l’Astro Gazette de la FDAF
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
n°202 - Août 2021
“Sur le Vif”
La chronique de
Jacques VANAISE
À notre naissance, nous sommes indéniablement établis entre passé et futur, ce qui veut dire entre devenu et devenir, tous deux inscrits dans le temps.
Cela est manifeste, voire simpliste. Cela devient plus subtil et cela retiendra davantage votre attention si je parviens à établir que notre thème de naissance est (très probablement) l’illustration d’un imaginaire situé hors du temps.
Procédons pas à pas pour développer cette idée.
Nous sommes accoutumés au déroulement temporel entre le passé (souvenirs, mémoire, hérédité) et le futur (développement, accomplissement, expectative, projection).
Entre les deux, il n’est pas très original de considérer qu’il y a le présent.
Ce présent est toutefois très fugace et il ne « présentifie » rien d’autre que notre expérience fugitive et ponctuelle (ici et maintenant) sur la ligne du temps.
Cela devient plus étonnant lorsqu’on envisage un « présent » qui fait appel à une autre dimension, hors de la ligne du temps.
Lors de nos expériences courantes, le temps est corrélé à l’espace. Par exemple, nous mesurons temporellement notre passage d’un point A à un point B. Avalisons le fait que « l’espace – temps » caractérise notre réalité physique et qu’il contextualise le déroulement de notre histoire personnelle.
En astrologie, nous observons par ailleurs et bien entendu le temps propre au cycle des saisons et à la circonvolution des planètes dans le système solaire.
La notion de cycle étaye les étapes intervenant dans la croissance des plantes et dans l’évolution de toutes les formes de vie, mais aussi dans la corrélation2 des phénomènes, des situations et des événements.
Dans « l’espace-temps » du monde physique, nous estimons qu’il existe une causalité constante et que chaque chose est la conséquence de ce qui s’est produit antérieurement.
Le déterminisme temporel de la causalité et de ses effets est l’un des fondements de la science classique et nous pourrions nous en contenter s’il n’était question, en astrologie comme dans nombre de disciplines qui s’occupent de la conscience, d’un double versant. L’un est temporel et plus ou moins périphérique : par exemple, notre biographie intime ; l’autre est atemporel : c’est le point central et immobile où nous sommes connectés à l’imaginaire collectif.
Comment saisir ce centre si particulier où s’inscrit le germe même de notre conscience ?
Aujourd’hui, les théories quantiques remettent en question le déterminisme temporel. Ou, plus exactement, elles prennent en compte une autre « dimension » sans temporalité courante.
Cette dimension atemporelle et quantique conduit à reconsidérer aussi bien le principe de causalité que le « flux » temporel susceptible de se dérouler dans une seule direction, à savoir entre le passé et le futur.
C’est précisément le cas lorsqu’il est question de la conscience et de l’imaginaire3 envisagés comme des processus au sein desquels on peut observer des rétrocausalités.
On s’en étonne, jusqu’au moment d’envisager des opérations semblables aux équations quantiques qui fonctionnent dans les deux sens du temps.
Ce qui est le plus surprenant dans ces nouvelles théories, c’est que la cause future d’un événement actuel le précède, alors même qu’elle lui succède dans le temps ordinaire.
Cela est complexe, voire inconcevable. Et pourtant… Sur un mode infiniment plus anodin, lorsque nous avons le projet d’un voyage, la cause de nos préparatifs est à la fois antérieure au voyage, en tant que décision, et postérieure puisque le voyage aura lieu « plus tard ».
La subtilité d’une telle inversion du temps (ici illustrée de façon simpliste) est à rechercher dans une séparation entre la réalité tangible de nos expériences quotidiennes et un autre niveau intangible.
En quoi cette distinction peut-elle nous intéresser dans le cadre de l’astrologie ?
En ceci qu’il s’agit de dissocier nettement (dès l’instant de notre naissance) ce qui conditionne notre présence physique, psychologique et sociale au monde, d’une part et, d’autre part, ce qui (en termes de projet) dévoile pourquoi et comment nous allons utiliser ces conditions de départ (puis chaque circonstance de notre propre histoire) pour accomplir notre ipséité4.
Illustrons cela de façon assez simple. Traçons sur une carte l’itinéraire de notre voyage. Cette carte représente le projet de notre déplacement futur et nous pouvons en calculer la durée. Notre voyage se déroulera ensuite dans la temporalité.
Je ne vous ai conduits jusqu’à ces quelques évidences qu’en vue d’introduire à présent le sujet de cette chronique. Ce sujet tient en une formule : sachons distinguer ce qui est conditionné par notre passé et déterminé par notre présent (l’actualité du monde physique) de ce qui est catalysé par notre futur (en l’occurrence : notre carte du ciel).
Ceci peut paraître très éloigné de notre pratique astrologique. Toutefois, cette formule est au cœur même de ce qui relie notre parcours de vie à notre thème de naissance. À condition de dissocier le cours temporel de notre quotidien et la figure instantanée de notre carte natale.
Voyons cela de plus près en juxtaposant (d’une part) ce qui nous conditionne inévitablement au moment de naître (notre hérédité, notre héritage culturel, notre situation familiale et sociale) et (d’autre part) ce qui nous sollicite virtuellement (la mise en œuvre de notre imaginaire personnel).
On peut voir dans cette dualité l’amorce de notre accomplissement en tant que personne, dans notre singularité et dans notre créativité.
Tout ce qui nous sert de « véhicule » (notre corps, notre éducation et progressivement notre moi conscient) est étroitement relié au monde objectif et temporel des causalités.
Mais ce véhicule a beau suivre la courbe de « l’espace-temps » physique, il est (il n’est que) le moyen ou l’outil avec lequel nous allons chacun (e) manifester l’intention inscrite dans notre imaginaire5.
Cette intention (ou projet) est comme un germe qui aspire à trouver la terre de son accomplissement.
Cette intention renouvelle notre compréhension d’un thème de naissance. Nous nous plaisons à y voir la préfiguration de notre parcours de vie, alors même que celui-ci ne saurait être exclusivement programmé dans et par le monde physique, sous forme d’événements.
Incidemment, on peut se demander pourquoi nous devons nous incarner dans un « espace-temps » ainsi déterminé et qui a pour effet de conditionner l’épanouissement libre de notre personnalité.
Une réponse me vient à l’esprit : rappelons que nous ne venons pas au monde à maturité. Nous avons besoin d’une période essentielle d’attentions et de soins, mais aussi (et surtout) d’un ancrage social.
À la charnière des 19e et 20e siècles, plusieurs cas d’enfants sauvages ont été relatés. Ils apparaissent avec un retard mental dû à l'absence de contact avec les humains. On tentera de leur apprendre le quotidien d'une vie d'enfant civilisé et de les faire émerger de leur primitive animalité en leur enseignant le langage humain et les dimensions culturelles propres à la société.
Cela indique que la dimension psychique de notre imaginaire a beau être performante quant à l’échiquier de ses aptitudes, elle reste inopérante sans les sollicitations sociales ; tant il est vrai que le potentiel de chaque niveau de vie ne se manifeste que par sa rencontre avec un environnement approprié.
En cela, le monde de « l’espace-temps » physique, pour délimité qu’il soit, est le lieu nécessaire de notre apprentissage en vue de faire émerger notre moi conscient. Chemin faisant, nous nous créons grâce à la relation essentielle et universelle entre le sujet que nous sommes et l’objet du monde. Puis, il nous revient, en quelque sorte, de « re – naître » à nous-mêmes, à savoir à notre créativité originelle et innovante, dans la reconnaissance de notre projet intime6.
Pour franchir un pas de plus dans notre réflexion, il convient donc de dissocier (une fois de plus) la réalité tangible du monde physique7 et le champ subtil de notre imaginaire.
Nous connaissons le champ d’informations de cet imaginaire. Nous l’appelons volontiers notre ciel intérieur. Quant au ciel physique, il est le miroir de ce qui se déploie virtuellement en nous8.
Ceci nous conduit à séparer (je le répète), dans le cours de notre vie, ce qui est conditionné par des circonstances « indépendantes » de notre projet intime et ce qui est sollicité depuis le projet que préfigure notre échiquier astral, celui-ci étant l’anticipation, non des événements programmés durant notre vie, mais de notre finalité intime, à nulle autre pareille.
Une telle approche donne tout son sens aux synchronicités9. Tout se passe alors comme si la préfiguration (dans le futur et depuis notre projet personnel et intime) d’une intention trouvait, dans une circonstance temporelle, l’opportunité attendue. Ce qui fait du hasard une occasion10. De plus, ceci désigne en quoi, dans l’instantanéité de notre imaginaire astral (à la naissance), sont activées des situations archétypales qui nous conduisent à rencontrer et à utiliser, de façon significative, les circonstances de notre vie.
Ainsi se profile un nouveau modèle astrologique selon lequel des intentions archétypales (et quantiques ?) sont « actives » dans l’inconscient collectif (ce que symbolise notre carte astrologique). Ce sont elles qui densifient, au cœur de notre champ psychique interne, des potentiels en attente, là où se déploie notre arbre personnel de vie11.
Ces potentiels aspirent à se concrétiser à la faveur des situations que nous rencontrons et que nous vivons. Non sans pressentir en quoi cet horizon de vie désigne, par-delà les faits et gestes de notre petit moi conscient, la mise en œuvre de nos intentions authentiques12 dessinées dans notre futur et en attente que nous puissions les densifier et les faire entrer dans notre réalité temporelle.
J’ai conscience que cette chronique ne fait encore que partager avec vous une intuition qu’un projet de recherche doit à présent débroussailler.
Cette intuition ne révolutionne pas subitement notre pratique ; elle ne fait que renouer avec les lointaines origines de notre tradition et avec une connaissance que les religions ont confisquées et, qu’ensuite, la science « classique » a éjectées à mesure qu’elle décrétait être la seule à pouvoir décrire et expliquer « la réalité ».
Jacques VANAISE
Pour tout contact
jacques.vanaise@skynet.be
Quand notre futur réenchante1 notre passé…
Sur le vif
« …saisir ce centre si particulier où s’inscrit le germe même de notre conscience… »
« la cause future d’un événement actuel le précède… »
________________
1 Réenchanter, c'est ici donner du sens.
2 À savoir un rapport entre deux phénomènes ou événements qui se succèdent en fonction l’un de l’autre, parce qu’il existe un lien de causalité direct entre eux ou parce qu’ils ont une cause commune. Ce principe de causalité caractérise le monde physique de « l’espace-temps ».
3 L’imaginaire désigné ici n’est pas l’imagination. À l’exemple de l’iceberg, il est la partie immergée de notre rapport conscient au monde, comme l’est l’inconscient collectif de Jung.
4 Ipséité : ce qui distingue, différencie et rend unique notre personne en tant que telle.
5 Ceci précise et délimite le cadre de la consultation astrologique. Il y est question d’accompagner le consultant dans la conscience claire des scénarios qu’il joue. Ces scénarios sont fortement conditionnés par son environnement social et par les faits de son histoire personnelle. Le rôle de l’astrologue est d’y dégager ce qui préfigure et concrétise son vrai projet de vie.
6 Relevons ici la double dimension de notre échiquier astral. Car s’il désigne notre « projet » personnel, il organise également notre premier rapport au monde, dans la mesure où il génère la subjectivité à partir de laquelle nous allons recevoir, intérioriser (introjeter disent les psychanalystes) les données du monde. Ce faisant, nous préparons notre table de travail au centre de laquelle nous allons authentifier notre ipséité (Ibid). Notre vraie part de liberté consiste alors à comprendre les enjeux de notre histoire personnelle et à « rendre à César… », autrement dit à faire la part entre ce qui dépend des situations et des circonstances du monde, et ce qui procède de notre finalité la plus intime.
7 Cette réalité est le produit de nos perceptions. Mais, pour la physique quantique, nous ne percevons pas le monde tel qu'il est fondamentalement. En effet, nos sens ne nous donnent pas accès aux éléments de matière les plus infimes, ni aux forces qui les meuvent. Ils appréhendent tout au plus l’effet ou le résultat de milliards de milliards de particules ou d'atomes bougeant de concert. En cela, nous sommes des dispositifs de mesure assez grossiers, coupés du monde situé au-delà des portes de nos perceptions.
8 L’un des fondements de l’astrologie est de considérer qu’au moment de notre naissance les archétypes présents dans l’univers psychique sont constellés (Jung) et composent la trame d’une première relation directe entre le sujet en construction et le monde. Cette constellation intérieure est en résonance avec le champ gravitationnel propre au système solaire. L’hypothèse à approfondir est celle d’un champ d’informations quantiques « en retrait » de ces deux dimensions : l’une étant psychique et l’autre organisant le système solaire.
9 Cf. les événements symboliques qui se produisent à certains moments significatifs de notre vie.
10 Cette occasion est donc le fait d’un hasard qui prend racine sur la ligne temporelle de notre vie parce que cette circonstance fait sens par rapport à notre besoin sous-jacent ou à notre intention initiale.
11 Ce qui veut dire que certains jalons sont en quelque sorte préfigurés, mais non assurés, puisque nous n’en prendrons conscience qu’à condition et au moment de les incarner.
12 En nous connectant ainsi à notre projet personnel, nous sommes bien mieux en mesure de faire émerger nos intentions initiales et donc de prendre les décisions qui nous con – viennent.