propre psyché et de ses projections sur le monde.

On peut penser que parmi les hominidés, et surtout à partir du moment où ils avaient développé un langage pour échanger entre eux, les plus intuitifs ou les plus avertis prirent la parole et gagnèrent ainsi progressivement en autorité. Ce qui les encouragea à inventer et à instituer des gestes, des formules et finalement des rituels susceptibles d’obtenir la faveur des dieux.

Ces premiers magiciens, sorciers, chamans et autres prêtres furent à l’origine des cultes et des religions. Il en a souvent résulté, de leur part, une prise de pouvoir et l’instauration de croyances, de doctrines et de dogmes.

On peut y reconnaître les premiers pas de l’astrologie. Car nos lointains prédécesseurs ont probablement inscrit leur pratique dans un monde sacralisé, à savoir dans une dimension sur-naturelle régentant l’expérience humaine et contrôlant la succession des phénomènes.

Parfois, ils prétendirent être détenteurs d’ultimes secrets. Cette ambition subsiste dans certaines pratiques, là où l’astrologie valide un protocole qui tient bien plus de la divination et de ses dérives, que d’un exercice raisonné de notre outil symbolique, avec les réserves que son usage requiert.

Aujourd’hui, l’astrologie nous permet avant tout de comprendre notre rapport au monde et aux autres. Elle s’apparente à une sorte de phénoménologie visant à expliquer le mystère de notre venue au monde. Étant entendu que cette « venue » ne se limite pas à notre naissance, puisqu’elle suppose un patient travail de construction de soi, en existence.

Cette entrée en existence nous fait souvent penser, à tort, que la plus grande partie de nos déterminants sont extérieurs : milieu social, éducation, héritages divers, rôle décisif des événements ; au risque de nous soumettre à eux et donc de vouloir les cerner par avance ; non pas pour savoir comment nous pouvons déployer notre singularité, mais pour découvrir « ce qui va se produire et nous arriver ».

Certes, nous ne percevons plus cette relation étroite aux « choses de la vie » comme le faisaient les premiers hommes. Nous savons désormais que si le soleil se lève, c’est parce que la terre tourne sur elle-même. Nous savons aussi que nous sommes chacun le lieu d’un théâtre intérieur et que c’est de ce côté-là que nous pouvons explorer ce qui « nous signe ». Nous savons encore que le ciel n’est habité par les dieux que parce qu’il s’agit d’un ciel imaginaire, miroir de nos sentiments, de nos élans aussi bien que de nos peurs.

Il n’empêche, nous aspirons encore à nous prémunir, autant que possible, des forces secrètes attribuées à une dimension magique de la réalité, alors même que son centre de gravité s’est déplacé progressivement, jusqu’à se trouver au cœur de notre vie psychique.

Mais qu’advient-il de ce que nous projetions autrefois dans le ciel, jusqu’à le sacraliser dans des images, des récits et des croyances ?

Aurions-nous perdu le contact avec la dimension spirituelle de la vie, au point d’être réduits à notre seule réalité biologique, psychologique et sociale ?

Admettons tout d’abord que nombre de démarches spirituelles ont été l’occasion de clivages entre ceux qui disent et ceux qui écoutent, entre ceux qui savent et ceux qui ignorent, entre les prêtres et les profanes, entre les clercs et les laïcs… Un tel face-à-face se retrouve jusque dans la pratique de l’astrologie lorsque le praticien s’octroie le beau rôle : je sais et je vais tout vous expliquer…

Dans nombre de religions qui prétendent régenter notre spiritualité, la séparation entre le sacré et le profane se reconnaît dans une fracture entre ceux qui décrètent les interdits et ceux à qui ces préceptes sont dictés.

Dans le cadre de l’astrologie, il ne s’agit évidemment pas de nous prescrire à chacun une marche à suivre (un destin). Nous sommes plutôt invités à franchir progressivement tous les seuils qui nous éloignent de notre propre vérité intime.

Ce cheminement peut avoir un caractère quasiment initiatique. Or, cette exploration de soi-même réclame une connaissance aussi claire que possible de la méthode utilisée. C’est ainsi que le praticien astrologue se doit, idéalement, d’expliquer à son consultant l’essentiel de la langue symbolique à laquelle il a recours, afin de lui permettre de s’approprier ou d’écarter le miroir qui lui est présenté.

Gardons à l’esprit cette évidence : l’astrologie comme toute autre démarche symbolique, sociale, philosophique, psychologique ou religieuse, se réclame (elle aussi) d’un courant culturel particulier et, plus fondamentalement, d’une Tradition.

Le praticien aussi bien que son consultant se doivent d’en saisir les arcanes, puis de se les approprier et enfin de les dépasser, ce qui revient à déceler, par-delà les mots, les idées, les gestes, les images, les récits et les métaphores proposés, le caractère universel de notre part individuelle d’humanité.

Comme toute autre tradition, l’astrologie apporte utilement son lot de réflexions et d'approfondissement, à condition d’y reconnaître un moyen ou un outil et de ne pas nous enfermer dans son système.

L’astrologie est forcément colorée par les données du lieu et de l’époque où elle s’élabora ; alors même que, par-delà ses arcanes, ses théories et ses techniques, elle rend aussi compte d’un arrière-plan universel susceptible de nous transcender.

Cette ouverture ou cette allusion à ce qui relève de l’universel pourrait nous incliner à attribuer une dimension quasiment sacrée à l’astrologie.

Or, nous ne pouvons pas confondre le caractère sacré de la vie avec les symboles, les images et les récits que les traditions humaines n’ont pas manqué de sacraliser.

Le « sacral » n’est pas sacré en lui-même ; il ne l’est que par le sens et parfois le pouvoir que l’homme lui donne, de même que par l’attitude que les praticiens, les philosophes et les prêtres, mais aussi les adeptes, prennent à son égard.

Constatons tout simplement que les mythes ont eu pour but et pour résultat de sacraliser les dieux qui, pourtant, n’étaient et ne sont que des figures plus ou moins anthropomorphisées. Ce qui indique comment celles-ci font partie de notre monde, dans son espace-temps, à savoir de ce côté-ci de l’ultime frontière par-delà duquel il n’y a, précisément, ni espace ni temps, ceux-ci étant « apparus » à l’origine de toute chose.

C’est évidemment dans cet « en-deçà » (qui n’a rien à voir avec le supposé « au-delà » situé hors du champ de la vie) que se situe la dimension (mais peut-on encore parler de dimension ?) du sacré. Quant à la spiritualité, elle est le moyen et le chemin qui, dans l’axe de ce qui nous transcende (ou, plus modestement, nous dépasse), nous permettent insensiblement de donner du sens.

Donner du sens ne veut pas dire trouver LE sens.

Chaque chemin est différent et doit être tracé « à nouveau » par chacun d’entre nous, accompagné par ceux (et celles) qui n’ont accompli, devant nous et avant nous, que quelques pas de plus…

Aucun chemin n’est identique à un autre, puisqu’il s’agit pour chacun de partir à la recherche de sa propre part de vérité ; alors même que le cours de la vie nous conduit à vouloir anticiper ce à quoi, insensiblement, nous nous ouvrons, tandis que nous ne pouvons au départ totalement appréhender ce qui est et parfois reste le grand mystère de notre propre existence.

Ce chemin, nous le savons, est inévitablement conditionné par notre héritage génétique, par les circonstances de notre venue au monde et par notre potentiel psychique mis en équation par l’astrologie.

Devons-nous ou pouvons-nous espérer changer d’itinéraire, alors que celui-ci n’est qu’un moyen pour nous accorder à notre dessein intime ? Dans « La Recherche du temps perdu », Proust écrit : « Le seul véritable voyage, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux ».

En cours de route, il nous revient de donner sens à ce qui vient à notre rencontre.

Aspirer à donner sens à notre vie, en relation à notre équation psychique reçue en héritage et telle que l’illustre l’astrologie, c’est tenter de nous recentrer en un point d’équilibre, là où se complètent ce qu’on appelait autrefois le corps et l’âme, et qu’il conviendrait mieux, sans doute, de caractériser par le biologique et le méta – biologique, le physique et le méta – physique, le corps et la psyché…

C’est sur cette subtile frontière que se déploie notre propre histoire parmi les hommes, en un lieu et en un temps particuliers.

Il subsiste bien entendu, dans la dimension du sacré, un « je-ne-sais-quoi » qui est transcendant, à savoir qui dépasse l’entendement et qui souvent introduit la notion d’un au-delà trop souvent hypostasié (autrement dit, conçu comme une réalité concrète, en un lieu défini) ; alors qu’il y est question d’un rapport entre l’existence et l’essence de chaque chose.

Osons le dire : notre expérience de la vie ne saurait être circonscrite à la seule réalité tangible du monde ; il nous faut aussi appréhender (répétons-le) en quoi nous participons à quelque chose qui nous dépasse.

Or, l’astrologie nous replace dans l’axe de ce qui, en nous, est immanent. Il y est question d’un processus qui nous conduit à penser autrement notre marche progressive et à authentifier chacun de nos pas.

Est ici immanent tout ce qui en appelle à un mode d’emploi et à une logique d’intention. De même qu’un itinéraire est la rencontre entre un mouvement et un paysage, de même le processus de l’immanence met en chantier une dynamique entre l’intention initiale (le ciel) et les circonstances de notre vie.

S’il convient d’espérer en notre part d’humanité individuelle, c’est donc en nous reliant à l’immanence de ce qui se prépare en nous et à travers nous.



Jacques VANAISE

Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be

Astrologie, psychologie et spiritualité

Sur le vif

«…Nous sommes chacun le lieu d’un théâtre intérieur.»

«Donner du sens ne veut pas dire trouver LE sens»

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1 Ce qui me fait penser que « notre » astrologie nous convient, tandis que d’autres symboliques (astrologie chinoise, astrologie aztèque) ne sont pas censées faire écho en nous. C’est une question de culture.

2 C’est ainsi qu’une église ou un temple peuvent être désacralisés.