l’Astro Gazette de la FDAF

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

N°209 ~ Mars 2022

Billet d’Humeur

L’Astrologie devant le choix de ses sources d’inspiration.

Louis
SAINT-MARTIN

Je lis sous la plume d’un de mes éminents confrères le manifeste suivant : Cette approche de l’astrologie [karmique] relativement récente qui inclut l’idée du karma de nos vies antérieures et de son impact dans notre quotidien est très utile pour comprendre la véritable personnalité de chacun. Il est indéniable que ce concept de karma est en relation directe avec « Qui nous sommes ». Ce n’est pas parce que nous n’avons pas de preuve « scientifique » de la réincarnation que le phénomène n’existe pas. L’ignorer est un non-sens, une aberration (fin de citation)

Voilà qui m’amène à me poser des questions.

   Certes, ce n’est parce que nous n’avons pas de preuve scientifique de la réincarnation que le phénomène n’existe pas. C’est enfoncer une porte ouverte puisque l’astrologie elle-même ne peut être justifiée par le type de démonstration que la science met en œuvre.

    Mais on peut répliquer à cette pétition de principe que : ce n’est pas parce que la science n’a rien dire sur le karma, qu’il existe pour autant. N’est-il pas ?


Notre astrologue utilise une méthode qui devrait – affirme-t-il – consoler ceux qui ne se reconnaissent pas dans leur thème.

    Une première question : ils ne se reconnaissent pas dans leur thème ou ils ne reconnaissent pas ce que le thème leur renvoie … et qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas voir ? Ce qui est tout autre chose.

    Je n’ose suggérer que, d’autre part, il est peut-être difficile de se reconnaître dans certaines interprétations plus ou moins inspirées. On risquerait de me taxer de mauvais esprit.

    Ensuite, pour une raison que j’ignore car elle n’est pas indiquée dans l’article en question, cet astrologue a décidé de superposer une carte du ciel sidérale – censée représenter le « karma » de la personne considérée – autour de la carte du ciel tropique, censée représenter l’identité actuelle du réincarné. Les deux cartes arborant des couleurs différentes pour justifier de certaines dynamiques. Je suppose qu’il a de solides justifications pour asseoir cette pratique, je l’accepte donc apriori. Dans un univers où chacun est laissé libre d’observer les règles qui lui conviennent, comme l’est l’Astrologie, tout peut se justifier.

Mais, comme toujours, c’est aux fruits qu’on peut juger de l’arbre.

    Cependant, tout en acceptant la méthode de travail de cet astrologue, j’ai beau me creuser la tête, je ne comprends pas pourquoi le thème sidéral nous « révélerait » le karma du consultant. Mystère. Et mystère d’autant plus profond que rien dans la démonstration sur le cas particulier qui illustre cette doctrine, ne ressortit à la démonstration d’un quelconque karma. Du moins tel qu’on l’entend généralement.

    Car toute la démonstration ne fait appel qu’à la psychanalyse la plus courante, à la complexité des rapports familiaux, à la déficience du père, aux comportement de la mère, le tout organisé par l'inévitable complexe d’Œdipe « que le sujet n’a pas pu vivre »,  pour justifier les mauvais traitements dont la consultante de cet astrologue se plaint de la part de son conjoint (sur qui porte l’analyse du double thème) et que ledit astrologue éclaire à la lumière de ce qu’il appelle « astrologie karmique » ; là où je ne vois, moi, - nonobstant la présence insolite d’un thème sidéral - qu’un recours, tout à fait légitime, à ce que peut nous apprendre une lecture généalogique et transgénéalogique d’un thème natal, mâtinée de psychanalyse.

Était-il besoin de mobiliser deux zodiaques pour parvenir à un tel résultat ? Peut-être. Je n’y vois aucun inconvénient puisqu’il paraît « qu’abondance ne nuit pas ».

Mais était-il opportun d’avoir recours à la notion de karma pour assimiler une banale analyse psychanalytique contaminant le sens des symboles astrologiques ? Autre question subsidiaire :  l’astrologie prétendument karmique, n’est-elle qu’un outil de la psychanalyse matérialiste ou répond-elle à d’autres nécessités que de régler les problèmes de couples ?

Nous n’en saurons rien.

Je remarque néanmoins que l’auteur évoque Jung alors que son approche n’a rien de junguien mais tout de freudien. Ce qui ne ferait plaisir ni à l’un ni à l’autre.

Ce qui est sûr c’est que, de toute façon, cette démonstration ne me paraît pas avoir grand-chose de karmique… sauf si on assimile les problèmes avec papa et maman à du karma.

Pourquoi pas ?

Je suggère à ceux qui s’interrogeraient sur la façon d’intégrer un passé trans-individuel à l’analyse d’un thème d’un thème natal, de se rapprocher de la pensée transgénérationnelle illustrée, entre tant d’autres, par Mme Ancelin-Schutzenberger, ses épigones ou ses équivalents. Ils découvriront qu’il n’est pas nécessaire de s’inventer d’hypothétiques « vies antérieures » pour constater la présence en nous, plus ou moins discrète, de multiples personnages depuis longtemps entrés dans l’inconscient familial d’où ils conditionnent un certain nombre de nos comportements.

Cela leur évitera d’avoir recours à des concepts exotiques, plus ou moins religieux, et, de toute façon, impossibles à justifier sauf à épouser le type de croyances qui les ont enfantés.  


Cela m’amènera à publier un article beaucoup plus étoffé sur les rapports entre Astrologie, Karma et Vies antérieures, dans le prochain numéro de Champs Astrologiques. On pourra y découvrir les riches témoignages que certains des plus brillants esprits de notre culture européenne nous sont légués sur le sujet.    


Bien cordialement à tous et à toutes.


Louis SAINT-MARTIN

louis.saint.martin@pronoia.fr

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1 J’ai rencontré, il y a bien longtemps, un personnage qui s’appelait François Brousse, poète ésotérique à ses heures, et maître à penser de tout un groupe de personnes qui se réunissaient autour de lui et qui l’écoutaient, émerveillées, donner ses conseils inspirés sur toutes sortes de sujets – et prodiguer des « initiations au miroir » censées les faire croître en sagesse et spiritualité.

Je me souviens de l’un d’eux. Une jeune femme l’avait interpellé sur le mauvais sort qui l’avait doté d’un « très mauvais thème ». Voici le conseil qu’il lui avait donné : « Tu vas monter le thème qui te conviendrait et tu vas le suspendre au-dessus de ton lit. Tu le fixeras tous les soirs avant de t’endormir et, au bout de quelque temps, tu auras changé de thème ! » Inutile d’applaudir.

2 Article qui constitue un des chapitres de mon ouvrage « Rendez-Vous chez Origène ».