l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

Billet d’Humeur

Jupiter exalté en Cancer

Annick
PINEAU

La prochaine Nouvelle Lune du 26 juillet, à 18°02 du Cancer, aura lieu au sesquicarré croissant de Jupiter rétrograde à 1°35 des Poissons. Ses périodes de rétrogradation invitent à une remise en ordre intérieur concernant notamment la place que nous occupons en ce monde, que ce soit dans le milieu familial, social, professionnel ou autre.

Pourquoi remise en ordre? Zeus combat les générations précédentes, les Titans, car il aspire à mettre en place un ordre nouveau, basé sur la raison et dans lequel chacun occuperait le territoire pour lequel il est compétent. C’est cela l’ordre jupitérien: chacun à sa place. Les nombreux enfants de Zeus sont en fait destinés à occuper des positions stratégiques pour assurer cette nouvelle organisation.

Ainsi, durant le mouvement rétrograde de Jupiter chacun est invité à s’interroger sur la manière dont il se déploie: quel territoire, quel statut, quel espacedévelopper nos ressources ? Est-ce que nous nous sentons en ordre sur ce plan où bien en souffrance de ne pas occuper notre juste place ? Ou bien sommes-nous pris dans des rôles de composition qui nous ne ressemblent pas?

Ce dernier point rejoint la notion de persona, concept de C.G. Jung, qui revêt deux dimensions : d'une part  une interface de communication par laquelle nous nous ouvrons au monde extérieur et d'autre part les postures que nous adoptons pour dissimuler  les aspects de nous-mêmes qui ne correspondent pas, selon nous, aux attentes d'autrui. La persona, est donc ambivalente puisqu'à la foi elle permet de nous inclure parmi les autres et en même temps elle nous en préserve.

Ce masque identitaire constitué par rapport aux valeurs du collectif ambiant, est nécessaire tant qu'il ne tient pas lieu d’identité, tant que nous ne cherchons pas à être «’un» au dehors parce que nous croyons être «» à l’intérieur.

Lors des rétrogradations de Jupiter nous sommes invités à approfondir cette ambivalence de la persona, entre ouverture et dissimulation. Le 20 août prochain aura lieu l'opposition Soleil/Jupiter, moment propice à un état des lieux sur ce plan.

Jupiter est exalté dans le Cancer: l’exaltation est comme une promesse soumise à condition.

Nous sommes d’abord invités, dans la mise en œuvre de l’énergie Cancer, à accueillir Mars et Saturne qui qui s’y trouvent respectivement en chute et exil.

Cela passe par le fait de définir ce qui est porteur de croissance (Lune) et de s’y tenir. Ce qui suppose de consentir à vivre des temps d'arrêt, des pauses permettant de se recentrer vers l’intime de soi. Ce processus de recentrage – une façon de faire le tour du propriétaire, en soi -, a besoin d’être décidé volontairement mais en prenant l’initiative d’aller chercher ce qui est bon pour lui, le Cancer part à la rencontre de Mars qui semble sommeiller dans ce signe mais qui, une fois reconnu, peut révéler le courage moral et la ténacité nécessaires pour se dégager des cordons psychiques.

A partir du moment où Mars est accueilli, il devient possible, dans le temps, de bâtir des fondations particulières clairement définies avec des contours nets et précis. Cela passe par le renoncement à tous les possibles - une sorte de contention qui fait sortir du monde des illusions - pour focaliser l’énergie dans une direction singulière. Ce qui amène à reconnaître Saturne comme un guide intérieur. Mais sans oublier que ce guide est appelé à muer régulièrement sous peine de se transformer en gardien de prison. Car le Cancer, instinctivement, peut se réfugier derrière ses murs habituels alors qu’il est appelé sans cesse à abandonner sa maison, sa carapace,  et donc à vaincre pas à pas son appréhension de voir son monde s’écrouler.

Ce processus d’intégration de Mars et de Saturne, dans l’énergie Cancer, se décrit en quelques lignes mais nous savons qu’il demande beaucoup de temps. Le rythme de ce signe n’est pas toujours facile à comprendre, le crabe vit à moitié sur terre et à moitié dans l’eau, chaque étape de progression concrète est précédée d’une phase de stagnation apparente. C’est une nécessité pour lui.

Donc plus nous partons à la reconnaissance de Mars et de Saturne, présents dans les ressources du Cancer mais accessibles seulement au fil du chemin, plus nous nous rapprochons des promesses  de l’exaltation de Jupiter. C’est-à-dire la possibilité de se développer notre espace individuel en toute autonomie.

Ce qui est promis par Jupiter passe par la notion de territoire: quand le Cancer devient acteur (Mars) et peut établir le périmètre (Saturne) répondant à ses besoins (Lune), il émerge un espace d’expérience (Jupiter) qui est sécurisé puisqu’il est clairement borné. Le domaine au-delà duquel nous ne sommes pas encore prêts à nous aventurer est identifié.

Si nous avons déterminé nous-mêmes nos limites territoriales (rien n’est figé bien sûr) alors nous pouvons y accueillir autrui sans craindre d’être envahi ou chassé puisque la notion de frontière est clarifiée. Nous pouvons ouvrir notre maison pour laisser entrer autrui sans lui demander d’abandonner ses particularités sur le seuil de la porte, la différence n’est plus un obstacle et les ressources d’hospitalité du Cancer peuvent enfin s’épanouir.

Une fois que cette fondation intérieure est posée, nous  pouvons aussi nous aventurer hors de nos espaces habituels car le monde extérieur devient moins dangereux dés lors que l’on est conscient de ses limites. En fait, c’est quand il ignore son seuil de tolérance que le Cancer a tendance à se replier, percevant le monde coupé en deux : les environnements connus et les milieux étrangers donc menaçants.

La notion de territoire, chez nous humains, comporte des aspects bien concrets. Ce que l’on nomme «personnel» est une portion d’espace qui nous entoure et dont la pénétration est ressentie comme une intrusion ou une promiscuité déstabilisante. Le territoire s’étend aussi aux lieux sur lesquels on estime avoir autorité (son bureau, son parking…), à tout ce qui nous appartient en propre et dont nous considérons légitime d’avoir seul l’usage: notre chambre, notre brosse à dent, notre carte bleue, etc. Mais il y a aussi des aspects plus symboliques comme le jardin secret, notre imaginaire, nos rêves, tout ce qui relève de l’intimité.

Lorsque le Cancer a établi les pourtours de son territoire, il a fixé la ligne de partage et il y se sent légitimement installé. A l’extérieur de sa limite il y a la vastitude du monde qui ne lui appartient pas mais à l’intérieur de son cadre il est chez lui, il est au bon endroit, il est rassemblé intérieurement.

La rétrogradation actuelle de Jupiter peut poser ces questions :

Pour nous astrologues, l’exaltation de Jupiter en Cancer peut faire réfléchir sur la manière dont nous nous situons dans le monde de l’astrologie, la place et le statut que nous occupons, les contours de notre activité, notre champ de compétences, les demandes auxquelles nous pouvons ou non répondre, etc.

Tout cela renvoie à ce qui est suggéré dans les pages précédentes : établir notre place spécifique en tant qu’astrologue suppose de tracer une ligne de démarcation qui nous situe dans notre particularité.  

L’exaltation de Jupiter dans le Cancer questionne aussi notre posture lors d’un entretien astrologique.

Carl Rogers évoquait l’importance de «vers»  3 attitudes fondamentales : congruence, regard positif inconditionnel, compréhension empathique.

Nous connaissons l’importance du cadre, mais celui-ci dépend du contour que nous donnons à notre activité, c’est un contenant qui reflète la clarté de nos frontières intérieures évoquées plus haut.

Si nous-mêmes sommes ancrés, établis dans notre place spécifique avec précision, l’atmosphère de tranquillité qui règne alors en nous génèrent une qualité d’accueil propice pour qu’une relation commence à s’établir. La congruence est un état interne dont découle un accord intérieur  (je suis à ma juste place) en relation souple avec ce qui se passe à l’extérieur. Cela peut aider à sentir, par exemple, la différence entre l’attitude du consultant et son langage émotionnel parce qu’il y a une circulation fluide entre notre ressenti et ce qu’exprime le consultant.

Si nous ne sommes pas en congruence nous sommes éloignés de notre ressenti et donc de notre capacité d’évaluation interne. Dans ce cas le consultant ne pourra pas non plus trouver son propre accord interne si l’astrologue ne l’a pas en lui. Si le consultant, avec sa réceptivité, ressent une incohérence intérieure chez l’astrologue, alors il risque de laisser de coté son propre ressenti parce que son attention sera attiré par ce que qui se passe chez l’astrologue.

Carl Rogers disait qu’oser la congruence  serait faire confiance aux ressources du consultant.

L’ambiance chaleureuse, la sérénité de l’astrologue permettent au consultant de se livrer en toute sécurité et d’aller chercher des ressources en lui. Cette  tranquillité résulte de la qualité du confort intérieur que l'énergie Cancer nous enseigne.

L’astrologue offre au consultant un espace ouvert avec en général un agencement en face à face qui confirme l’égalité entre chacun et facilite un partage actif. Mais s’il n’est pas «» érieurement dans sa «d’astrologue» - et cela seul donne la légitimité - il y a le risque, même à son insu, de se décentrer, d’en faire trop, de vouloir convaincre, de débattre, d’attendre du résultat. Il peut y avoir un risque de pression, d’intrusion, de part et d’autres.


Il ne faudrait jamais oublier la dynamique inconsciente qui œuvre en souterrain lors d’un entretien.

Sans ce socle intérieur solide sur lequel chacun peut s’appuyer et qui se constitue dans les énergies du Cancer et permet de se situer «son territoire», comment se mettre au service de la relation dans une présence totale mais légère, une attention constante sans être envahissante, une disponibilité qui n’attend rien du consultant? C’est que Carl Rogers appelait le «regard positif inconditionnel», qui n’a pas de «» sur l’autre et qui l’accueille dans sa totalité.

Cela nous renvoie, d’une manière générale,  vers le carré entre Cancer et Balance dans le zodiaque : comment engager un relation équitable si nous n’avons pas connaissance de notre sphère intime, de l’espace que nous pouvons partager, du seuil à ne pas franchir ? Comment respecter cela chez l’autre si nous ne le respectons pas chez nous ?

Le regard positif inconditionnel suppose une acceptation globale du consultant, avec l’enjeu de le reconnaitre en tant qu’entité distincte. Il faut être «dans sa place» pour accueillir sans apriori le monde inconnu qu’il pose devant nous, laisser nos propres valeurs de côté et partir de son cadre de référence sans chercher à introduire en lui ce qui ne s’y trouve pas mais en l’aidant à identifier les ressources enfouies. Ce n’est pas si simple.

L’empathie, toujours selon Carl Rogers, se conjugue avec la congruence et le regard positif inconditionnel.

L’empathie est le processus de développement d’une attention vigilante à l’autre et à soi-même aussi, notamment l’écoute de notre ressenti corporel qui peut guider dans les échanges et permettre de repérer ce qui résiste en nous. Encore faut-il que, grâce au Cancer, nous ayons appris à entrer en rapport avec ce ressenti. Cette écoute profonde, réceptive au monde émotionnel du consultant et adaptée à son rythme, peut l’aider à devenir empathique pour lui-même.

Là encore, le fait d’être bien posé intérieurement permet d’accepter nos limites puisqu'il est impossible de se mettre «à la place» d’autrui et de saisir totalement ce qu’il expérimente. «à sa place» suppose déjà de s’en être donnée une, bien définie, comme nous l’avons évoqué tout au long de ce texte.  Connaitre les limites de son propre espace permet de partager la souffrance d’autrui mais  tout en s’en dissociant, empathie ne voulant pas dire fusion. Éviter le fusionnel serait rester fluide sans s’entremêler avec l’autre. Un peu comme l’eau et l’huile qui s'interpénètrent mais ne se mélangent pas.

C’est pour cela que l’état de cohérence interne qui résulte du fait d'être bien installé dans son territoire (espace physique, psychique, compétences) avec la conscience des balises à ne pas franchir permet de rester «». Nous ne le sommes plus si nous nous immergeons dans les troubles du consultant. Nous ne pouvons être empathique que dans l’altérité. Celle-ci émerge lors des différents stade de l’évolution psychique mais le Cancer est fortement questionné à ce niveau parce que l’altérité nous interroge sur la place que nos schémas intérieurs nous autorisent à prendre et aussi la place que nous laissons aux autres. La conscience de l’altérité psychique est une signature de la maturité psychoaffective : nous retrouvons ici l’enjeu de maturité porté par Saturne en exil dans le Cancer.

Annick PINEAU

www.entreombreetlumiere.com

Nouvelle Lune du 26 Juillet à 18°02  du Cancer

Les phases principales
du cycle Soleil/Jupiter