l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

N°209 ~ Mars 2022

Billet d’Humeur

Marie-Paule
BAICRY

Retrouver la vie d’avant ?


En cette fin d’année zodiacale où le Soleil traverse les Poissons, dernier signe de son cycle annuel, et où se termine un cycle Jupiter Neptune également en Poissons (dont ils sont les maîtres), les Poissons sont particulièrement mis à l’honneur. Avec eux se pose la question de ce que peuvent engendrer les fins de cycles, et se profilent différentes manières de les aborder.

Il apparaît clairement, dans les troubles qui traversent l’humanité depuis deux ans (depuis début 2020, autre moment de fin de cycles interplanétaires, à savoir ceux de Pluton Saturne, Pluton Jupiter et Saturne Jupiter), que nous sommes dans une crise très particulière, et que nous sommes à la fin de quelque chose, nous pourrions aller jusqu’à dire que nous vivons la fin d’une civilisation.

Alors est-il possible, comme de nombreuses personnes semblent l’espérer et le répètent, de retrouver la vie d’avant cette crise autour du covid-19 ? Et même, est-ce souhaitable ? Imaginer un tel retour reviendrait en quelque sorte à feindre de croire que le nouveau-né, qui vient de batailler pour arriver au monde et qui peine maintenant à habiter et à gérer son petit corps fragile encore en construction, puisse revenir à sa vie d’avant, dans la chaleur et le confort de la matrice maternelle où tout semblait couler de source. Chacun est bien conscient que ce n’est ni possible ni viable.


Les Poissons, signe de fin de cycle


En réalité, il en va de même pour l’humanité aujourd’hui, et d’ailleurs après n’importe quelle crise, celles-ci constituant des passages initiatiques devant nous conduire vers de nouveaux horizons, encore inconnus de nous, plus lumineux si possible. Le signe des Poissons tel qu’il est occupé actuellement, représente une sorte d’archétype des fins de cycles, et en tant que tel, nous offre l’occasion de réfléchir à ce que représente chaque fin de processus.

En tant que signe d’eau de polarité négative et de mode mutable, il nous invite plus à la méditation qu’à une participation extérieure active, à un retrait dans le monde intime plus qu’à une bataille extérieure. La dissolution de ce qui n’a plus lieu d’être fait partie de son symbolisme. Plutôt que de cautionner la folie du monde en y participant activement, nous pouvons méditer sur ce qui nous a conduits au chaos actuel et accompagner, autant que faire se peut, le mouvement de désagrégation et de dissolution de comportements et d’institutions à bout de souffle tant ils sont corrompus. Car chaque jour apporte, à celui qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, son lot de révélations plus sidérantes les unes que les autres. Tout le fonctionnement social (jupitérien) semble découler d’une philosophie morbide adossée à à la finance et au pouvoir totalitaire qu’elle génère, le tout appuyé sur une technicisation, une numérisation, une dématérialisation à outrance, totalement opposées à la nature même de la condition humaine, inéluctablement soumise à l’incarnation, donc à la matière, que nous le voulions ou non.

Oui, la vie d’avant était déjà dysfonctionnelle, et si les pass et QR codes ont été si facilement admis par une majorité de nos concitoyens, c’est qu’elle était largement basée sur un consumérisme effarant, associé à une sorte de philosophie de la futilité, dont l’importance accordée aux bars et restaurants ainsi qu’à la position assise ou debout pour prendre son café (!) est un magnifique symbole. Finalement, le covid, en engendrant le chaos que nous traversons, est une bénédiction, un cadeau collectif qui nous a été offert pour nous ouvrir les yeux sur l’insignifiance de nos valeurs et l’inanité de nos vies, et plus encore sur la vanité vide de bienveillance, de sens et de scrupules, de ceux qui croient être quelqu’un face à ceux qui, à leurs yeux, ne seraient rien. Non, revenir à la vie d’avant ne devrait pas nous faire rêver ! Par contre, imaginer un futur aligné, respectueux de chacun, en harmonie avec la nature et notre condition humaine, est bien plus porteur. Ne ménager et recueillir en cette fin de cycle que ce qui mérite de l’être, laisser partir ce qui déjà est moribond, accepter cette désintégration en cours et abandonner ce qui est exclusivement matérialiste et destructeur, afin de faire un grand ménage pour pouvoir ensuite reconstruire une nouvelle société sur de nouvelles bases. L’histoire du déluge et de l’Arche de Noé illustre parfaitement cette démarche.


Cristallisation de fin de cycle


Mais l’amas Pluton Saturne Jupiter en Capricorne de 2020 souvent évoqué ici, a conduit les meneurs du monde à une folle cristallisation autour de leur pouvoir de plus en plus manipulateur et mensonger. Notons que l’ingrès solaire en Poissons s’est produit dans le cadre d’un autre amas plutonien (toujours en Capricorne ; voir le thème de l’ingrès plus haut) ; dans le contexte actuel, et Mars participant à cet amas, le pire est à craindre. Car bien sûr, ceux qui, depuis des décennies, ont patiemment préparé et construit ce monde pour leur propre bénéfice, vont continuer à s’y accrocher, coûte que coûte, même avec violence, dans le mensonge et la propagande, la censure et l’écrasement de toute manifestation – même pacifique – contraire à la doxa. Cependant, une cristallisation aussi sèche et contractée provoque un tel raidissement des postures qu’elle a toute chance, à plus ou moins long terme, de faire s’effondrer le système. Cette étape, certes douloureuse et difficile à traverser, risque évidemment d’amplifier encore le chaos déjà présent, les Poissons et ses maîtres participant eux aussi au processus, par une liquéfaction. Mais une société différente ne peut se construire que sur des bases totalement renouvelées. Comme après un déluge, une tempête, un raz-de-marée... neptuniens.


Reconstruction autour du cœur


À l’occasion des retrouvailles cycliques des maîtres des Poissons chez eux, interrogeons la mythologie pour nous guider dans la confusion ambiante. Nous avions déjà évoqué, dans l’article Traverser le chaos (voir mon site), le complexe d’Ixion, qui relève de l’association Jupiter Neptune et qui fait prendre des vessies pour des lanternes. Par sa vanité sans limite, Ixion en effet pensait pouvoir tromper Zeus-Jupiter en s’unissant à l’épouse même du dieu de l’Olympe. Mais, enfoncé dans les brumes neptuniennes de son inconscience, il s’unit en réalité à un nuage ayant pris la forme de la déesse, et ainsi engendra la race des centaures sauvages, bien présents actuellement ! Voilà l’une des façons, mortifère, de vivre cette rencontre planétaire entre Jupiter l’amplificateur et les brumes de Neptune, qui s’associent pour étendre et faire enfler l’orgueil de ceux qui se croient puissants jusqu’à les conduire à leur propre perte.

Mais Ixion, invité à la table des dieux, aurait pu agir tout à fait différemment et user de sa capacité à s’unir à eux pour nourrir le quotidien des hommes de leur lumière.


Une autre histoire peut être rattachée elle aussi à cette conjonction, c’est celle de Dionysos. Comme elle est très riche et donc assez complexe, nous n’allons en retenir que quelques bribes, le lecteur intéressé pourra approfondir le sujet en se référant à mon livre : À l’écoute de nos profondeurs. Tome 1. Orion et le Scorpion. (Voir mon site).

En tant que dieu du vin, Dionysos est dieu de l’humide et, de ce fait, rattaché à la planète Neptune. Mais il est également fils de Jupiter et même sorti de sa cuisse. En effet le dieu de l’Olympe le conçut avec la jeune Sémélé qu’il fréquentait assidûment, au grand dam d’Héra, l’épouse légitime de Zeus. Cette dernière, pour se venger, se déguisa en vieille femme afin de ne pas être reconnue, puis croisa la route de Sémélé et lui proposa de demander à son amant de se montrer dans toute sa splendeur de dieu, comme gage de son amour. La jeune femme suivit le conseil perfide de la déesse et insista tant auprès de son amoureux pourtant réticent, que celui-ci finit par céder, non sans l’avoir mise en garde quant au danger auquel elle s’exposait. À peine le dieu commença-t-il à se révéler dans toute sa lumière, que l’éclat des éclairs qui l’entouraient embrasa la malheureuse. Elle eut juste le temps de demander à Jupiter de sauver l’enfant qu’elle portait en son sein, ce qu’il fit en l’arrachant du corps maternel et en le cousant habilement dans sa cuisse, afin qu’il puisse y terminer sa gestation. C’est donc ainsi que, le terme arrivant, naquit le petit Dionysos, bébé vigoureux et parfaitement bien-portant... et deux fois né !


De son histoire, propre à illustrer la conjonction Jupiter Neptune, retenons que la folie accompagna le dieu du vin tout au long de sa vie, soit qu’il en souffrit lui-même, soit que son entourage en fut touché, soit encore que, la contrôlant peu à peu, il en frappa ses ennemis par vengeance, pour finalement la maîtriser et en faire une voie mystique à travers les délires dionysiaques de son culte. Autrement dit, après s’être laissé déborder par sa fécondité exubérante – liée au féminin lui aussi très présent dans son histoire –, au point d’en perdre le contrôle de lui-même et du sens social, il trouvera une autre voie de dissolution de l’ego, indispensable à son cheminement qui le conduira à l’union mystique, parcours auquel il nous invite aujourd’hui. Ainsi parviendra-t-il à concilier ses deux naissances et à pouvoir s’affirmer peu à peu en tant que dieu, lui qui naquit d’abord, inachevé, d’une femme. Voie initiatique qu’il nous est proposé de suivre nous aussi en cette période marquée par les Poissons et ses maîtres. Voie adaptée pour sortir de la folie ambiante.

Ce pouvoir de dissolution le conduira également à dénouer des situations figées. Par exemple, lorsqu’Héphaïstos eut l’idée retorse d’offrir à sa mère Héra un trône magique qui la figea dès qu’elle s’y installa, c’est Dionysos qui, grâce au vin qui délie et liquéfie les barrières mentales et sociales, parvint à convaincre le forgeron des dieux de dénouer la situation. Neptune également, usa de son pouvoir dissolvant à diverses reprises.

Brouillant notre vision du monde et nos repères sécurisants dans d’insondables brumes, ces deux dieux peuvent nous conduire à revoir nos certitudes et à nous démettre de nos dogmes pour nous ouvrir à la compassion. Voilà qui pourrait être bien utile en ces temps troublés où les postures semblent souvent bien gelées. Comme pourrait être salvateur le chemin de la foi en la vie que véhiculent aussi bien les Poissons, que Neptune et Jupiter.


Terminons notre incursion (très partielle) dans la vie de Dionysos en relatant une épreuve initiatique terrible subie par l’enfant, mais susceptible de nous ouvrir à l’énergie dionysiaque qui pourrait sauver notre monde de la folie sanitaire et guerrière qui l’agite.

Une version du mythe raconte qu’à peine né, sur l’ordre d’Héra – encore elle –, les Titans s’emparèrent du bébé, le tuèrent et le coupèrent en petits morceaux qu’ils firent bouillir dans un chaudron ! Il ne resta du petit Dionysos qu’un cœur, intact, autour duquel sa grand-mère Rhéa le reconstitua, le faisant revenir à la vie. Un grenadier aurait surgi du sol à l’endroit où le sang du futur dieu de la vigne s’était répandu, témoignant de sa fécondité débordante, de son énergie indestructible et de sa belle vitalité. Consacrée à Aphrodite et à Héra, la grenade nous entraîne sur le chemin de l’amour... qui seul pourra nous sauver collectivement. D’ailleurs Vénus Aphrodite, née des eaux marines neptuniennes fécondées par la semence céleste d’Ouranos, est exaltée en Poissons, nous indiquant la nécessité d’accompagner les fins de cycles par l’Amour.

Voilà qui nous redonne de l’espoir. À l’instar de Dionysos, notre société a été démembrée, divisée, coupée en petits morceaux bouillis dans le chaudron du covid. À nous d’en recueillir le cœur qui bat encore sous les décombres et de la reconstruire autour de ses valeurs sensibles. Chacun de nous a un rôle à jouer dans cette aventure. Chacun de nous, dans cette crise, a eu l’occasion de se laisser démembrer, de perdre ses certitudes, de se sentir morcelé, divisé, anéanti parfois. Mais nous pouvons aussi, aujourd’hui, chacun de nous, nous reconstruire autour de notre cœur, toujours intact, en dépit des blessures de la vie et, ce faisant, participer à la reconstruction d’une société plus humaine et plus douce, à l’écoute de chacun, ouverte à la sensibilité, à l’empathie, à la compassion et à toutes les valeurs méditatives et contemplatives neptuniennes, dans l’accueil de l’Invisible. L’énergie dionysiaque présente actuellement peut nous aider à entrer dans ce processus d’ouverture du cœur, individuellement et collectivement, afin de retrouver et de nourrir l’Amour inconditionnel et la Beauté dont le monde a tant besoin.

Démembrement et reconstruction autour du cœur

Marie-Paule BAICRY

25 février 2022


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Images :

1. Thème réalisé avec Auréas

2. Cathédrale de Bayeux. Photo Baicry.

3. Peinture Jacob Jordaens, Bacchus enfant assis dans un paysage (Wikimedia commons).

4. Frise : Abbatiale St Michel, Gaillac. Photos Baicry.