l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

n°206 - Décembre 2021

Billet d’Humeur

Ivan
HÉRARD-RUDLOFF

En consultant le thème de naissance de Sophie Marceau, j’ai été interpellé par la conjonction exacte de son Ascendant et d’Uranus. Le signe ascendant étant le signe qui se lève à l’horizon au moment de la naissance, on peut considérer que l’Ascendant, point fictif, représente la venue au monde de l’individu, symbolise son incarnation sur Terre. Quant à Uranus, il s’agit d’une planète lente dont la durée de révolution zodiacale, 84 ans, est réputée recouper celle d’une existence humaine. Il y a donc quelque chose de troublant à ce que la vie de l’actrice démarre par cette conjonction qui, au-delà de la simultanéité fusionnelle de deux facteurs du thème, donne l’impression de redoubler la notion-même de naissance individuelle. Certes, pour tout nouveau-né, la fonction uranienne ‘entame sa marche’ à partir d’un emplacement donné du Zodiaque et en fera le tour complet, au rythme d’un signe tous les sept ans environ, en libérant sa signification de changement de Maison en Maison. Mais, dans le cas de Marceau, la valorisation si forte, dite angulaire, d’Uranus à l’Ascendant détermine sa vie : non seulement il s’agit d’une personnalité uranienne, mais les transits uraniens de conjonction (parmi les plus puissants) seront – pour employer le vocabulaire idoine – explosifs2.

Nul n’ignore que la vie de Sophie Marceau a connu un tournant en 1980, l’année de ses 14 ans : celle qui grandit à Gentilly auprès d’un frère et de parents de condition modeste interprète, avec un naturel confondant, une lycéenne de la bourgeoisie parisienne, et se trouve propulsée, dès la sortie de la première Boum, idole des jeunes. Pour une adolescente partie gagner de quoi s’acheter une mob’, il y a là quelque chose du destin qui se manifeste : 14 ans évoque le sextile croissant d’Uranus, or son thème en traçait d’emblée plusieurs : Uranus sextile Neptune, le Soleil, Mercure et Vénus. Un amas planétaire en III qui, lorsqu’Uranus le transiterait par conjonction entre fin 1979 et fin 1981, ne pouvait manquer de ‘dépoter’, de provoquer de l’inédit dans son environnement, ses relations : c’est à une sociabilité accrue et un changement socioculturel que l’actrice est confrontée. « Le succès [du film] a été une déflagration. A 14 ans, c’était violent de connaître une telle notoriété. Cela a été un grand bouleversement au sein même de ma famille et on s’est tous un peu perdus là-dedans [Neptune entré en IV, carré Saturne et les maîtres de III]3». Heureusement, l’éducation reçue lui avait assuré des repères stables : « J’avais un cadre [Lune Capricorne en IV]. Sans ça, j’aurais pu partir en vrille. Mes parents m’avaient donné des bases solides, simples, parfois un peu pesantes, mais qui avaient le mérite d’exister. On est poli, on range sa chambre, on ne s’écoute pas trop, on est dur avec soi-même. On aime le travail bien fait et on respecte les autres ». Responsabilisée tôt, consciente précocement de la valeur du travail (Ascendant et Mars Vierge), Sophie Marceau partait dans la vie ‘la tête sur les épaules’ et ‘les pieds sur terre’, expliquant en partie sa longévité dans le cinéma. Ses premiers entretiens (1981) attestent sa stupéfiante maturité, sa lucidité autant que son sens de la formule qui ‘décape’ (Mercure Scorpion sextile Mars-Uranus-Pluton) : -sur la politique : « Ils racontent tous la même chose, mais pas sur le même refrain » ; -sur l’argent : « Quand on rentre dans le mécanisme de l’argent, on devient de vrais robots » ; -sur la drogue : « Ils planent quelque temps, mais il faut bien atterrir » ; -sur son avenir : « Il peut y avoir des déceptions ». En 1999, elle aura cette boutade : « Il y en a qui vont voir des psychanalystes, moi je fais des interviews, c’est gratuit et, en plus, il y a de jolies photos qui vont avec ! ».

Lancée, la carrière de Sophie Marceau connaîtra une avancée notable en 1993-1994 : d’héroïne éponyme de Fanfan (adaptation du best-seller d’Alexandre Jardin) et de la fresque nationale La Fille de d’Artagnan (Tavernier), elle est choisie pour incarner Isabelle de France dans le Braveheart de Mel Gibson. L’heure du trigone d’Uranus, transitant en conjonction la Lune en IV : après avoir consacré sa popularité auprès des spectateurs de son pays, il la dévoile au public mondial sous les traits d’une figure de l’Histoire française.

Au phénomène La Boum s’ajoute le bouleversement de la rencontre, également en 1981, avec Andrzej Zulawski, son futur compagnon et père de son fils : tant le Soleil que Neptune, maître de VII, sont touchés par le transit de conjonction d’Uranus, qui reproduit le trigone à Saturne en VII, maître de V. Si cet homme de vingt-six ans son aîné a la réputation d’être un cinéaste exigeant, cela n’est pas pour effrayer l’actrice : ses archétypes masculins stipulent la recherche d’un homme intense (valeur Scorpion) et artiste (valeur Poissons), ses attentes d’une personnalité sans concessions (Lune noire), d’un instructeur (Chiron) et, potentiellement, d’un partenaire plus âgé (l’une des significations les plus immédiates d’un Saturne en VII). Le terme de ‘Pygmalion’, apparu de toutes parts pour qualifier leur relation, fut approuvé par l’actrice elle-même : avide de connaissances, elle souhaitait rencontrer un mentor qui fasse son éducation culturelle. Zulawski la poussera à peindre, écrire (un roman en 1996, Menteuse), réaliser ses propres films (avant que La Fidélité ne devienne leur ultime collaboration en 2000, cette relecture contemporaine de La Princesse de Clèves aurait pu être le premier film de Marceau) ; en somme, à s’accomplir artistiquement, à son égal. Si Zulawski ‘cochait toutes les cases’, leur séparation était pourtant une étape uranienne sans doute nécessaire pour permettre à l’actrice de s’émanciper. Sans surprise, elle en prend l’initiative à un âge uranien : c’est à 35 ans (quinconce d’Uranus à lui-même) que, coup double, elle met fin à cette relation longue et réalise enfin ce premier film qui maturait en silence (comme en atteste son court-métrage de 1995 L’Aube à l’envers, qui n’était pas sans similitudes) : Parlez-moi d’amour (2002), fruit mûr d’un processus uranien de prise d’indépendance, donne à voir le point de vue de l’actrice sur son histoire personnelle, l’érosion d’un couple qui rappelle celui qu’elle formait avec Zulawski.

Compagne d’un nouvel homme (le producteur américain Jim Lemley), mère pour la deuxième fois d’une petite Juliette, Marceau poursuit dans la voie nomade qu’évoque tant sa IV Sagittaire en particulier que sa Croix d’incarnation mutable en général. Déjà très adaptable du temps de Zulawski – elle aura vécu, entre 1992 et 1996, dans « un F2 de cité communiste en Pologne, sans eau potable » malgré sa célébrité –, elle se partage désormais entre la France (pour sa vie professionnelle) et Los Angeles (pour sa vie privée). « Je me sens bien et je me sens mal partout », déclare-t-elle en 1998 à propos de son goût du mouvement.

Le processus uranien sera plus fort encore lorsque l’actrice atteint 42 ans. L’hémicycle d’Uranus s’opère sur le Descendant ; les aspects reproduits étant nombreux, son impact s’étend de 2008 à 2010. Il implique du changement dans l’axe relationnel (I-VII), ainsi que dans le travail, la gestion quotidienne, éventuellement la santé (Uranus maître de VI). Que se passe-t-il dans la vie de Marceau à ce moment-là ? Arrivée au terme d’une relation qui « [lui] a[ura] surtout permis de [s]’autonomiser, de [s]’affirmer », elle rompt avec Lemley suite à son coup de foudre pour Christophe Lambert sur le tournage de son deuxième film comme réalisatrice, La Disparue de Deauville (2007). En transitant Saturne en VII, maître de V, on peut penser que le transit uranien libère l’actrice d’une certaine pesanteur dans la façon de vivre, jusqu’ici, le couple. Peut-être y a-t-il eu jusqu’ici des contraintes, le poids de relations avec des hommes qui sont aussi ‘les pères de ses enfants’ – bien des hypothèses sont permises. Rétrospectivement, on s’aperçoit qu’il s’est agi d’un virage dans sa vie amoureuse comme dans son identité professionnelle. Non seulement elle aura dorénavant des histoires sans lien par la progéniture, mais elle s’affirmera créatrice en tournant d’autres films (Mrs. Mills en 2018), clarifiant par-là que Parlez-moi d’amour n’était ni un ‘caprice de star’, ni un règlement de comptes, mais bien l’amorce d’une double casquette professionnelle. Il faut compter désormais sur une Sophie Marceau actrice et réalisatrice, qui ne dépend plus du seul désir des cinéastes mais peut engager des projets par elle-même et pour elle-même : à partir de La Disparue, elle s’écrit des rôles dans ses propres films, autonome.

Uranus à l’Ascendant détermine tant la personnalité que l’aspect physique de l’actrice ; à ce stade, il convient de signaler qu’Uranus est conjoint Mars et Pluton, ses maîtres solaires. Aussi passionnée qu’inflexible, Marceau ‘ose’, à peine connue, racheter son contrat chez Gaumont pour tourner avec Zulawski, tout comme, en 2016, refuser la Légion d’honneur. Son cafouillage médiatisé lors du palmarès du Festival de Cannes 1999 manifestait pourtant un tempérament entier, refusant de s’abaisser à réciter un texte consensuel et impersonnel. Le tournage de Marquise (Véra Belmont, 1997) a révélé une personnalité clashy, qui défend ses arguments et sa vision d’un personnage au risque de tenir tête à son metteur en scène. Sa filmographie récente, quoiqu’on pense de certains de ses choix, est mue par un souci d’authenticité : être en phase avec le projet et en refuser d’autres en dépit de leur prestige plus évident (ainsi peut-on interpréter ses ‘non’ réitérés au cinéaste François Ozon, avant de finalement lui dire ‘oui’ en 2020). Sa nature très uranienne la rend sans doute peu influençable, a fortiori dans le travail (Uranus maître de VI).

Le trio de planètes à l’Ascendant associé au signe ascendant Vierge éclaire la silhouette de plus en plus tonique, voire sportive de Marceau : à la discipline (l’opposition angulaire Mars-Saturne) nutritionniste (Vierge) s’ajoute l’excès de planètes de Feu à l’Ascendant qui ‘brûle les calories’. Ces informations accumulées à l’Ascendant expliquent aussi le paradoxe apparent d’une personne pudique, mais dotée de sex-appeal. Sa pudeur, non seulement l’actrice la reconnaît (« Quand je rencontre un homme, je ne mets pas en avant ma sensualité. Je suis pudique dans la vie »), mais des anecdotes la corroborent : deux cinéastes au moins (Zulawski, Marina de Van) ont témoigné de ses réserves sur les scènes de sexe (La Fidélité, Ne te retourne pas en 2009) ; davantage relayée par les médias, la « gêne » que des chanteurs aient mentionné ses seins dans les paroles de leurs tubes. C’est que son Ascendant Vierge est très ‘pimenté’ par un maître d’Ascendant en Scorpion, la conjonction Soleil-Vénus dans le même signe, et surtout par Pluton et Uranus angulaires. La tonalité plutonienne lui confère ce sex-appeal malgré elle, qui émane d’elle naturellement et lui échappe en partie : il explosera en 1999, année du rôle de composition d’Elektra King (James Bond) ; et l’année suivante, dans La Fidélité, il est significatif que le premier homme à poser regard sur elle s’exclame aussitôt : « Putain, qu’elle est belle ! ». Le terme de ‘sex-appeal’ est toutefois réducteur : dans ce cas de ‘cocktail’ Uranus-Pluton à l’Ascendant, il apporte aussi du magnétisme, qui se traduit par la remarquable photogénie de l’actrice (maître d’Ascendant conjoint Soleil-Neptune). Enfin, l’Ascendant Vierge la préserve de toute vulgarité aguicheuse.

Les figures phares de la vie de Sophie Marceau se sont récemment éteintes : ce furent d’abord Zulawski et sa mère Simone en 2016 (âge du quinconce décroissant d’Uranus, transitant en VIII au carré exact de la Lune en IV), puis son père Benoît en 2020. Difficile de ne pas rapprocher ces pertes successives du transit (jamais anodin) de Pluton en IV, conjoint Lune natale et opposé Jupiter maître de IV. La crise transformatrice qu’impliquent ces deuils la voit devenir pleinement Mère/Lune en IV : non seulement icône nationale, toujours aussi populaire en son pays4, mais prenant le relais définitif de ses parents auprès de ses propres enfants : « prendre les choses en main, devenir un pivot central pour les autres, pour la famille », anticipait-elle déjà en 2013. A son tour Lune Capricorne en IV, Sophie Marceau est devenue cette ‘mère repère’ pour sa fille et pour son fils Vincent (né en 1995 au premier retour de Saturne, maître de V), auquel l’actrice s’est consacrée ces dernières années au détriment des tournages. « Mes enfants ont besoin d’une figure rassurante, stable et j’ai l’impression de la leur donner », affirmait en 2018 celle dont le thème de naissance laissait peu de doutes sur la fiabilité et le sens de la responsabilité maternelle.


Novembre 2021


Ivan Hérard-Rudloff

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1 Source des coordonnées de naissance : Demande personnelle d’extrait d’acte de naissance sans filiation auprès de la mairie de Paris 1er. Délivré le 07 juillet 2020.

2 Avertissement : Cette Petite pédagogie s’attache, pour l’essentiel, à la fonction d’Uranus dominant dans le thème de Sophie Marceau. Bien entendu, l’astrologie est plus complexe : elle ne se limite pas à l’action d’une seule planète en transit, a fortiori de conjonction.

3 Source des citations : elles sont extraites du Hors-série ELLE « Icône » consacré à l’actrice cet automne 2021.

4 On observe que sa carrière américaine n’a jamais ‘pris’ au-delà de sa composition de James Bond Girl (1999) : elle n’obtiendra ensuite qu’un second rôle dans une comédie romantique restée inédite en France (Alex & Emma, Rob Reiner, 2003). En revanche, le Japon lui voue un culte depuis 1982, année de son premier voyage nippon à 16 ans pour promouvoir les deux Boum. Il n’est pas impossible que son échéance uranienne prochaine (circa 56 ans, à partir de 2022) soit porteuse de nouvelles opportunités à l’international.


Petite pédagogie astrologique avec Sophie Marceau

Un hors-série du magazine ELLE consacre actuellement Sophie Marceau « femme française iconique ». L’occasion d’examiner le thème de naissance, marqué par Uranus, d’une actrice à la réputation solide : « préférée des Français.es » depuis La Boum (1980) et ses presque 42 bougies.

Thème de naissance de Sophie Marceau

Née Sophie Maupu le 17 novembre 1966 à 02h30 à Paris (15ème arrondissement)1

Logiciel Zodiac, © André Vander Linden

ivan.herard.rudloff@gmail.com