la Gazette des Astrologues

n°149 - Mars 2017

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Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

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“Sur le Vif”

Jacques VANAISE

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jacques.vanaise@skynet.be

Marc Brun m’a proposé de rédiger pour la Gazette une chronique régulière.

J’ai choisi de l’intituler « Sur le vif ».

« Sur le vif » nous fait évidemment penser à quelque chose qui est capturé dans l'instant, dans les conditions du réel, sans retouche…  

N’est-ce pas ce que nous faisons en « capturant » l’instant d’une naissance, pour en dresser le thème astrologique ?  

N’est-ce aussi ce qui caractérise chacune de nos rencontres et de nos interactions au cours de notre vie, chaque fois qu’une situation nous interpelle, nous sollicite, nous met parfois « à vif », tout en nous donnant l’occasion de découvrir en nous une aptitude nouvelle ou de remodeler une ancienne réponse au jeu de la vie, à la faveur d’un événement qui n’est pas une fatalité, mais bien mieux une opportunité ?

Plus singulièrement, dans cette chronique, mon intention est de saisir « Sur le vif » (autour de nous et en nous-mêmes) des indices susceptibles d’être approchés, éclairés, détaillés sous l’angle particulier de l’astrologie.  Et de le faire à la manière du Candide de Voltaire ; à savoir en osant questionner nos évidences ; en usant au besoin du « poil à gratter » pour relancer nos interrogations à propos du monde, et cela…  du point de vue astrologique… 


Mon premier « Sur le vif » se saisit d’une question : existe-t-il un lien entre le dernier livre de Michel Onfray : « Décadence » ; et la décomposition de « la gauche » un peu partout en Europe ?

J’insiste sur l’orientation de mon propos : je n’entends nullement le situer au niveau d’une analyse politique (par trop opportuniste ou délicate, à la veille de l’élection présidentielle en France), mais plutôt considérer que, comme astrologues, ou sympathisants de l’astrologie, et compte tenu de notre observation du « temps qui passe » et qui colore différemment chaque étape de la vie collective des hommes, notre attention est requise à partir de la perspective symbolique qui nous anime.

Cette perspective symbolique ne prescrit nullement un cours obligé de l’histoire des hommes, mais nous incite à y rechercher du sens et à y décrypter une logique d’évolution, parfois d’alternance, souvent de mutation, dans les grands mouvements de l’histoire.

Pour situer le discours de Michel Onfray, je me limiterai à indiquer sa vision apocalyptique de l’effondrement de la «civilisation judéo-chrétienne» qui a forgé l’Occident pendant deux mille ans. Un effondrement dicté, selon lui, par la menace de l’intégrisme musulman tout aussi bien que par les errements du christianisme.  

C’est une thèse provocante, sans doute affaiblie en raison de l’option résolument athée du philosophe. En effet et déjà, à peine publié, le livre d’Onfray est critiqué à cause de la partialité de son analyse.  

Il ne me revient pas de le critiquer à mon tour, ou de le défendre.  Je ne fais que prendre « Sur le vif » cette actualité « littéraire » pour rejoindre, sans détour, cette autre réflexion à propos de la déliquescence de la gauche.  

Encore une fois, je ne me situe nullement au niveau d’un débat politique, mais plutôt d’une interrogation sous l’angle astrologique.

Vous ne me démentirez sans doute pas sur ce point : l’astrologie nous instruit des grands cycles de l’histoire humaine.  Cela doit nous inciter à situer l’époque que nous vivons dans le fil rouge des cultures et des traditions à travers lesquelles se réalise la lente montée inscrite dans notre humanité.  Car j’aime considérer que l’humanité de l’homme est encore et toujours en projet.

En ce qui concerne l’histoire des hommes, chaque façon de voir l'univers succède à une autre.  Depuis 5000 ans domine en Occident la trinité Père, Fils et Esprit.  En nous référant à la précession des équinoxes, nous disons volontiers : Bélier, Poissons, Verseau

Or, si les Testaments nous disent l'arrivée des différents dieux et leur marche vers un sommet, ils ne parlent pas de leur entrée en sommeil, durant les périodes rationalistes.  D’où, périodiquement, comme aujourd’hui, un monde en désarroi et sans avenir ; un monde qui s'enferme dans le « progrès » matériel linéaire, jugé inéluctable.

Parce que je m’adresse ici à des astrologues, je ferai l’économie d’une longue introduction à cette référence directe au temps du Verseau.  Comme moi, vous ne pouvez manquer de décoder le monde « comme il va » en prenant un peu de recul en vue de récolter des fragments ; ce qui, en le mettant bout à bout, et en leur appliquant le symbolisme astrologique, fait de nous des observateurs privilégiés.

J’irai droit au but.  Si le temps du Verseau est celui de l’Esprit, celui-ci n’est plus du seul ressort des dieux, comme autrefois, et alors même que les intégristes entendent nous faire revenir à la loi implacable d’une transcendance.  C’est désormais chaque homme qui doit vibrer d’une impatience nouvelle, de sorte que chaque vie accomplisse à sa façon le chemin des hommes…

Dès lors, ce qui porte en avant le cours (osons le mot) de la civilisation et des phénomènes culturels et sociaux, ce n’est plus l’addition des individus à travers ce qui leur est commun et ce qui les assemble dans une communauté, voire une collectivité.  C’est au contraire l’appropriation par chacun de sa propre histoire.  On peut en relever un exemple dans la victoire de la démocratie libérale à l’Est, là où le « collectivisme » (qu’il nous plaît à relier au symbolisme des Poissons) cède devant une époque qui glorifie les libertés individuelles et le bonheur privé.

Or, cette échancrure dans la volonté d’uniformisation des genres a rapidement été happée par la société de consommation.

À l’équilibre de la terreur d’une loi unique (et inique), forme dictée par un seul dieu ou un parti dominant, et que les fanatiques verraient bien reprendre la direction des hommes ; mais aussi à côté d’une résurgence de la guerre froide et d’un réarmement éhonté des états, cohabite un ordre mondial digne du Far West où le « chacun pour soi » l’emporte sur les logiques de groupe (l’installation de Trump à la Maison-Blanche en étant l’image – et malheureusement pas seulement l’image – parodique).

Il y a là comme une déviance du concept même de liberté des vainqueurs et des vaincus.  Il y a surtout les perdants de la mondialisation vite récupérés par les sirènes des extrémismes qui nous font oublier les valeurs essentielles d’une vraie civilisation : solidarité, confiance les uns dans les autres, bienveillance, émulation…

L’Esprit des Lumières, souvenons-en, auraient pu préfigurer le Temps du Verseau…  Mais l’idée même d’un État démocratique, régulateur et redistributeur, tel qu’il s’est progressivement mis en place au gré des réformes (et la Réforme protestante en est un exemple) s’est trouvée contestée par les politiques et surtout par les économistes et les financiers, au nom d’une liberté qui n’est pas la liberté de tous, mais la liberté du plus fort, de l’entreprenant, voire du téméraire.  Ainsi est récusée l’idée d’égalité des chances : un pur produit de l’esprit des Lumières.  En un funeste contrepoint qui n’a rien de musical, s’impose et s’universalise la « libre » compétition entre individus aspirés par le cercle fermé et élitiste du « chacun pour soi »…

Je ne sais pas vous…, mais moi tout cela me met « à vif ». Non dans le négativisme ou le découragement, mais en raison même de cet autre regard que nous incite à prendre l’astrologie.  

Tout est-il perdu !?

Nous pouvons penser que nous sommes dans une impasse ou, au contraire, que nous sommes confrontés à une transition vers un nouveau modèle de société, alors même que nous ne pourrons y accéder qu’après une phase plus ou moins longue de dysfonctionnements.

Le mot « crise » convient-il pour désigner cette étape ?  On le reconnaît dans les stades critiques de la vie naturelle : éclosion de la chrysalide, éclatement du bourgeon.  On songe aussi à la crise de l’adolescence…  

L’utilisation abusive du mot « crise » se réclame d’une attention prioritaire accordée à l’économie : nos sociétés feraient face à une période temporaire de dysfonctionnements économiques qu’il suffirait de résoudre pour retrouver l’équilibre antérieur.

C’est là négliger une autre analyse : celle d’une mutation profonde de nos sociétés et qui en appelle à des transformations aussi fondamentales que celles (c’était hier…) de la transition de la société agricole à la société industrielle.

Les mutations sociétales de ces dernières années ont détruit une grande partie de nos repères et l’homme est (ou devrait être) plus que jamais « en recherche de sens ».  

Mais encore convient-il d’ouvrir nos œillères, d’élargir nos horizons, d’accepter la différence, toutes les différences, chacune d’entre elles nous suggérant une autre réponse à la question du poète : « est-ce ainsi que les hommes vivent… ? »  

Depuis les origines, la lumière luit dans les ténèbres, mais les ténèbres ne savent comment la comprendre.  Il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut point voir ;  il n’y a de pire sourd que celui qui ne veut entendre… Or, comme le dit un proverbe africain, lorsque le serpent change de peau, il est aveugle.  Accepterons-nous d'entreprendre le douloureux travail de deuil indispensable pour enterrer l'Ancien Monde et pour nous ouvrir à de nouvelles perspectives ?  

En attendant, les mouvements populistes exploitent notre désarroi et notre fragilité, leur pain quotidien consistant à user d’arguments simplistes et à susciter la confrontation.  Allant jusqu’à confondre l’égalité des différences avec l’égalitarisme qui, à son tour, génère l’intolérance…  D’où un sentiment illusoire d’identité qui ne manque pas de renforcer face aux boucs émissaires, l’image de soi-même se cristallisant  par opposition à “l’autre” présenté comme un ennemi.

Comment réagir et comment contrer ces mouvements ?

Où trouver le levier qui doit apporter de l’air aux racines de notre « aspiration à être » et comment nous en servir, sans écraser les surgeons d’autres rêves, d’autres espaces, d’autres utopies ?

Chaque fois que l’homme se pose la question du sens, il réanime l’espoir d’un pas en avant.  

Comme astrologues, nous n’en avons pas seulement les moyens, nous en avons aussi la responsabilité.


Jacques VANAISE


Sur le vif