l’Astro Gazette de la FDAF
n°198 - Avril 2021
Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)
Billet d’Humeur
Marie-Paule
BAICRY
Situation céleste
En ce début de printemps, le signe du Bélier est à l’honneur, traversé bien sûr par le Soleil (c’est ce qui définit le printemps en hémisphère nord), mais aussi par Vénus, puis par Mercure au mois d’avril ; ces trois planètes rapides viennent rejoindre et mettre en valeur Chiron qui s’y trouve depuis 2018-19. Un aspect tendu (de carré) se formera à partir du 5 avril entre Pluton (maître par exaltation du Bélier) et ces planètes. (Thème du 7 avril).
Pluton
Or, autant Chiron que Pluton répondent à une symbolique de transformation voire de complète métamorphose. Pluton en effet est le dieu du Royaume des morts, c’est-à-dire du passage d’un état à un autre, à l’instar de la chenille devenant chrysalide et subissant l’histolyse avant de pouvoir déployer ses ailes de papillon. « …Dans l'obscurité, le silence et l'immobilité de la chrysalide, les éléments de la chenille sont entièrement réduits à une substance amorphe et apparemment sans vie. […] De ce qui fut, il n'y a plus rien, de ce qui sera, il n'y a rien encore... mystère de l'envers de la vie non moins vivant toutefois que son autre face et inséparable d’elle1 ». Pluton est le Juge qui détourne la tête, nous laissant – parfois dans l’angoisse – face à nous-mêmes, à notre conscience, à notre cohérence ou notre incohérence. Dans la « vraie vie », ses « visites » se soldent souvent par des crises douloureuses, mais dont nous sortons renouvelés, dépouillés de nos oripeaux et ornements factices, ramenés à notre Essence. Durant le temps du passage des planètes rapides en Bélier et au carré de Pluton, les transformations concernent, entre autres, l’utilisation que nous faisons de l’énergie de ce signe, véhiculée par les planètes concernées.
Chiron
Chiron, de son côté, est un centaure guérisseur, mais blessé à plusieurs reprises. Tout d’abord, il fut conçu lors d’une union extra-conjugale de Saturne avec la nymphe Philyra, qui s’acheva dans la honte d’avoir été surpris par Rhéa, l’épouse légitime du dieu du temps. Dans leur fuite, les amants se transformèrent en chevaux ; d’où la naissance, neuf mois plus tard, d’un enfant moitié cheval, moitié homme et néanmoins également d’origine divine, bien sûr. Puis la maman, allaitant son bébé si particulier, se mit à éprouver de la répulsion pour son petit. A la fois désespérée et terrifiée, elle s’adressa aux dieux et leur demanda de devenir autre que ce qu’elle était. Ceux-ci bien sûr l’entendirent et lui offrirent de devenir arbre, plus précisément tilleul.
En dépit de cet acte pouvant être interprété comme un abandon, l’enfant grandit et s’épanouit à l’ombre de cette mère-tilleul, apprenant à s’aligner comme l’arbre, à relier comme lui Terre et Ciel, et finalement à devenir guérisseur. Avec son bois tendre, ses fleurs mellifères au doux parfum sucré, ses feuilles en forme de cœur, Philyra en réalité veillait sur lui à sa façon, avec délicatesse et bienveillance. Elle lui transmit ses pouvoirs d’arbre médicinal et lui apprit les plantes et la nature. Plus tard, il se mit à former et à initier les jeunes futurs héros à divers arts, tout en soignant voire en opérant ceux qui venaient le trouver dans sa grotte pour lui demander de l’aide.
En somme, il vécut heureux et dans l’harmonie…. jusqu’au jour où... Hercule, qu’il avait pourtant éduqué, se retrouva pris dans une bataille de centaures qu’il avait lui-même provoquée par un orgueil et une suffisance très mal placés. Alors qu’il les poursuivait jusque chez Chiron – qui était leur maître – avec ses flèches préalablement empoisonnées dans le sang de l’hydre de Lerne, l’une d’elles se perdit et alla se ficher dans la cuisse (ou le genou) de Chiron. Aussitôt le poison pénétra jusque dans la moelle de ses os et le sang de l’hydre se mêla à celui du divin centaure. Aucun remède ne parvint à le soulager et sa souffrance fut telle qu’il ne vit d’autre issue que de mourir, ce qui lui fut accordé par Zeus qui le transforma en constellation. Ainsi, il devint lumière pour les hommes de bonne volonté.
Dans le thème de la naissance de Chiron à notre conscience2, le Bélier est occupé par le Nœud Sud au Fond du Ciel, ainsi que par la Porte Invisible en maison III ; un peu comme si Chiron portait une blessure issue de sa « famille » et de sa « fratrie », en rapport avec la violence qui peut parfois s’exprimer dans ce signe du Bélier. Ce qui est bien le cas de sa « famille lointaine » des Centaures qui, contrairement au guérisseur, étaient des créatures brutales et sauvages. Ajoutons que Mars, le maître du Bélier, est en conflit (aspect de carré presque exact) avec Chiron ainsi qu’avec le Soleil du thème de découverte et, de plus, se situe en maison VIII, celle des héritages et secrets familiaux.
La position actuelle de Chiron valorisé en Bélier3 rappelle le guérisseur à cette violence. Victime d’une bataille de centaures générée par Hercule, l’un de ses protégés, nous comprenons aisément qu’il puisse être affecté de voir ce disciple qu’il a initié, se perdre dans une violence animale aussi stupide et perverse. Au-delà de la souffrance physique, c’est bien plus encore une souffrance affective et morale qui le pénètre, profondément. Au point qu’il ne peut et ne veut y survivre en l’état. D’où sa demande de mourir, c’est-à-dire de changer de plan afin d’illuminer le ciel nocturne de sa Sagesse et de nous éclairer, au fil des signes qu’il traverse, sur leur Essence et sur ce qu’il nous faut accepter d’abandonner pour y entrer.
Le Bélier
Profitons-en donc pour nous interroger sur la véritable nature de l’énergie martienne du Bélier, lorsqu’elle est vécue au plus haut.
En tant que premier signe, le Bélier initie le parcours représenté par le zodiaque, dont chacun des douze signes exprime une phase évolutive. Il représente le commencement du cycle zodiacal d’incarnation, qui va de la manifestation de l’Energie primordiale dans la Matière, jusqu’à son retour à la Lumière. Dans le Bélier se condense et s’exprime le Feu créateur issu du point central du zodiaque, de l’Absolu en lequel tout est contenu. En lui jaillit ce Feu, dans toute sa puissance virile et sa force impulsive, prêt à pénétrer la matière pour la féconder, à l’habiter de son Souffle, à lui insuffler la Vie. L’élan vital s’y exprime dans un jaillissement que rien ne peut arrêter ; il fait irrésistiblement éclater la graine afin que le germe s’accomplisse dans la réalisation de la plante qu’il contient en potentialité. Le symbole graphique du Bélier peut être vu comme cette éclosion de petites pousses printanières issues de la graine. Bien sûr, il représente aussi la tête encornée de l’animal, ardent, instinctif et puissant, fécondateur effréné de son troupeau. Tout en lui n’est qu’énergie et mouvement, désir irrépressible, élan créateur. Le V contenu dans son glyphe, triangle renversé, renvoie au delta du sexe féminin et ajoute une valeur d’ouverture au germe de vie, une marque de fécondité et de création. C’est l’accueil du Verbe qui quitte le monde de l’incréé pour entrer dans sa manifestation (involution dans la matière), pour une évolution (retour en conscience à la fusion cosmique dans les Poissons, dernier signe du cycle zodiacal). La forme en spirale des cornes symbolise ce changement de plan à travers ce double-processus d’involution-évolution.
L’épreuve initiatique du Bélier
Chiron a une première fois opéré ce changement de plan en dépassant une enfance compliquée. En ce mois printanier, nous avons l’occasion de suivre la voie de Philyra-arbre et de Chiron-médecin et chirurgien. L’enfant et sa mère blessés se sont redressés, verticalisés. Ils nous suggèrent, à l’instar du tilleul médicinal et du centaure guérisseur, d’utiliser l’énergie vitale et la détermination du Bélier dans des combats « pour » des causes justes qui nous alignent (et non « contre » les causes injustes), à prendre des initiatives constructives sous-tendues par une volonté positive de guérir des parts blessées de notre société, à mener des luttes pacifiques et déterminées visant à élever la conscience collective.
Mais à ce stade s’impose un renoncement, signifié aussi bien par Pluton que par Chiron, mais également par le Bélier qui, lui aussi, appelle un sacrifice pour pouvoir accéder à son Essence et au renouveau qu’il symbolise – diverses religions le signifient4. Renoncement à la violence du Bélier, et « conquête » de l’énergie du signe opposé et complémentaire de la Balance. Ce qui signifie que Vénus (son maître actuellement en Bélier), quitte une forme d’égocentrisme pour s’ouvrir à l’altérité et use de l’énergie martienne qui la traverse pour donner naissance à Harmonie avec le dieu de la guerre (et non à Deimos et Phobos, c’est-à-dire à la terreur et à la crainte, également engendrés par Vénus et Mars). Ce qui suppose également que le Soleil s’affirme sainement pour soutenir la quête d’amour et d’élévation du héros.
Mais nous le savons bien, et l’histoire de Chiron le confirme, des dérapages sont toujours possibles. Et en Bélier, avec la conjonction Soleil Chiron, l’orgueil d’un Hercule se croyant arrivé aux sommets de lui-même, nous guette tous lorsque, engagés dans un combat, fût-il spirituel, nous finissons par nous croire meilleurs que les autres. Alors notre part alignée chironienne se retrouve victime d’un héros intérieur devenu lui-même centaure sauvage, et toute l’ombre du Bélier se manifeste en nous : agitation, rivalité, agressivité et violence, sexualité débridée, désirs irrépressible à satisfaire dans l’immédiateté, batailles stériles dont le seul but est de ne pas renoncer, de ne pas perdre la face, de continuer à s’affirmer de manière péremptoire, sans doute aussi de masquer la peur et une insécurité constitutionnelle… Finalement, l’expression de cette ombre finit par générer une souffrance insupportable dans notre part de guérisseur devenu impuissant.
Il est alors temps d’opérer un véritable retournement, un « saut » de conscience, c’est-à-dire de nous placer délibérément et avec détermination sur un autre plan, et pour ce faire, de renoncer totalement à toute l’ombre du Bélier et à ses bénéfices secondaires (sentiment d’exister, d’avoir raison, de maîtriser les autres et la vie, etc…) en intégrant l’amour vénusien de la Balance. Accepter ce sacrifice et traverser cette épreuve initiatique, consentir à laisser éclater la coque de notre ego en nous laissant pénétrer et féconder par le feu sacré du Bélier, nous laisser totalement animer par l’Energie du feu de la constellation de Chiron en nous, nous conduira alors à nous accomplir pleinement, en accord notre dimension spirituelle, dans le monde de l’incarnation et son cycle zodiacal.
Le renouveau du Bélier
Marie-Paule BAICRY
1er avril 2021
03.88.64.10.88
Consultations et accompagnement.
Cours d’astrologie et Ateliers de méditation.
marie.paule.baicry@gmail.com
https://www.mariepaulebaicry.fr/
Tous droits réservés.
_________________________
Images (photos Baicry) :
Vitrail Bélier : Cathédrale de Cologne
Frise : Basilique St Denis
_________________________
1 Marcelle Sénard, Le Zodiaque, clef de l’ontologie appliqué à la psychologie, Editions traditionnelles, p 52.
2 Thème de découverte de Chiron : 1er novembre 1977 à 10h à Pasaneda en Californie. Thème réalisé avec Auréas.
3 Chiron est en Bélier depuis 2017-18 et y demeurera jusqu’en 2027.
4 Ainsi le christianisme à travers le Christ, « Agneau de Dieu » livré au monde de la matière pour amener l’homme à la conscience de sa part divine ; dans les Veda, le bélier est en rapport avec Agni, régent du feu sacrificiel ; chez les juifs, on sacrifie l’agneau pascal ; chez les musulmans, le mouton à la fin du Ramadan ; tandis que dans l’Ancien Testament, un bélier s’offre au couteau d’Abraham. Toujours il s’agit d’une victime sacrificielle offerte pour un renouveau, l’entrée dans un nouveau cycle, le passage à un autre plan de conscience. Plus prosaïquement, la graine évoquée plus haut meurt elle aussi pour que son germe se déploie en une plante.