la Gazette des Astrologues

n°184 - Février 2020

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

Accueil. "Sur le Vif". Billets d'Humeur. Calendrier ASTRO. Astro & Livres. les Actus DN. Ateliers, conférences.... Divers.

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Mais pourquoi me nomme-t-il ainsi : « le fils spirituel » ?

Il est vrai que…, j’ai beau me prendre parfois pour un extraterrestre, moi aussi je dois la vie à mon père et à ma mère.  Il n’empêche, j’ai le sentiment fort et net de devoir me forger par moi-même.  

Cela ne m’intéresse pas d’incarner le passé, d’être le jalon d’une lignée, de sauvegarder un héritage.  

Certes, merci papa ! merci maman ! pour la terre glaise sans laquelle je n’aurais pu « venir au monde ».  

Oui ! merci papa ! merci maman ! pour cette chair qui me fait exister sur le bord du monde. Mais mes pensées, mes élans et mes orages, je les veux miens, je les veux libres ou, du moins, j’entends les libérer, dussé-je rester adolescent toute ma vie.  

Étrange sensation de devoir, malgré tout, jouer un rôle sur la scène du monde.  

Ce n’est pas tant le fait de jouer qui me pose problème ; c’est plutôt de devoir être compréhensible pour les autres.  

Très tôt, je me suis senti comme le noyau caché sous la pulpe d’un fruit. J’ai dû, comme tout le monde, me frotter à la réalité, voie indispensable pour prendre corps.

Mais je savais bien que ce n’était qu’une première étape, question de m’exercer à l’usage de mes instruments.  

Bien vite, je me suis observé en train de jouer un personnage, tout en prenant de la distance. À la manière d’une caméra, je focalisais mon attention sur le décor et sur les acteurs avec lesquels il me fallait dialoguer, sans trop savoir s’il y avait un metteur en scène.

Je découvris bientôt que, venir au monde, c’est immanquablement être dans la dualité. C’est sortir de l’UN. Je devais « entrer en existence », dès lors que seule l’expérience du monde me permettrait de forger en moi le seuil à partir duquel je pourrais commencer à conquérir ma liberté.

Bien souvent, je m’amuse encore à regarder le monde comme si j’en étais séparé.  

Je me penche légèrement en avant, les yeux ouverts et en veillant à ne pas avoir mes épaules dans mon champ de vision.

Après quelques secondes, je perçois qu’au centre de mon visage, ma vision est un vide béant aussitôt empli par ce qui est là, devant moi. Là se forment mes perceptions.

Elles sont autant de bourgeons où se conjuguent l’infinité de mon monde intérieur et la surabondance du monde extérieur.

Là, ce que je vois, ce que j’entends, ce que je touche, ne m’est pas tout à fait présent. Je n’y crois qu’à moitié. Je sens alors peser sur moi quelque chose d’enfermé que seul mon envol délivrera.

Narcisse, j’aime le monde et je suis d’accord avec lui…, lorsqu’il acquiesce à ce que je suis et à ce que j’aime…

Pour prendre mon envol, il me faut être libre.

Or, c’est précisément ma liberté qui est malade.

J’ai donc décidé de la conquérir en me délivrant, pour commencer, de cette petite voix ironique qui me critique et me paralyse. Et aussi en prenant de la distance par rapport à moi-même, après avoir brouillé les pistes pour éviter les intrusions extérieures.

Je découvre alors mon île, unique entre toutes. Là, je n’ai rien à perdre. Là, je peux tout risquer.

À cheval entre deux mondes, je rêve de pouvoir aller au-delà des apparences et de trouver la réponse à la question qui me hante : qui est l’ordonnateur de tout cela ?

Hanté par cette inconnue, j’ai progressivement compris que ce n’était pas mon personnage que je devais remettre en question, mais ce qui le détermine. Il me faut impérativement réinventer ma propre carte du monde.

Vais-je ainsi, enfin, être libre, comme je l’entends ?

La fausse puissance de mon esprit me fait oublier que je ne règne encore que partiellement sur mes impulsions, mes désirs, mes attirances. Tout cela me fait vivre en dents de scie. Cette ligne brisée caractérise mon parcours et je ne puis que l’interrompre brièvement, désespérément.

Refusant toute violence, je ne me sens pas la force de donner le coup de barre sanglant qui me délivrerait une fois pour toutes.

Je me suis souvent donné la misérable excuse que si mes pensées sont faibles et dépendantes, c’est parce que j’y vois le moyen de me connaître, de me reconnaître, dans l’action, au milieu des autres. Mais le goût de l’intensité ne peut venir de là. De grandes soifs, par éclairs soudains, voilà ce qui me fera renaître, remis à neuf.

Toute vision profonde et fulgurante ne peut être que lucidité et précision, pour sonder la plaie existentielle. Ainsi s’ouvrent les portes du temps. Ainsi vient la vraie puissance. Oui, le monde est là, devant moi, mais c’est mon regard qui en décide. Là, je préfère l’insatisfaction à la banalité. Là, j’aspire à redonner à l’instant son prix, aux matins leur lumière, aux réalités partielles leur évidence, à chaque homme son cri.

Tout cela me rend tantôt dangereusement solitaire, tantôt savoureusement fraternel. À l’ami, au frère, en miroir, je peux tout dire. Ce tête-à-tête a un goût de gémellité.

Là, dans le miroir idéalisé, ma propre image me demande de le rejoindre. « Que dois-je faire ? » me demande-t-elle ? Elle attend. Je dois agir. J’examine ma silhouette. Je n’y vois qu’un étranger. Mon esprit est ailleurs. « Qui es-tu ? ». Je l’interroge, je m’interroge, personne ne répond. « De quel droit as-tu créé cette distance ? » Pas de réponse.

L’image du miroir est indépendante. C’est un autre moi-même qui me regarde et qui s’éloigne déjà. J’avance. J’enfonce les mains dans une lumière à l’intensité variable. L’image se débat. Je resserre mon étreinte. Je tiens mon semblable. Je vais enfin le connaître. Mais tout se brouille et je me réveille, en sueur. Ce n’était qu’un rêve.

Le monde s’est reconstitué autour de moi. Je n’ai pu encore m’engendrer moi-même, en esprit.  e reste le fils d’un autre. Je suis comme ceux que je croise, comme ceux qui jouent leur rôle, machinalement.

Pourrai-je un jour partir d’un point zéro ? D’une sorte de page absolument blanche ?

Tout est encore désordre et je m’accroche sensoriellement à la réalité factice du monde pour conserver un peu de matière à travailler.

Quand pourrai-je renoncer au bonheur du coucou niché dans le nid d’une histoire qui n’est pas la sienne ?

Me fixer un itinéraire, un chemin, un but ? C’est déjà circonscrire les conditions de mon envol.

Si au début du périple, je réclame un résultat avec impatience, je me prive de l’inattendu. Le cri de liberté, s’il vient, ne sera qu’un cri.

Il me faut conjuguer réalisme et démesure, assurance et basculement.

Alors…, oui ! fils prodigue ; oui ! mais pas fils d’un autre…

Comme au premier matin du monde, dans la puissance ouranienne du ciel, il faut beaucoup de doute et de chaos en soi pour accoucher d’une étoile…


Jacques VANAISE

Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be

Le Verseau : le fils spirituel

Sur le vif

“la Gazette des Astrologues”, la newsletter des membres de la FDAF - www.fdaf.org - mail : FDAF@fdaf.org

Conformément à l’article 34 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification des données nominatives vous concernant.
Si vous souhaitez vous désinscrire, cliquez ici