l’Astro Gazette de la FDAF

n°199 - Mai 2021

Bulletin mensuel de la FDAF (Fédération Des Astrologues Francophones)

“Sur le Vif”

La chronique de

Jacques VANAISE

J’ai beaucoup hésité avant d’écrire cette chronique, parce qu’elle risque d’être perçue comme une controverse, alors que je ne souhaite que proposer un débat d’idées.

Bien qu’il ne soit absolument pas dans ma nature de polémiquer, je ne saurais rester indifférent aux récents « billets d’humeur » de notre confrère Jean-Paul Michon.

Je n’ai pas l’intention de me quereller avec lui et je n’entends pas récuser les résultats qu’il obtient dans la conjugaison des deux zodiaques (tropique et sidéral). De plus, je ne suis pas en mesure de discuter la technicité de sa méthode qui, cela étant dit, me semble démultiplier inutilement les facteurs astrologiques.

Bref, je ferais silence…  si notre confrère ne s’érigeait (c’est tout au moins mon sentiment) en donneur de leçons.

Ainsi, dans la Gazette de janvier 2021, je lis : « Quand on aborde l’hypothèse de cette astrologie sidérale, les astrologues traditionalistes sortent alors leur artillerie lourde pour dire qu’ils ont tellement de bons résultats avec le tropical qu’ils n’imaginent pas que le sidéral puisse avoir un intérêt. Comme la plupart de ces astrologues ne se nourrissent que de lecture d’astrologie tropicale, leur endoctrinement leur interdit de regarder ailleurs. […] Encore faut-il faire l’effort d’imagination pour s’ouvrir à de nouvelles hypothèses ».

Et en avril 2021 : « Souvent, les étudiants en astrologie ressortent des écoles d’astrologie en ayant la tête remplie comme une bibliothèque, mais sont incapables de sortir quelque chose d’intelligent d’une carte du ciel. [Si André » Barbault] avait seulement eu l’idée d’approfondir la question, il aurait évité de faire perdre un siècle à la recherche en astrologie ». Et aussi : « Je comprends le besoin des écoles d’astrologie de protéger leur business, mais de là à faire une résistance au progrès, cela ne sert personne, ni l’astrologie et surtout pas la clientèle ».

Naïvement, je pensais que le débat entre astrologie tropicale et astrologie sidérale n’avait définitivement pas (ou plus) lieu de nous diviser.

Certes, nous aimons chacun attester l’efficacité des outils astrologiques que nous privilégions. Nous devions toutefois nous accorder autour de quelques fondements indubitables. Ainsi, l’interprétation d’une carte du ciel, dans la simplicité de ses trois claviers de base (planètes, signes et secteurs, et leurs aspects bien entendu) ou en y ajoutant un certain nombre de facteurs qui nous paraissent essentiels, est et reste un art dont le propos est de charpenter une langue ou un discours où se croisent obligatoirement notre subjectivité, celle de notre consultant et (ne l’oublions pas) la polysémie des symboles.

Cette polyvalence et cette adaptabilité des symboles font toute la richesse de notre technique. Mais elle peut aussi nous conduire à établir des preuves qui n’en sont pas aux yeux des sceptiques. C’est le cas lorsque nous faisons parler coûte que coûte les astres, lorsqu’un thème n’est pas suffisamment explicite, au besoin en accentuant l’importance de ce qui, d’habitude, est considéré comme mineur ().

Qu’on me comprenne bien : je ne cherche pas ici à déprécier liberté et la compétence d’un confrère. Ce qui me soucie c’est de nous accorder autour d’une théorie astrologie commune.

L’astrologie se fonde sur une structure transversale reconnue entre le système solaire et le psychisme humain.  Cette structure se situe à un niveau infiniment plus subtil que celui d’un lien exclusivement physique entre les planètes (ou les étoiles) et nous. Nous pouvons comparer cette connexion à ce que décrivent les théoriques quantiques à propos de l’infiniment petit, là où l’on ne peut plus guère ausculter que des champs d’énergie et des échanges d’informations.   

Sous cet angle, l’astrologie propose une grille de lecture pour illustrer ce qui nous agence, non plus aux astres eux-mêmes, mais à leurs symboles.  

D’où viennent ces symboles ? Fondés sur le système solaire et sur le zodiaque tropique, ils nous parlent de notre minuscule bulle périphérique, insignifiante en comparaison de l’univers tout entier ; mais qui, parce qu’elle est centrée sur l’humain, nous permet de raconter des choses à propos de nous-mêmes et de notre relation au ciel.

Ceci est connu et il peut sembler inutile de le rappeler dans le cadre de cette chronique. Je pense toutefois qu’il est important de préciser encore et encore le juste paradigme de l’astrologie. Ainsi, et bien que le discours astrologique se calque, à certains égards, sur les lois macroscopiques de la causalité (puisque le mouvement des planètes lui sert de référence), c’est avant tout le versant psychique de sa grammaire qui nous importe ou qui devrait compter.

Je ne connais du double zodiaque que revendique Jean-Paul Michon que les derniers articles qu’il a publiés dans la Gazette et je me garderai donc de lui attribuer une théorie qui n’est peut-être pas exactement la sienne. Je relève tout de même son grand intérêt pour le zodiaque sidéral. Ceci suffit à étayer mon doute et mon interrogation.

Comment justifier un zodiaque sidéral constitué de parts égales (si j’ai bien compris notre confrère), alors que les constellations (validées à partir de la précession des équinoxes) sont inégales et terriblement relatives, eût égard à la profondeur du champ sidéral dans lequel s’inscrivent les étoiles ?

Mais peut-être ai-je manqué un épisode ou n’ai-je rien compris aux démonstrations de notre collègue. Il convient donc que je lève toute ambiguïté.  J’admets que l’on puisse élargir le champ de l’espace symbolique propre à l’astrologie, jusqu’à l’étendre au voisinage des étoiles. Mais alors, évitons de réintroduire l’argument d’une influence des constellations pour étançonner notre discipline.

Notre confrère remet aussi en cause notre intérêt pour la Tradition astrologique.

Fondamentalement, nous sommes pourtant les héritiers des anciens mythes qui illustraient une jonction entre ce qui est vu, perçu et vécu dans le monde, et ce qui est imaginé ou fantasmé par la conscience, puis projeté sur le ciel.

Cette dimension subjective montre à quel point nous nous servons du ciel comme d’un miroir. Nous y reconnaissons le monde qui nous anime et qui est l’équivalent du ciel au-dedans de nous.

Certes, le système solaire n’est pas tout l’univers, bien que ce soit de lui qu’il s’agisse lorsque nous défendons l’argument physiologique de la gravité () ; ce qui démontre en quoi nous nous limitons à notre proche banlieue, au risque (sans doute) d’oublier que notre réalité humaine est plus cosmique que nous ne le pensons.

Et donc, d’accord pour dépoussiérer nos croyances, nos systèmes et nos théories. Et d’autant plus aujourd’hui qu’une nouvelle rencontre avec le ciel nous y invite, à mesure que les théories quantiques et l’astrophysique, mais aussi le bond réalisé par les voyageurs de l’espace, nous suggèrent d’autres dimensions et d’autres perspectives ().

Mais si cette nouvelle rencontre avec le ciel est « un pas de plus » dans la connaissance de notre place si relative au sein de l’univers, elle ne peut remettre en question ou déstabiliser les fondements de notre astrologie tropique.

Nous sommes sans conteste en relation avec le ciel sur plusieurs modes illustrés par l’astrologie. Nous sommes tout d’abord en relation directe avec le mouvement quotidien : nous y vivons l’alternance du jour et de la nuit. Le mouvement du soleil se produit depuis l’Est jusqu’au Midi (ce qui a conduit certains astrologues à vouloir faire preuve d’originalité en inversant l’ordre des secteurs horaires de l’astrologie, la maison I étant placée au-dessus de l’Ascendant. Mais ceci est une autre histoire).

Nous savons qu’aux fondements chronobiologiques de notre vie sur terre succède la performance archétypale de notre psyché telle qu’elle se développe à travers les douze secteurs de l’astrologie, cette fois dans le sens qui nous est le plus familier, à savoir la Maison I située sous l’horizon Est de l’Ascendant.

Si une troisième rencontre avec le ciel peut ou doit se produire, jusqu’aux confins des étoiles, que va-t-elle nous apporter de plus ou de différent ?

Par-delà notre subjectivité inscrite dans les méandres de notre imaginaire (projeté sur le ciel, dans un rapport de ressemblance bien plus que de causalité), nous sommes virtuellement le lieu où, entre l’endroit de notre vie psychique et l’envers du monde, l’Être de l’univers se précise pas à pas au cours de l’histoire des hommes.

Accéder à la dimension sidérale (mais je préfère l’appeler cosmique) de notre rapport au ciel suppose probablement que nous dépassions l’encerclement zodiacal des anciens.

Métaphoriquement, nous nous ouvrons alors à ce qui pourrait nous parvenir depuis le centre de la galaxie ou de plus loin encore.  C’est donc comme si ce nouveau ciel faisait éclater la dimension symbolique du système solaire pour le resituer dans la gravitation galactique qui l’entraîne.

Ceci nous conduirait à dépoussiérer nos anciens mythes et à pressentir un retour au cosmos, par-delà les figures et les symboles que nous y avons projetés. À cet égard, c’est comme si le bistouri libérateur d’Uranus fracassait le temps saturnien ().

Alors, en définitive, de combien de zodiaques disposons-nous ? Nous nous référons au zodiaque des anciens qui, sur un mode mythologique, fait partie de notre tradition. Nous délimitons au zodiaque tropique le champ symbolique de notre imaginaire, fondateur de notre relation au monde. Un jour, nous ferons un pas de plus vers le ciel des étoiles pour y reconnaître un appel du futur. Gardons-nous toutefois de le restreindre par avance et d’y dessiner à nouveau notre découpage du temps et de l’espace (ce qu’est supposé faire un zodiaque sidéral et, qu’on me permette ce clin d’œil, sidérant), dans l’ignorance où nous sommes encore des vraies finalités de la grande horloge qui scande la vie de l’univers.


Jacques VANAISE

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Parlons-en…

Sur le vif

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1 Un exemple que je n’attribue évidemment pas à notre collègue : « si ce n’est pas la conjonction de Saturne qui signe cette situation, c’est donc le quintile ou le demi-quintile de Pluton ».

2 La gravité propre au système solaire est inscrite tout au fond de notre ADN et, corrélativement, de notre imaginaire.

3 Comment établirons-nous le thème d’un enfant né de parents astronautes vivant dans quelques décennies sur la planète Mars ?

4 On sait que, pour les anciens, la dimension propre au système symbolique de l’astrologie se limitait à la frontière sur laquelle se déplaçait Saturne (dimension morale). Relevons par ailleurs les correspondances entre cette « frontière » et le cercle suivi par la Lune autour de la terre (dimension physiologique). Ajoutons ou rappelons encore cette coïncidence : cycle lunaire = approximativement 28 jours ; cycle saturnien = approximativement 28 ans.