l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

N°210 ~ Avril 2022

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

Sur le vif

Nous nous plaisons à penser que l’astrologie permet de cerner, de décrire, voire de comprendre l’identité de chacun.

Mais comment définir le mot « identité ».

S’il s’agit d’être identique à soi-même, qui est ce « soi-même » ? Où prend-il son origine ? Qu’est-ce qui le caractérise ?

Face au miroir de nos réalisations et de nos priorités, nous pensons nous connaître ou, tout au moins, caractériser 1 notre profil, notre personnage, notre identité.

Ce face-à-face reste pourtant subjectif.

Comment savoir si nous ressemblons à celui / celle que nous sommes ? Comment savoir si nous sommes en adéquation avec nos projets intimes, alors qu’ils sont constamment et inévitablement recouverts par l’accumulation de tout ce qui nous vient de notre environnement et de tout ce qui résulte de notre propre histoire ?

Qu’est-ce qui nous caractérise, dans notre identité ? Qu’est-ce qui nous constitue ? Notre ipséité 2 originelle ? Ou ce qui s’élabore, se sédimente et se constitue, jour après jour, dans notre trajet de vie ?

Aucune réalité vivante n’est un lieu clos, fermé sur lui-même, imperméable à son environnement. Nous aimerions identifier notre personnage, le définir, nous l’approprier, le préfigurer, le diagnostiquer…. Or, nous ne pouvons être que dans l’approximation, tout étant en devenir et surtout dans l’interaction. Ce que nous sommes est le produit de ce qui se cristallise, instant après instant, à la périphérie de notre présence au monde.

Nous pensons détenir la clef de notre parcours, alors même que nous appartenons au courant qui nous porte et parfois nous emporte : celui des circonstances avec lesquelles nous interagissons.


En écrivant cela, suis-je en train de jeter un pavé dans la marre ? Suis-je occupé à scier la branche sur laquelle nous accrochons nos années d’expérience, comme astrologues ?

Dans notre pratique, il n’est pas question d’assigner à notre consultant un portrait définitif et encore moins de lui pronostiquer un destin. Nous ne pouvons qu’éclairer le chemin qui lui permettra de comprendre progressivement « qui il est ».


Physiologiquement, la clé de notre identité se trouverait dans nos gènes. Ceux-ci seraient responsables de notre unicité, de notre différence, de notre ipséité.

À ce déterminant génétique, nous ajoutons (dans le cadre de l’astrologie et au moment clé de notre naissance) la dimension symbolique qui nous relie à l’héritage psychique de toute l’humanité.

Or, deux processus essentiels contredisent cette double « détermination ».

Le premier concerne notre interaction avec notre environnement ; le second relève de cette évidence : nous évoluons sans cesse.

Évoluer veut dire ici être en construction continue, à mesure que nous réagissons face aux circonstances ; étant entendu que nos réponses sont, pour chacun d’entre nous et intrinsèquement, l’occasion de nous expérimenter, de nous découvrir, de nous connaître.

Tout au long de ce double processus, nous ne manquons pas d’intégrer le regard des autres dans notre propre intégrité. Il y a là comme un paradoxe entre perméabilité et préservation.

Concrètement, nos composantes psychiques émergent en réponse aux données sociales, culturelles et environnementales de notre milieu de vie 3.

Deux dispositifs psychologiques œuvrent donc simultanément en chacun de nous.

Le premier est celui de notre identité. C’est le monde de l’idem. Au café, on nous demanderait : « qu’est-ce que je vous sers » ; et nous répondrions : « idem, la même chose ».

Le second dispositif est celui du changement. Il tient compte de la nécessité impérieuse de nous préserver, dans  notre intégrité, mais avec cette particularité ou ce paradoxe que cette sauvegarde réclame aussi une adaptation. Il y est question de nous approprier les occasions qui se présentent, pour nous construire « fidèles à nous-mêmes, mais aussi « à travers autrui ».

Que nous révèle, par rapport à cela, l’analyse d’un thème astrologique ?

Il nous aide à saisir, à interpréter et à comprendre nos représentations subjectives de la réalité.

Ces représentations sont illustrées, fort efficacement, par les figures (ou personnages) mythiques 4. Ces figures ont quelque chose d’universel et, en même temps, elles témoignent de l’habillage propre à notre milieu, à notre culture et à notre histoire personnelle.

Ce qui (dans une relative mesure) nous préfigure et nous personnalise, ce sont précisément ces figures qui illustrent comment nous nous projetons dans l’espace et dans le temps.

C’est ainsi qu’une certaine idée de nous-mêmes et de ce qui nous est possible d’être ou de faire nous encourage ou nous contrarie au moment de nous ouvrir à ce qui se présente à nous.

En cela, nos prédispositions et nos croyances impactent notre rapport aux réalités mouvantes du monde et conditionnent nos interactions avec notre environnement.

Dans ce double rapport, rien n’est prédéterminé.

Sur le plan physiologique, nous ne pouvons penser que le devenir d’une personne est contenu tout entier dans l’expression de ses gènes. Une chronologie génétique intervient évidemment dans la construction de l’être physique, mais on sait aussi que l’expression des gènes est en référence constante avec l’environnement.

Dans le cadre psychologique qui nous intéresse lors d’une analyse astrologique, on retrouve cette même distinction entre « le génétique » et « l’épigénétique » 5.

En cela, nous sommes sans cesse à mi-chemin entre ce qui nous distingue des autres et ce qui nous universalise, entre ce qui nous signe à la manière d’un préalable et ce qui résulte de notre histoire dans un environnement particulier.

Nous sommes chacun fondamentalement des êtres avec les autres, des êtres au monde¸ des êtres en interaction constante.

Le « je » que nous sommes atteste avant tout une réponse et une intériorisation de l’altérité.

Nous vivons sur une frontière, là où se noue et se dénoue notre parcours de vie.

Notre carte du ciel ne nous met pas en face d’une image figée, définitive, arbitraire.

Elle raconte une dynamique d’interprétations et de projections, d’échanges et d’adaptations.

Le « je » que nous sommes est constamment en devenir.

En interagissant avec ce que nous ne sommes pas, nous ne cessons de partir de ce qui est « autre », aussi bien au-dehors que tout au fond de nous, pour nous connaître dans ce que nous avons de singulier.


Jacques VANAISE

« Je » est un autre

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1 Attribuer un caractère.

2 Ce qui fait qu’une personne ne peut être considérée comme une autre.

3 Notre construction personnelle ne saurait être la même en Europe, en Asie, en Afrique…

4 Cf. notamment les symboles planétaires.

5 Cf.  l’étude des changements héréditaires causés par l’activation et la désactivation de nos gènes.


Pour tout contact et réaction:
jacques.vanaise@skynet.be