l’Astro Gazette de la FDAF
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
N°211 ~ Mai 2022
“Sur le Vif”
La chronique de
Jacques VANAISE
Sur le vif
Les prises récentes de parole durant la campagne présidentielle en France me conduisent à m’intéresser au rapport locuteur / auditeur.
Le talent de l’orateur se mesure à la qualité de sa connexion avec le public. Il s’agit pour lui de faire passer efficacement un message à la fois pertinent et rassembleur.
La « présence » (ou le charisme) de l’homme (ou de la femme) politique a toute son importance.
Dans le cadre d’une campagne électorale, on s’attend à ce que le public soit composé (ou non) de partisans. Il en découle que les idées exprimées et les émotions ressenties rejoignent (ou non) une sorte d’inconscient partagé ; un peu comme lorsqu’on a coutume de dire : « nous sommes sur la même longueur d’onde » (ce qui est neptunien, en n’en pas douter…).
Mon propos n’est pas de décrypter ici et dans le détail les enjeux et les mises en perspectives politiques propres aux meetings électoraux.
Ce qui m’intéresse plus particulièrement, ce sont toutes les situations qui (plus généralement) illustrent ce qui est de l’ordre de la communion, du côté du public, et de l’exaltation, de la part de l’orateur ou de l’interprète.
Plusieurs théories traitent de ces phénomènes de foule ou d’assemblée rassemblant un nombre plus ou moins grand de personnes. L’une d’entre elles met en évidence un processus de partage collectif et de fusion, mais aussi d’excitation qui peut affaiblir le contrôle de soi et éloigner les participants de leur comportement habituel.
Dans certains cas limites, une personne habituée à gérer délibérément ses attitudes peut « sortir de ses gonds ». Cela ne se produit pas uniquement au cours d’une campagne électorale et celle-ci, telle que mentionnée plus haut, n’est pour moi qu’un point de départ, voire un prétexte. L’exaltation ou la frénésie d’un public, lors d’un concert ou d’un match de foot, par exemple, me captive tout autant.
Je suis donc parti à la recherche de quelques exemples, en vue de cibler ce qu’il peut y avoir de neptunien dans ce genre de situations.
J’en ai retenu trois que je trouve personnellement assez intéressants.
Le premier exemple concerne Emmanuel Macron, plus particulièrement à la fin de sa première campagne présidentielle, le samedi 10 décembre 2016. Galvanisé par les applaudissements de ses soutiens, il termine son discours en hurlant. Une telle verve n'a pas échappé aux internautes et certains d’entre eux se sont demandé ce qu’il avait mangé avant son meeting. Au terme d’une « harangue » de près de deux heures, Emmanuel Macron laisse en effet exploser son enthousiasme, en hurlant à pleins poumons dans son micro.
Il est pourtant connu comme un homme qui ne laisse guère transparaître ses émotions et certains de ses proches confient qu’il est parfois difficile de le cerner.
Observons son thème : Soleil et Mercure fin Sagittaire et opposé à Jupiter. Ascendant à la fin du Capricorne. Saturne en trigone à Soleil – Mercure.
Nul doute que s’il ressent l’appel du large, il ne s’engage qu’avec application. Il est à la fois ambitieux et circonspect. Sa détermination inébranlable l’incite à envisager des travaux de longue haleine. Il y manifeste le sang-froid du gentleman qui atteint ses objectifs à force de bon sens. En cours de route, il ne supporte guère les interventions extérieures (Uranus en Scorpion IX opposé à la Lune en III).
Mais le voici submergé par son enthousiasme, emporté par une lame de fond qui l’incite à galvaniser son public. On y reconnaîtra l’exhortation de Mars carré à Uranus. Et aussi un débordement quasiment affectif et soudain : Neptune conjoint à Vénus proche de Soleil / Mercure en Sagittaire. Là, on peut imaginer qu’il frissonne au contact d’un certain infini…
Deuxième exemple : Claude François. Lors d’un concert (je n’ai pu en retrouver la date exacte), il chante « Viens à la maison ». Les Clodettes dansent, l'orchestre derrière elles les accompagne. Les admiratrices tendent leurs mains. Claude François termine son spectacle, torse nu, après avoir jeté ses vêtements à la foule. Il est ensuite soutenu par son équipe après s’être déchaîné en dansant et après avoir déclenché une hystérie collective.
« J’emmène les gens dans mes souvenirs, il y a énormément d’identification. Beaucoup se retrouvent dans les thèmes abordés. Tout est très palpable », déclare-t-il un jour.
Comme pour le thème précédent, nous observons une maîtrise de soi (Ascendant et Mercure à la fin du Capricorne). Mais aussi une réactivité à toute ingérence (Soleil en Verseau carré Uranus, Pluton au descendant opposé Mercure, et encore Mars carré Jupiter). Chez Claude François, la frénésie est probablement plus intentionnelle. Emporté par la foule, c’est délibérément qu’il joue avec son public, se laissant voir nu, à découvert (Neptune en VIII / Scorpion double carré à Vénus et Lune), dans une sorte d’hallucination qui l’incite à lâcher prise ; mais confiant, si besoin, en son équipe pour garder le contrôle et la distance, afin de ne pas basculer complètement de la scène et se noyer dans le public.
Troisième exemple : Patrick Bruel. Son propos est différent. Ce n’est pas une chanson qui lui a cassé la voix, mais au contraire qui l’a ouverte.
Cette chanson a contribué à lancer une véritable bruelmania qui a enflammé toute une génération de jeunes. Le beau et talentueux Bruel a su comment faire pour conquérir les cœurs et faire chanter à l’unisson son public.
Dans son thème, la sensualité du Taureau se veut puissante (Soleil opposé à Jupiter en Scorpion, lui-même carré Pluton). Quant à Neptune (en Scorpion, opposé Mercure et carré Lune), il le conduira à dépasser certaines frontières, au risque d’être rattrapé par la justice (bien qu’il démente tout comportement répréhensible et plaide le malentendu).
À la recherche d’un thème commun à ces trois personnalités, un mot me vient à l’esprit : l’ivresse. L’ivresse du pouvoir et le pouvoir de l’ivresse…
Il nous arrive à chacun d’être gagnés par l’ivresse des sens. Cela nous conduit à penser l’impensable et à entrer dans un ailleurs. On songe à l’hybris (en grec ancien : ὕϐρις / húbris) qui se traduit souvent par « démesure ».
Parfois, l’ivresse désigne une sorte de violence voisine de l’arrogance. On y côtoie une sensation de vertige que produit le succès. Il arrive aussi que cette démesure conduise à la grandiloquence, à la transgression, à l’outrage.
Le souffle neptunien ne peut évidemment produire à lui seul le rayonnement solaire de l’un, la griserie jupitérienne d’un autre.
Nous sommes parfois tentés de rivaliser avec les dieux ; et il arrive à certains d’entre nous de penser, le temps d’un discours, d’un concert ou d’une transe, de les côtoyer.
En cela, nous ne les jugeons pas ; laissons-nous plutôt convaincre, emporter, subjuguer par eux.
Jacques VANAISE
« Emporté par la foule… » (1)
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(1) « La Foule », chanson interprétée par Édith Piaf en 1957.