l’Astro Gazette de la FDAF
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
N°212 ~ Juin 2022
Billet d’Humeur
Ivan
HÉRARD-RUDLOFF
Je ne néglige pas le bonheur de rentrer chez soi, au propre comme au figuré, après des semaines de tournage…
Nathalie Baye
« – Votre enfance est-elle très présente ? – Je ne connais pas grand-chose en Astrologie, mais je suis Cancer Ascendant Cancer et il paraît que c’est irrécupérable ! »1, répond en souriant l’actrice française Nathalie Baye.
Cet extrait d’entretien confirme que de plus en plus d’individus ne connaissent plus seulement leur signe solaire (lié à leur simple date de naissance), mais également leur signe ascendant, qui s’obtient grâce à l’heure et au lieu de naissance. Et sans « [y] connaî[tre] grand-chose », il est logique qu’une personne qui se découvre doublement marquée par le Cancer2 en déduise que les caractéristiques du signe lui correspondent ; ce sont, pourrait-on dire, les lois de la redondance…
Le lien du Cancer avec la thématique « enfance » est éprouvé, vérifié par l’expérience, et il se justifie par l’analogie du signe à la Maison IV d’une part (celle, entre autres, du foyer natal) et à l’archétype Lune d’autre part (symbole, notamment, de la mère). Par extension, une dominante Cancer et/ou Lune et/ou Maison IV suggère un goût, plus ou moins prononcé, pour l’intimité : sa maison, son ambiance domestique, sa petite famille, son cocon protecteur…
Ce qu’ignore sans doute Nathalie Baye, c’est qu’elle est même… trois fois Cancer ! A son signe solaire et son signe ascendant en Cancer s’ajoute sa Lune Cancer, d’autant plus puissante qu’elle est dite « en domicile » et qu’il est d’usage d’accorder un relief particulier à la Lune dans le thème d’une femme. Or, la Lune est aussi et surtout son maître solaire et son maître d’Ascendant ! Si l’astrologue devait vraiment « compter les points », il dirait que Nathalie Baye est, à tout le moins, cinq fois Cancer !
L’analyse de ce signe dominant doit tenir compte de son emplacement en Maison. Or, l’Ascendant Cancer oriente tout naturellement vers la Lune, située en Maison XII, Maison également occupée par le Soleil, ainsi que par Mercure, Vénus et Uranus, soit un amas planétaire en Maison XII.
Signe d’Eau dominant et Maison d’Eau dominante : il y a ici quelque chose de très insistant sur le goût de l’ombre. Étonnant, pour une actrice célèbre et Solaire ? Pourtant, Nathalie Baye a toujours fait partie des plus discrètes, qui n’assistent jamais aux défilés de mode parisiens3 et qui n’ont aucune envie de médiatiser leur vie privée4 : « Je suis secrète dans ma manière de vivre. Je m’expose peu en dehors de mon métier. Je ne vais pas dans les dîners mondains, là où il est bon de se montrer… ». Sans surprise, la médiatisation (inévitable) de sa relation avec l’icône du rock Johnny Hallyday lui fut désagréable et eût raison (pour partie) de cette union dont naquit une fille, la future actrice Laura Smet. Sur ses relations suivantes, celle à qui « la solitude ne fait pas peur » privilégia le silence. Mystère qui donna lieu à des rumeurs (que de valeurs neptuniennes…), et tant les deux planètes féminines (Lune, Vénus) que la triple conjonction Mercure-Vénus-Uranus Gémeaux en XII suggèrent des « coups de cœur » pour un homme marié et/ou plus jeune…
Le repli est très évocateur des Maisons IV et XII ; avec ses deux luminaires en Cancer et Maison XII, Nathalie Baye est en plein dans la thématique. Hors plateaux, l’actrice se met en retrait, se retire à la campagne (pendant plus de trente ans dans la Creuse), s’emploie à des activités solitaires : lire, rêver, se souvenir (si l’actrice publie peu de photos d’elle sur son unique réseau social, le très visuel Instagram, elle partage en revanche des photos-souvenirs, nostalgiques), réfléchir à son métier… Cette profession d’actrice, elle la rattache sans hésiter à l’enfance, puisqu’à travers la diversité des rôles, elle lui offre de prolonger indéfiniment le goût du jeu que l’on découvre à cette période5. Les personnages comme autant de nourritures intérieures… A l’écart des mondanités, Nathalie Baye se préserve aussi en se réservant à ses proches. Sa dominante Cancer et sa Lune Cancer en particulier peuvent expliquer son sens de la convivialité et son appétence pour la cuisine : « Je fais un crumble pomme-mandarine à base d’amande et de farine de châtaigne à se taper le c** par terre ! »6, lâche-t-elle, sans chichis… Mère protectrice (noter aussi son Jupiter en trône en V), elle aura tenu sa fille éloignée des objectifs jusqu’à sa majorité ; c’est en devenant actrice à son tour dans Les Corps impatients (2002) que Laura Smet fera d’elle-même le choix de s’exposer.
Mars Vierge maître de X, conférant le sens de la réalité, ancre solidement la « rêveuse », lui assurant de garder « les pieds sur terre » : « Je suis une rêveuse, mais je n’ai jamais rêvé ma vie ; j’ai toujours été dans l’action sans jamais faire la course ». Actrice sérieuse, fiable, peut-être même scrupuleuse, sur laquelle les cinéastes peuvent compter : « Je ne peux pas imaginer qu’on puisse faire ce métier sans se sentir responsable ! » ; « On dit régulièrement que je suis un petit soldat et, quelque part, c’est vrai… ». Cette conscience du travail et cette application, Nathalie Baye les doit à sa formation, très rude, en danse classique (Mars tout dissonant se trouve en Maison III, lieu des apprentissages premiers). Après une enfance décrite comme bohème auprès de parents peintres (Neptune en IV ; maître de IV et archétypes parentaux en XII) et en conflit (Lune conjoint Uranus et semi-carré Saturne), l’adolescente dyslexique (Mercure-Uranus Gémeaux carré Mars Vierge en III) quitte l’école à 14 ans pour en intégrer une de danse professionnelle à Monaco. La rigueur qu’elle y rencontre sera non seulement salvatrice (« La danse m’a sauvée. Sinon, j’aurais pu glander toute ma vie ! J’ai été projetée dans la réalité d’un travail où la discipline, appliquée par des professeurs russes draconiens, était irréfutable »), mais utile pour intégrer ensuite le Conservatoire et exercer finalement son métier d’actrice. Elle aura sans doute aussi permis à Nathalie Baye, dotée d’une conjonction Soleil-Lune Cancer en XII au carré de Neptune en IV, de ne pas sombrer…
En effet, l’actrice aborde régulièrement la difficulté du métier de comédien, fait d’attente, d’emplois irréguliers et de propositions de rôles décevantes. Serait-ce une façon édulcorée de dire qu’elle a connu des épisodes dépressifs ? On ne peut pas exclure vague à l’âme et désillusions importantes. Ce qui est sûr, c’est que les années « creuses » de sa carrière, et notamment la décennie 1990, avant son retour gagnant dans Vénus Beauté (Institut) (1999), ont engendré une stase réflexive typique d’un Soleil Cancer en XII : « J’ai l’impression que quand Nathalie était moins demandée, elle n’a pas cherché à s’accrocher au risque de se répéter. Elle a fait dans sa vie une espèce de ‘retraite’, un retour sur elle-même » (la réalisatrice Jeanne Labrune). La présence de la Part de Fortune en Cancer et Maison XII tendrait à confirmer que les moments de « refuge » sont une donnée essentielle du bien-être de l’actrice.
Très au fait de la fragilité de son métier, où l’on oscille entre les « moments de doute, d’angoisse » (Mercure semi-carré Pluton) et les périodes où l’on est « encensé exagérément », Nathalie Baye tient un discours de vigilance à ses jeunes consœurs : « Quand on est actrice, il faut savoir vivre ces trop grands soleils ou ces trop grands froids, sinon, on ne s’en sort pas… ». Son empathie (valeur Maison XII) est palpable lorsqu’elle reçoit son César en 20067 et le dédie « à toutes les actrices », les « privilégiées » comme celles qui « attendent le coup de fil » et « n’y croient plus ». Sa sensibilité (Cancer) se traduit aussi par son engagement envers la défense des grands singes (Maison XII) ; l’amour des bêtes en général (axe VI-XII) inonde son profil Instagram !
« Nathalie est une femme simple et mystérieuse », résume le réalisateur Frédéric Fonteyne. Ce mystère n’a rien à voir avec celui, très fabriqué, des stars de cinéma aux poses glamour, mais avec une bonne gestion de ses apparitions et de ses éclipses : « Quand on voit trop un acteur dans la presse, il devient un personnage public. On n’a plus forcément envie d’aller le voir au cinéma. Il perd de son mystère » ; l’actrice y aura été attentive. Elle apparaît comme une femme relativement simple, qui travaille puis rentre chez elle, et a donc un rapport sain à son métier d’image. C’est sans doute sa dominante Cancer qui la rend familière des spectateurs français, que cette « popularité » provienne de ses rôles des années 1980 – qui lui ont longtemps valu une image de femme rangée, loyale et généralement provinciale8 –, ou plus sûrement de sa relation avec Johnny, qui l’aura définitivement inscrite dans le paysage des célébrités nationales.
C’est ce mélange de simplicité « rassurante », qui ne met pas l’autre à distance, et de mystère sur son intimité (opacité sur laquelle chacun peut projeter ce qu’il veut) qui en a fait l’interprète idéale de Cliente (Josiane Balasko, 2008), soit une sexagénaire qui loue les services d’un trentenaire. Rappelons que Balasko n’avait eu d’autre choix que de transformer son scénario initial en un roman (qui s’est avéré être un succès de librairie) pour que des producteurs daignent enfin financer ce film, soi-disant sulfureux ! C’est que, dans les années 2000, pareil personnage féminin faisait encore débat. Pourtant, avec Nathalie Baye comme héroïne, Cliente ne choqua personne… Il faut dire aussi que les précédents rôles marquants de l’actrice – Si je t’aime, prends garde à toi (1998), Vénus Beauté (Institut) et Une liaison pornographique (tous deux de 1999) – avaient nettement mis en place la représentation d’une femme indépendante, anticonformiste, sentimentalement et sexuellement libre. Rôles qui ne sont pas si éloignés de Nathalie Baye elle-même : « Cette liberté, cette indépendance, voire cette solitude, c’est quelque chose qui est proche de moi… ». En effet, elle est Uranienne, et sa conjonction Vénus-Uranus en XII est éloquente.
A ce titre, il est intéressant que l’un des « films préférés » de sa filmographie soit Une liaison pornographique ; « le plus beau cadeau de ma vie d’actrice », estime-t-elle encore. Ce long-métrage, troublant et à redécouvrir, met en scène la rencontre par annonce de deux adultes (Sergi Lopez d’un côté, N.B. de l’autre) afin de réaliser ensemble leur fantasme commun. Belle idée du scénario : nous ne saurons jamais rien de la nature de ce fantasme, et pas davantage du contenu de leurs vies (personnelles et professionnelles) hors de cette « bulle » dans laquelle ils s’enferment quelques heures. Une relation secrète, presque clandestine (dans une chambre d’hôtel), qui ne tolère aucune irruption du monde extérieur (c’est précisément une irruption « accidentelle » qui mettra un terme, progressif, à leurs rendez-vous). En somme, de tous les films qu’elle a tournés, son préféré est, « comme par hasard », celui qui fait le plus écho à son goût de l’alcôve ; d’un lieu, sinon amoureux, du moins intime.
A l’image du Lieu à soi (un bureau, entendu autant comme meuble que comme pièce) dont Virginia Woolf décrétait la nécessité pour toute femme écrivain, Nathalie Baye veille à conserver sa « Maison à soi », son lieu de repli de la vie professionnelle et médiatique, que ce repli prenne la forme concrète d’une maison9 ou celle d’une solitude, physique et psychique, recherchée. Solitude nécessaire à l’écriture : depuis quelques années, l’actrice rédige son autobiographie ; un travail de mémoire tout ce qu’il y a de plus Cancer…
Ivan Hérard-Rudloff
« L’Astrologie individuelle : pour une compréhension de soi et des autres »
Site : https://ivanherardrudloff.com/ / Mail : ivanherardrudloff@gmail.com
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1 Sauf mention contraire, les citations sont issues des articles « Nathalie Baye – La folie douce » et « Nathalie Baye – Une femme d’aujourd’hui », in Studio Magazine n°142 (février 1999) et n°161 (novembre 2000).
2 Vérification en a été faite en demandant un extrait d’acte de naissance sans filiation auprès de la mairie de Mainneville.
3 Ses seules sorties publiques relayées par les sites people sont des inaugurations d’expositions ou de rétrospectives à la Cinémathèque française, souvent en lien avec les cinéastes de ses débuts : Truffaut, Pialat, Godard, Tavernier…
4 Je note que Miou-Miou (née le 22 février 1950 à 10h45 à Paris), une autre actrice française fort discrète ayant également vécu avec un chanteur célèbre (Julien Clerc), a aussi une Lune (Taureau) en Maison XII.
5 Bonus DVD du Petit lieutenant (Studiocanal, 2006).
6 Article « Nathalie Baye – Les traversées du succès », in Causette n°64 (février 2016).
7 Une leçon d’humilité et d’élégance, à voir sur Vimeo : https://vimeo.com/74195491
8 Anecdote révélatrice, la cinéaste Jeanne Labrune rapporte la réaction d’un ami à qui elle faisait part de son intention d’engager Nathalie Baye dans Si je t’aime, prends garde à toi (1998) : « [Il] était un peu surpris par ce choix. A cause des films de Tavernier [Une semaine de vacances, 1980] et de Goretta [La provinciale, 1981], il la voyait comme une sorte de cousine de province. C’est vrai que Nathalie n’a ni le physique d’une intello, ni celui d’une femme d’affaires. »
9 Dans le Vanity Fair de mai 2022, Dominique Besnehard, son ancien agent devenu son ami-confident, déclare : « Je la vois retourner à la campagne, s’occuper de son jardin. Avec le temps, elle devient de plus en plus contemplative. »
Nathalie Baye : une Maison à soi
Thème de naissance de Nathalie Baye
Née le 06 juillet 1948 à 06h18 à Mainneville (Eure, France)
© Logiciel Zodiac, André Vander Linden
N.B. : Une version dessinée du thème figure en pleine page du PDF de cet article, accessible sur mon site.
